Voyage, voyage…. Il existe des livres qui vous font partir, voyager, ressentir, aimer, sourire, bref…vibrer. Il existe des livres qui comptent plus que d’autres, presque comme s’il y avait un avant et un après. Ella Maillart. Une sacrée bonne femme!
*Qui est elle?*
Ella Maillart (1903 – 1997) est une des voyageuses qui a marqué le XXème siècle. Exploratrice par quête de vérité, écrivain et journaliste par nécessité, photographe par goût, Ella Maillart, célèbre pour ses multiples exploits sportifs (voile notamment), ses voyages et ses livres, a parcouru les régions les plus reculées de la planète, dans des conditions qui relevaient de la plus pure aventure. En 1930 et en 1932, elle découvre le Caucase et l’Asie centrale.
En 1935, en Chine, elle accomplit un raid extraordinaire dans les contrées désertiques au nord du Tibet et au Sinkiang. Plus tard, guidée par quelques sages hindous, elle choisit le chemin du soi.
Ella a marqué son époque. Entière, fonceuse, amoureuse.
Dans « La Voie Cruelle », elle raconte son périple partagé avec une sacrée autre femme, Annemarie Schwarzenbach. Deux femmes, une ford, Geneve-Kaboul.
Mais cela est resté un épisode dans sa vie, comme son périple à travers la Chine avec Peter Fleming. Décisif, en revanche, expérience fondamentale fut son séjour en Inde où elle apprendra que « la vie intérieure colore et conditionne la vie extérieure ».
La sagesse…
*La Voie Cruelle*
Sous titré : Deux femmes, une Ford vers l’Afghanistan.
En 1939 Ella Maillart entreprend ce voyage avec un double but: aider son amie, Annemarie Schwarzenbach, Christina dans le livre, et arriver à Kaboul.» L’amie c’est Christina, qui souffre d’un mauvais mal de vivre, qui a choisi «la voie compliquée, la voie cruelle de l’enfer» à une manière de vivre plus «facile». Son charme et ses dons sont exceptionnels, mais elle se drogue.
Ella a pour but d’acquérir la maîtrise de soi et de sauver sa compagne d’elle-même.
Et à la question : pourquoi voyagez-vous ? elle répond : «pour trouver ceux qui savent encore vivre en paix.»
Petit rappel : nous sommes en 1939. Le mode est agité. La guerre est attendue.
Elles partent, donc, d’une Europe noire. Mais pas seulement pour partir, ni pour seulement voyager.
«Je sais, d’expérience, que courir le monde ne sert qu’à tuer le temps. On revient aussi insatisfait qu’on est parti. Il faut faire quelque chose de plus.» Ce plus ce sera le coté scientifique, ethnographique, des recherches sur ces sociétés traditionnelles qui «s’affaiblissent au point de s’écrouler devant notre matérialisme qui n’a pas de quoi les remplacer.» Ce plus ce sera aussi la recherche de soi : «Nous étions toutes deux des voyageuses : elle, voulant avec chaque départ oublier sa dernière crise émotionnelle (et ne voyant pas qu’elle souhaitait déjà la suivante) ; moi, cherchant toujours au loin le secret d’une vie harmonieuse.»
Ce livre raconte le boulot de deux écrivains et de leurs états d’âme.
Deux écrivains qui voyagent en voiture (avec des pannes, des frayeurs, des paysages somptueux ou inhospitaliers, des barrages) font, en ces lieux et à cette époque, des rencontres étranges, inattendues, et parfois pas évidentes, dans des pays où les hommes «n’ont vu jusqu’ici que les visages de quatre khanoums : leur mère, leur sœur, leur femme et leurs filles.»
> Extrait
« La première fois que la vis – je me rappelle bien l’impression qu’elle me fît – elle avait gravi les marches usées du Schwarzen Baer à Zurich, auberge vieux jeu et silencieuse où mon oncle ingénieur avait un pied-à-terre. C’était une claire journée d’été. Sans chapeau, chic dans un tailleur gris, si mince qu’elle en était presque éthérée, assise, elle demeurait silencieuse et penchée. Et soudain un sourire confiant s’esquissait. D’abord il sembla qu’elle écoutait une musique intérieure. Ensuite je sentis qu’elle cherchait. Elle écoutait au-delà des mots prononcés, dans l’espoir d’y saisir comme une résonance d’un monde doté de plus de sens que le nôtre: elle attendait la note fondamentale. Ou bien, pour utiliser une autre métaphore, elle regardait au-delà de nous, qui ne sommes que des prismes, afin de capter un rayon de lumière originelle non différencié. »
« Kini [le surnom d’Ella Maillart], depuis quelque temps je voulais vous demander : pourquoi vous faites-vous tant de souci à mon sujet? Pourquoi m’avoir emmenée avec vous?
Pourquoi je me fais du souci à votre sujet?… Je ne sais pas. Impossible de dire si c’est parce que je vous aime ou parce que je vous déteste, lorsque je vois des dons comme les vôtres pareillement gaspillés. Je parle des dons: vous n’en êtes pas l’auteur; ils affirment une intelligence plus magnifique que votre actuelle folie. Ne comprenez-vous pas que vous les avez reçus à seule fin de les faire fructifier? Quant à répondre à votre seconde question, à vrai dire je voyage avec vous… parce que je voyage avec vous! Ce n’est qu’après coup que l’on arrange des explications.«
«La nostalgie de l’Absolu est sans doute la véritable motivation de tout vrai voyageur.»
Annemarie SCHWARZENBACH
Publié par:
EDITIONS JEHEBER, GENEVE, 1952
EDITIONS 24 HEURES, LAUSANNE, 1987
EDITIONS PAYOT, PARIS, 1989
FRANCE LOISIRS, EDITION CLUB, 1990
EDITIONS PAYOT «VOYAGEURS», PARIS, 1991
J’aime leur courage, leur profondeur, leur besoin et recherche d’absolu…tout simplement.
Je dévore les autres livres d’Ella.
Bon voyage….
Pour une iconographie du voyage de la Voie cruelle, voir ELLA MAILLART
« Involontairement, et sans le savoir, les gens essaient de monter deux chevaux également fiers : l’étalon Nature et l’hermaphrodite Mental. Et ils souffrent d’être écartelés. C’est peut-être cela ce qui arrivait à Christina. »
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