La Vida Loca est le résultat de quatre années d’immersion auprès des mareros, ces membres des gangs maras qui sèment la violence à San Salvador (ou le documentaire prend place) et sur toute l’Amérique Centrale. Christian Poveda n’occulte rien de l’horreur qui se joue devant ses yeux mais il montre les membres des gangs dans ce qu’ils ont de plus humains. La vie des ses hommes et femmes est réglée au rythme des balles qui terrassent chaque jour de nouvelles victimes. Chacun est conscient de la fragilité de sa survie.
Photographe et cinéaste, Christian Poveda a commencé à s’intéresser à ces personnes en prenant en photo les survivants en prison, ceux qui ont échappés aux balles mais qui sont enfermés pour vingt ou trente ans,ou même davantage pour certain, derrière des barreaux. Pour La Vida Loca, Christian Poveda a suivi plus spécifiquement les membres de La 18, un des principaux gangs maras de San Salvador qui entretient une rivalité permanente avec un autre gang.
Les mareros sont immédiatement identifiables à leurs tatouages. Ces dessins n’ont rien d’obligatoires mais font l’identité des gangs. Ils sont d’autant plus impressionnants que de nombreux mareros ont le visage tatoué. Le film ne nous éclaire pas vraiment sur le sens de ses tatouages, mais c’est parce que je le cinéaste a choisit de ne jamais aposer à ce qu’il montre un commentaire extérieur. Le parti-pris est important. De cette manière le cinéaste ne perverti pas la réalité qu’il décrit par ses seules images. Concernant les tatouages, ont devine parfois ce qu’ils représentent mais leurs significations précises n’est pas révélé.
Christian Poveda décrit le quotidien des mareros, dans sa plus grande trivialité. Les gangs fonctionnent en famille, plus qu’en communauté. Hommes, femmes et enfants y sont intégrés. Lorqu’un marero meurt, très jeune le plus souvent, c’est toute le gang qui se réunit autour de son cerceuil pour accompagner son départ, pour pleurer sa perte. La vie est réglée au rythme des corps qui tombent mais la mort n’est malgré tout pas acceptée. Les larmes coulent en permanences, même si quelques uns que l’on voit affectés sont assez endurcis pour arriver à contenir un peu les gouttes lacrymales qui glissent sur leurs visages tatoués.
Christian Poveda nous montre des personnes brisées, qui portent parfois sur eux les séquelles de leurs premiers flirts avec la mort. Aucun d’entre eux ne nous fait penser à un quelconque gangster d’envergure, comme le cinéma de fiction nous en propose régulièrement. Ils nous apparaissent au contraire tous comme humbles, ni héros ni martyrs. La violence fait juste partie de leurs vies, comme s’ils n’avaient pas d’autre alternatives que d’appartenir à ses factions. Le film arrive a restituer une partie du drame quotidien, au moins celui ressenti par le cinéaste lui-même, qui nous permet de suivre et d’accaompagner avec lui quelques personnages, jusque dans une certaine intimité. Une complicité avec le spectateur se tisse incidieusement, jusqu’à ce que nous soyons ramené, sans prévenir, à la tragique brutalité qui s’exerce chaque jour. Le film est particulièrement fort pour cette raison là. Les mareros sont accompagnés dans tout ce qu’ils font, exception faites de leurs opérations illégales. Nous n’avons pour autant pas le temps d’oublier qu’ils sont des gangs, car la violence surgit à n’importe quel moment qui nous rappelle qui ils sont.
Cette proximité avec les différents mareros qui sont les personnages du documentaire, induit néanmoins de se rendre compte de l’humanité brisée de ces personnes. Ils n’ont pas vingt ans pour la pluspart et il sont déjà morts. C’est cette réalité là, complexe et quasiment insoluble que Christian Poveda montre. Il nous révèle aussi en filigrane les coulisses d’une police et d’une justice qui est complètement dépassée. Le cinéaste ne pointe néanmoins aucun jugement. Le film parle de lui même, sans distance morale, sans esprit didactique, juste pour ce qu’il montre image après image, du quotidien des mareros.
Photographe et documentariste, Christian Poveda a consacré près de quatre ans de sa vie à vivre avec eux. Le 2 septembre 2009, quelques semaines avant la sortie officielle dans les salles françaises de son film, le cinéaste a été retrouvé assassiné dans sa voiture à San Salvador. Il est devenu malgré lui la victime d’un gâchi humain qu’il dénoncait par son travail, ses photos et ce film, tout en étant conscient des risques qu’il prenait à vivre si près de tels personnages. La tragédie nous est insupportable mais ne perverti pas la vision de La Vida Loca. Ce drame nous incite seulement à regretter davantage la disparition d’un cinéaste dont on découvre à peine l’oeuvre et qui ici nous impressionne.
Benoît Thevenin
Réalisé par Christian Poveda
Année de production : 2008
Sortie française le 30 septembre 2009
httpv://www.dailymotion.com/video/x9jpu8_la-vida-loca-vf_creation
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Le plus ironique, c’est que dans son parcours professionnel, il a couvert des événements et des terrains extrêmement dangereux, dont la guerre au Salvador, qui a sûrement compté dans son attachement pour ce pays.
D’origine salvadorienne, ce film m’a réellement touché. je le trouve simple, juste et réaliste. il montre sans taboo la vie au sein d’un gang. Il se passe de tous commentaires. Je vous le recommande.
Marie Castaing
Il est hélas probable que sans le décès de ce courageux journaliste, ce film n’aurait pas été aussi médiatisé… Je me demande d’ailleurs si en France, ce n’est pas le motif pour lequel les gens semblent curieux de découvrir un film glaçant et sans concession sur cet univers des gangs qui offrent un constat terrible de ce que peuvent être le résultat et l’échec de la soi-disant politique communautariste et d’intégration des Etats-Unis.
La lutte contre les gangs aux USA a visiblement ramené ceux-ci dans les pays d’Amérique centrale et latine sans que personne dans le monde ne s’en soucie vraiment, d’autant que voir des cadavres joncher les rues est un spectacle ordinaire…
Merci pour cet article!