L’Italie comme terre d’évasion et de découvertes multiples pour tant d’intellectuels et écrivains. Le Voyage en Italie de Goethe est un récit du voyage réalisé par l’écrivain allemand entre 1786 et 1788. Un livre qui est avant tout un guide touristique passionnant pour partir à la rencontre de l’Italie…
Le Voyage en Italie de Goethe ; plus qu’un récit de voyage…
Pour les écrivains du XVIIIe et du XIXe siècle, le voyage en Italie est un passage obligé, motivé par une recherche de racines culturelles plus encore que par une volonté de dépaysement ou d’évasion, voire une curiosité touristique. De l’Europe entière, on vient à Paris pour goûter l’air du temps, côtoyer les derniers courants intellectuels et artistiques, mais on se rend en Italie pour s’imprégner d’un héritage d’art et d’histoire, gréco-latin d’abord, puis de la Renaissance. Goethe l’avait bien senti, lui qui avait écrit, en 1770 « En Italie ! En Italie ! Paris sera mon école. Rome, mon université : qui l’a vue a tout vu ! ». Le Voyage en Italie de Goethe est plus qu’un récit de voyage…
Très vite, pour qui sait voyager c’est-à-dire observer – et les écrivains ne se comportent pas en touristes –, la découverte de l’Italie dépasse celle des monuments, des musées et des églises pour englober les paysages et, naturellement, les habitants, dans toute la diversité qu’impose un territoire morcelé en micro-états, aussi indépendants qu’interdépendants d’ailleurs.
Du président de Brosses à Roger de Beauvoir, d’Alfred de Musset à Byron, de Lady Morgan à George Sand, de Mme du Boccage à Chateaubriand, de Louise Colet à Stendhal, de von Platen à Heine, nombreux sont ceux qui tentèrent l’expédition, tout à leur «désir d’Italie» qui est aussi un topos littéraire. Parmi ceux-ci, Goethe tient une place prépondérante, son Voyage en Italie, récemment publié (Bartillat, collection Omnia, 600 pages, 15 €), le prouve.
Comme Le Voyage en Italie de Théophile Gautier, ce livre vaut, pour le visiteur d’aujourd’hui, tous les guides touristiques contemporains. Le séjour transalpin de l’écrivain durera presque deux années, de l’automne 1786 au printemps 1788. Trente, Venise, Vérone, Padoue, Bologne, Florence (où, hélas, il ne passe que trois heures !), Assise, Rome, Naples, Palerme, Catane, Messine constitueront ses étapes principales. Loin de la cour de Weimar, il découvre l’art, l’architecture et la douceur de vivre du « pays où fleurit l’oranger » (ou bien « où les citrons mûrissent », car les versions diffèrent, selon les traducteurs, du premier vers de son poème, Mignon [Kennst du das Land, wo die Zitronen blühn ?]).
Partout dans Le Voyage en Italie de Goethe, ce voyageur passionné à « l’obstinée humeur de solitaire » s’imprègne de ce qui l’entoure, il observe attentivement, jusqu’aux détails les plus futiles en apparence et prend des notes, faisant table rase de tout préjugé (contrairement au touriste qui « peut voyager sans rien apercevoir hors de soi »). « Dans ce voyage, écrit-il, j’apprends à voyager. Est-ce que j’apprends à vivre ? Je l’ignore. Les hommes qui paraissent le savoir sont trop différents de moi dans leur conduite pour que je puisse prétendre à ce talent. » Il n’empêche, ce qu’il découvre devient une révélation, au point de provoquer en lui une réelle mutation : « Oui, note-t-il, de Weimar à Palerme, il s’est fait en moi bien du changement. » Dans son œuvre, il y aura donc un « avant » et un « après » l’Italie, même si la découverte de la nature s’inscrit bien dans la démarche romantique.
Plus encore qu’un guide, Le Voyage en Italie de Goethe prend le sens d’un journal de voyage complété d’une correspondance où chaque étape est datée, quand l’heure ou le moment de la journée n’est pas indiqué. Le lecteur peut alors suivre l’auteur pas à pas, se fondre avec lui. Le texte est d’autant plus intéressant qu’il est servi par une langue impeccable ; la préface et les notes de Jean Lacoste n’y sont pas non plus étrangers. A lire absolument, pour les amoureux de l’Italie et ceux désireux de s’y rendre.
Illustrations : Baie de Naples, gravure XIXe siècle – Rome et les rives du Tibre, gravure XIXe siècle.
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