Michon concocte, comme il sait si bien le faire, un texte ciselé au millimètre pour mettre en scène cet homme qui fut au service du peintre le Lorrain qu’il quitta pour le Duc de Nevers, à Mantoue au temps des princes et des princesses, qui connut le monde de la soie et celui de la sueur et s’élève contre l’injustice et les inégalités.
Voilà, je suis entré de monde de Michon, certes bien timidement, le bout du pied seulement, quelques pages d’une bien large écriture dans un tout petit format, mais du Michon tout de même dans toute sa splendeur, le cri de révolte de Gian Domenico Desiderii, au service de Charles de Nevers tenant alors Mantoue, qui a quitté le service de le Lorrain, le peintre entretenu comme d’autres par le pape, après vingt années de bons et loyaux services qui ne lui permirent pas de devenir prince. Car prince, il voulait l’être à tout prix pour, comme le prince qu’il surprit un jour, contempler encore cette apparition, … cette visitation, bleue, vaporeuse et abondamment troussée qui déversait sans retenue, ni vergogne, une généreuse averse intime sous la frondaison où lui, Gian Domenico alors berger, gardait des porcs.
Sa vie auprès des peintres ne le fit donc jamais prince et le monde de la soie ne lui fit pas oublier le monde du suint, celui des femmes qui travaillaient dur et qui n’avaient même pas le temps de quitter cette parure héritée de leur condition d’esclave. Et, c’est un cri de révolte et de haine qu’il pousse quand devenu maître des chasses du duc, il est le roi de la forêt ce monde authentique et naturel que la corruption n’a pas encore atteint où il peut proférer sa malédiction vengeresse : « Maudissez le monde, il vous le rend bien. »
Etrange ce texte situé dans l’histoire, en Italie à l’époque des princes et des princesses, comme dans les contes, pour crier sa haine, sa colère et son désespoir à la face de ce monde d’inégalité et d’injustice. Et, ce, dans une langue de la plus grande pureté, ciselée au coin du talent, portée à l’épure, mais qui semble un peu comme un papier de soie pour emballer un maillet. Fallait-il tant de talent pour pousser ce cri, ne fallait-il pas juste un peu plus de souffle, de rage et de spontanéité ? La haine se théâtralise mal, elle demande seulement sincérité, véracité et simplicité, elle vient des tripes, pas du cerveau !