Situées Nord Ouest de l’Allemagne, les Iles Halligen sont des espaces aussi remarquables que méconnus des touristes comme des Allemands. On dit des îles de l’archipel Hallig (en), les îles de la Frise du Nord (Frise ou îles Frisonnes), qu’elles sont les « sentinelles du Nord »… Ces petits îles appartiennent à la région de Schleswig Holstein et constituent des petits havres de paix, en particuliers celles de Südroog et de Langneβ, l’île aux enfants … Découverte de deux îles « lointaines » au coeur de l’Europe!
Iles Halligen: Langeneβ et Südroog ; île des enfants
Proches de nous, voici deux îles lointaines.
Aujourd’hui, je vais donc vous relater l’histoire des Iles Halligen, et en particulier deux îles au cœur de l’Europe, proches de nos métros et de nos agences de voyage, de nos gares et de nos péages.
Bien. Vous voyez cette carte ? Oui, l’Europe.
A l’ouest de l’Allemagne, voici l’île de Langeneβ et celle de Süderoog.
Je vois certains yeux se froncer. Comment, vous ne connaissez pas ces deux îles, au cœur de notre vieux continent ?
D’abord, il faut aller sur celle d’Amrum. En ferry, oui. Ensuite, vous prenez un autre bateau qui vous dépose au petit port de Langeneβ. Sur le port, une cahute. Dans la cahute, un troquet dans lequel on ne serait pas surpris de rencontrer le capitaine Haddock en train de monter une expédition vers la Licorne, tellement le décor est dépouillé, fonctionnel et vintage.
D’accord. Le troquet n’existe peut-être plus. Il faut dire que j’y suis allé au début de la dernière décennie du siècle passé. Avec mon ami Bertrand.
Bertrand s’avère extrêmement utile dans ces rivages germaniques. Il parle la langue aussi bien que Goethe et connaît la géographie locale aussi bien que les stratèges de Bismarck, lui.
Deux vélos. Cap à l’est sur l’unique route plate, rectiligne, longue. En ce mois de mai, il fait beau, le ciel est bleu et il y a du vent. Un vent d’ouest à décorner les bœufs.
Pour le moment, nous filons comme des fusées vers l’est. Le paysage est pelé – pas un arbre à l’horizon – les sternes font leur nid ou criaillent au-dessus des deux vélocipédistes propulsés par un vent atrabilaire qui les dispense de pédaler.
L’île se situe dans l’archipel des Halligen, à l’ouest de l’Allemagne. Elle compte 100 habitants qui vivent dans des maisons coquettes, en toit de chaume épais, juchées sur des Warften, sorte de butte ou de petite colline qui ont été érigées par les habitants. Ceux-ci vivent du tourisme (faible), de l’agriculture (faible) et de la surveillance des côtes. Il y a une petite école pour les 30 enfants.
La mer est ici sauvage et belliqueuse. Des tempêtes insensées inondent fréquemment l’île et isolent ses habitants de la civilisation continentale. L’Allemagne, cette patrie au cœur de l’Europe dont le coeur cesserait de battre sans cette patrie, semble à des années-lumière.
Le paysage rappelle un peu celui des polders Flamands ou de Zélande. Des moulins et des canaux. L’eau suinte dans les fossés. C’est plat. C’est vide. Tiens ! Un troupeau de vache. Des frisonnes, bien entendu. Leur lait doit être salé.
Il y a ici tout ce que j’aime: la mer qui danse avec le ciel, le vent et son odeur, les oiseaux qui déchiquètent les nuées autour du phare, la solitude et le sentiment d’être vraiment très loin des péages, des agences de voyage, des gares et des métros.
Et le vent d’ouest nous propulse à l’est de l’île.
Là, nous découvrons l’espace, l’immensité de la platitude de cette île qui semble aussi fragile que les atolls menacés par la montée des océans. Là, Nous devisons sur la beauté du monde et sur cette incroyable sauvagerie qui peut encore survivre aux hordes de touristes. Là, nous découvrons la joie du sandwich et l’eau régénératrice. Là, nous découvrons que le bateau part dans moins d’une heure. Las, très vite, nous réalisons que le vent d’ouest souffle toujours.
Le retour sous les bourrasques est moins exaltant. Le vélo-fusée s’est transformé en vélo-limace. Agrippé au guidon, serrant les dents, nous pédalons dans un mur de vent.
Hagards et fourbus, affalés sur les banquettes du bateau que nous avons pu in extremis reprendre, les joues couperoses, nous n’apercevons pas les contours ouatés de l’île de Süderoog, située plus au sud.
Là, un fameux résident de l’île, Hermann Paulsen Neuton, avait fondé l’île des enfants (Insel der Jungen). Sa fondation avait pour but de réunir des garçons du monde entier qui, coupés du monde et vivant en toute liberté, apprenaient à se connaître et devenir amis. C’était une bonne manière, disait-il, de coaguler la pédagogie avec la psychologie.
Mais en 1962, des inondations fulgurantes mirent fin à l’île des enfants. A l’heure actuelle, seulement un couple vit en permanence sur l’île.
Elle est lointaine dans ce sens que personne ne peut y habiter plus d’une journée.
Comme quoi, il ne faut pas aller loin pour se sentir loin.
L’île de Süderoog. Une seule maison.