C’est à la fois le rôle et l’honneur du service public de soutenir les artistes contemporains. Or, La Poste, qui, jadis, émettait de belles vignettes reproduisant les œuvres des grands maîtres, propose cette année un carnet de timbres autocollants destinés à l’affranchissement des lettres prioritaires courantes composé de 12 créations de la plasticienne Miss.Tic.

Les mentalités ont changé, le style de l’artiste s’est affirmé, le pochoir, avec les murs pour support principal, s’est progressivement fait une place parmi les arts. Art de rue ? Sans doute – et l’artiste occupe ici une place à part dans cet univers d’expression essentiellement masculin –, mais surtout art gratuit, librement accessible à tous, même si Miss.Tic, aujourd’hui, multiplie les supports (toiles, papiers lacérés, panneaux de bois, briques etc.), expose dans des galeries et fait partie de très sérieuses collections muséales.
Son approche picturale se distingue par le choix de figures féminines brunes en robe noire assorties de textes où jeux de mots et calembours, malicieux, irrévérencieux, mettent en relief, au premier comme au second degré, un féminisme libertin qui interpelle les regardeurs des deux sexes. La palette, traditionnellement noire pour les pochoirs de rue, se rehausse parfois de rouge. Après avoir consacré nombre de pochoirs aux autoportraits, Miss.Tic s’est attaquée à différentes représentations féminines, souvent issues des publicités, images de mode et autres illustrations de magazines féminins. Ces détournements se jouent des stéréotypes en les mettant en exergue. Les femmes sont donc majoritairement belles, sexy, séductrices ; les références à la lingerie, voire au fétichisme et au sadomasochisme demeurent nombreuses. Mais la provocation proposée par le dessin se confronte toujours au texte distancié qui vient non pas nuancer, mais bien déjouer l’impression première laissée par le graphisme. En découle immanquablement un questionnement.

Outre les silhouettes féminines qui forment le cœur de son art, Miss.Tic crée aussi des pochoirs représentant des chats, des personnalités (Marilyn Monroe, Marguerite Duras). En 2000, sa série intitulée « Muses et hommes » fut une réinterprétation de toiles emblématiques des maîtres anciens, comme La Maja vestida de Goya, La Mort de Sardanapale de Delacroix ou Le Sommeil de Courbet. On retrouve encore dans son œuvre des clins d’œil à Marcel Duchamp en forme de texte, comme « Femme au bord d’elle-même » ou « Cueillir l’Eros de la vie. »
La portée de cet humour, à la fois poétique et militant, dépasse souvent la dimension d’une pertinente impertinence, comme lorsque l’artiste écrit ce bel aphorisme, si actuel en ces temps ou le débat esthétique a une fâcheuse tendance à s’inviter dans les prétoires pour cause de religion ou de moraline : « La censure est la formule ratée de la critique ».
Illustrations : Timbres de La Poste émis à l’occasion de la Journée de la Femme – Pochoir, réinterprétation du Sommeil de Gustave Courbet – Pochoir concernant la censure.
- Jean Pierre Sergent à l’honneur pendant l’été 2015 à Bâle et Montreux - Juil 21, 2015
- Le Voyage en Italie de Goethe ; un guide touristique passionnant - Sep 5, 2014
- « Balzac, une vie de roman », de Gonzague Saint-Bris - Juil 5, 2014