« Etre au milieu de nulle part » (pour reprendre les termes de ma note d’il y a quelques jours…), ce n’est pas être « nulle part », c’est être « à la croisée de.. » de deux mondes, de deux continents, de deux univers, l’un en éveil et bouillonnant, l’autre, stagnant et en passe de se « muséifier ». Faut-il spécifier celui auquel nous appartenons ? L’Histoire se répète, ou bégaie, sur le mode expansion/dépression…C’est ainsi.
« Le Pont de la rivière Khwaï » fut un des premiers films que j’allais voir avec mes parents. Pas d’histoire d’amour, ni de baiser – vrai ou de cinéma – une histoire exemplaire à voir en famille pour raconter et comprendre un fragment de l’histoire du monde et de la deuxième guerre mondiale qui ne s’était pas déroulée qu’en Europe. L’Asie avait drôlement morflé sous les jap’s… d’où le coup probablement monté de Pearl Harbour et les bombes de Hiroshima et Nagasaki qui suivirent. Le film racontait les atrocités de la guerre dans le Sud-Est asiatique sur le mode sautillant d’une musique qui est toujours dans les mémoires : « Hello, le soleil brille, brille, brille.. »
Un ami thaïlandais me disait récemment : « Si tu veux faire un placement, achète de la terre du côté de Kanchanaburi près du pont de la rivière Khwaï qui, – comme chacun ne sait pas, relie les deux pays, Thaïlande et Birmanie – les prix y grimpent de jour en jour. C’est là où ça va se passer ». Cette ligne mythique va renaître de sa ferraille et on n’y chantera plus « le soleil brille, brille, brille,brille », mais le fric va y exploser, comme la dynamite à l’époque historique du pont (le film réunit Pierre Boulle l’auteur, David Lean le réalisateur – avec qui j’ai dansé un jour dans une boite à Paris – et David Niven l’inoubliable comédien) de ce fameux pont construit sous les ordres de l’armée impériale nippone.
Le gouvernement birman a décidé de relancer la ligne Birmanie-Thailande. Des liens terrestres pour recréer des liens stratégiques, politiques à la veille du sommet, la semaine prochaine, de l’ASEAN. Des liens pour échanger des idées ? Plutôt de meilleures infrastructures pour échanger, vendre, acheter des produits. Et les japonais et les chinois mènent la danse pour financer en partie ces projets dans cette région qui se « reconnecte » avec le reste du monde.
Comment ces pays de l’ASEAN vont-ils s’entendre : entre Brunei la monarchiste extrême, Laos et Vietnam les marxistes, Thailande, cocktail militaro-monarchico-démocratique ? La Compagnie aérienne « Air Asia » – avec ses 4800 vols par semaine (dont 90 % dans la région) – relie tous ces pays d’Asie. Le Cambodge reçoit son électricité de la Thailande, et si Bangkok brille de mille feux quasi ininterrompus, c’est bien grâce en partie au gaz naturel qui lui arrive par « pipe-line » sous la mer d’Andaman, depuis la Birmanie.
Après les avions, les bateaux, les voitures, les ponts, les pipe-lines, bientôt les satellites et les réseaux sociaux, Facebook et les « chats » ? (Et bientôt la « Pensée Unique » made in Asia ?) Commercer est une chose, avoir des lois communes en est une autre. Entre Thaïlande et la vie libre (pas si libre) de ses bars et salons en tous genre, les trottoirs très catholiques de Manille, les musulmans de la péninsule la plus musulmane de la planète, l’hydre à deux tète qu’est la Malaisie…. ??? Drôle de bin’s. Y’a qu’à voir l’Europe.
L’Asie du sud-Est, une entité ? Lorsque jeune voyageuse, on en parlait entre nous, sur le mode Muriel Cerf (je t’aime Muriel, pardon de ne pas te l’avoir dit, tu en parlais trop bien pour que j’ose à mon tour), on pensait que ce continent particulier existait, mais il n’existe pas, je le sais, j’en reviens. C’est un terme créé par des intellectuels américains vers 1930. Ils considéraient que cette partie du monde n’appartenait ni à l’Océanie, ni à la Chine, ni à l’Inde, ni à l’Australie.
Alors l’Asie du Sud-Est n’existe pas, je sais, j’y retourne bientôt.
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