« C’est une ville… d’un coup, ta lampe marche plus lorsque tu lis à 22h. Tu sors pour chercher une ampoule, tu réponds à un étranger qui te demande « où est le quai de Loire », tu trouves la bonne ampoule pas cher chez ton voisin épicier arabe. Tu rentres en fumant, et puis tu donnes une dernière cigarette à ton voisin clochard… »
Voilà comment s’exprime mon amie chinoise Didi pour décrire un petit bout de son quartier parisien. Arrivée en France voici trois ans, sans un seul mot de français, elle suit – déjà – les cours de psychanalyse à Paris VII – Diderot. Amie d’une amie. On s’était rencontrées à Kunming, au Yunnan, une province du sud de la Chine… J’aime la retrouver à chacun de mes retours à Paris, suivre son parcours et puis rêver de partir avec elle et quelques artistes chinois en Mongolie… je sais qu’avec elle tout est possible.
J’aime nos conversations, apparemment anodines mais parfois dérangeantes. Avec elle, je suis plongée dans un roman chinois… celui – délicieux – de Xiaolu Guo par exemple. « Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants ». Son admiration pour la France s’est modérée avec le temps, son regard s’est aiguisé, s’est fait critique. On attrape du recul en s’enracinant, tout comme on attrape du recul en s’éloignant,… Bizarre mais c’est ainsi. J’en fais l’expérience également… En prenant de la distance avec la Chine, elle regarde son pays « autrement ». Entre amour filial et amour intellectuel, elle fait le constat aujourd’hui, qu’elle se trouve « au milieu de nulle part. « J’ai honte de mon pays parfois » avoue-t-elle… Il est clair qu’elle n’a plus les yeux de Chimène pour la Chine… Je lis à l’instant les répressions sanglantes, au Sichuan, contre le peuple qui proteste contre la construction d’une usine polluante. Le peuple n’en veut pas. Mais le peuple sera réprimé violemment : la police vient non seulement d’interdire les marches de protestation mais aussi d’interdire l’utilisation d’internet et des messages texto pour organiser ces marches.
« Etre au milieu de nulle part » – expression qui me touche depuis que je vis entre France et Thaïlande – lorsque les emballements naïfs des débuts (les miens sont lointains) se sont estompés pour faire place à un peu plus de lucidité et de sagesse. « Etre au milieu de nulle part » c’est le prix à payer pour plus de clairvoyance, de compréhension et d’esprit critique envers le pays– non pas d’accueil – mais « choisi », c’est diffèrent. On peut être observateur pointu et continuer d’aimer, c’est juste un peu moins confortable… En Thailande, je trouve des qualités vitales et toniques à la France. En France, je trouve de douces et belles qualités au royaume thaïlandais. Dans les deux cas j’essaie d’être lucide sur les deux pays…Les lunes de miel de durent pas – c’est comme en politique – mais pour inconfortable que soit cette position « entre deux chaises », je ne la changerai pas pour une admiration béate ou une critique systématique de l’un ou l’autre des pays. A une « société enchantée », je préfère une « société de la connaissance », parce qu’elle maintient en éveil plutôt que dans le rêve et l’illusion et tant pis si on est « au milieu de nulle part »…ou, pour utiliser une bonne expression française « le cul entre deux chaises »
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Je m’appelle Michèle Jullian. J’aime les voyages, la photographie, l’écriture.
Voyager ce n’est pas seulement prendre l’avion ou parcourir la planète, c’est aussi voyager dans les livres, les deux étant l’idéal. Chaque voyage comporte sa part de découvertes et de déconvenues, lesquelles deviennent expériences, à partager ou pas. Voyager est une aventure de chaque instant. Mes repères sont en France et en Thaïlande où je réside « on and off ». J’ai écrit un roman « théâtre d’ombres » qui a pour décor la Malaisie et la Thaïlande …
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