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Le féminisme délicieusement timbré de Miss.Tic

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C’est à la fois le rôle et l’honneur du service public de soutenir les artistes contemporains. Or, La Poste, qui, jadis, émettait de belles vignettes reproduisant les œuvres des grands maîtres, propose cette année un carnet de timbres autocollants destinés à l’affranchissement des lettres prioritaires courantes composé de 12 créations de la plasticienne Miss.Tic.

Depuis 1985, tout le monde a, un jour, vu ses œuvres sur les murs de Paris : d’élégantes figures, la plupart du temps féminines peintes au pochoir (une technique qui remonte à l’art pariétal) et accompagnées de slogans décalés. Pendant de nombreuses années, Miss.Tic, qui n’avait pas suivi la filière de formation artistique classique, peina à imposer son travail, au départ voué à la clandestinité. Dans le regard des spécialistes comme des passants, son concept d’art de rue n’existait pas ; pire encore, il s’apparentait aux dégradations urbaines, au même titre que les graffitis dénués de toute approche créative. Plusieurs fois appréhendée par la Police, elle fut même condamnée à une forte amende par la Cour d’appel de Paris en 2000 pour « détérioration d’un bien par inscription, signe ou dessin ». Aujourd’hui, ce motif fait sourire.

Les mentalités ont changé, le style de l’artiste s’est affirmé, le pochoir, avec les murs pour support principal, s’est progressivement fait une place parmi les arts. Art de rue ? Sans doute – et l’artiste occupe ici une place à part dans cet univers d’expression essentiellement masculin –, mais surtout art gratuit, librement accessible à tous, même si Miss.Tic, aujourd’hui, multiplie les supports (toiles, papiers lacérés, panneaux de bois, briques etc.), expose dans des galeries et fait partie de très sérieuses collections muséales.

Son approche picturale se distingue par le choix de figures féminines brunes en robe noire assorties de textes où jeux de mots et calembours, malicieux, irrévérencieux, mettent en relief, au premier comme au second degré, un féminisme libertin qui interpelle les regardeurs des deux sexes. La palette, traditionnellement noire pour les pochoirs de rue, se rehausse parfois de rouge. Après avoir consacré nombre de pochoirs aux autoportraits, Miss.Tic s’est attaquée à différentes représentations féminines, souvent issues des publicités, images de mode et autres illustrations de magazines féminins. Ces détournements se jouent des stéréotypes en les mettant en exergue. Les femmes sont donc majoritairement belles, sexy, séductrices ; les références à la lingerie, voire au fétichisme et au sadomasochisme demeurent nombreuses. Mais la provocation proposée par le dessin se confronte toujours au texte distancié qui vient non pas nuancer, mais bien déjouer l’impression première laissée par le graphisme. En découle immanquablement un questionnement.

Au chapitre des slogans, souvent proches de l’aphorisme, on note ainsi « Le Temps est un serial qui leurre », « Jouer les filles de l’art », « A Lacan ses lacunes », « Regarde la réalité en farce », « Je joue oui », « Vain cœur vain cul », « Pour des ébats participatifs », « Le droit d’asile une histoire de fou », « Fais de moi ce que je veux » ou, comme sur les timbres de La Poste : « Femme de l’Etre », « Je suis voyelle du mot voyou », « Il fait un temps de chienne », etc.

Outre les silhouettes féminines qui forment le cœur de son art, Miss.Tic crée aussi des pochoirs représentant des chats, des personnalités (Marilyn Monroe, Marguerite Duras). En 2000, sa série intitulée « Muses et hommes » fut une réinterprétation de toiles emblématiques des maîtres anciens, comme La Maja vestida de Goya, La Mort de Sardanapale de Delacroix ou Le Sommeil de Courbet. On retrouve encore dans son œuvre des clins d’œil à Marcel Duchamp en forme de texte, comme « Femme au bord d’elle-même » ou « Cueillir l’Eros de la vie. »

La portée de cet humour, à la fois poétique et militant, dépasse souvent la dimension d’une pertinente impertinence, comme lorsque l’artiste écrit ce bel aphorisme, si actuel en ces temps ou le débat esthétique a une fâcheuse tendance à s’inviter dans les prétoires pour cause de religion ou de moraline : « La censure est la formule ratée de la critique ».

Illustrations : Timbres de La Poste émis à l’occasion de la Journée de la Femme – Pochoir, réinterprétation du Sommeil de Gustave Courbet – Pochoir concernant la censure.

Thierry Savatier
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