Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg expose (jusqu’au 13 février) tous les artistes sélectionnés pour le Prix Marcel Duchamp depuis sa création, 43 représentants de la fine fleur de l’art contemporain français.
De plus critiques que moi feront l’analyse des pertinences et des bizarreries de cette sélection, c’est presque trop facile de souligner les absences flagrantes, l’abondance de peinture souvent médiocre, les artistes trop peu matures présentés trop vite, trop tôt : je me tais. En même temps, comme les oeuvres présentées ici appartiennent toutes à des collections privées, cette exposition est aussi un reflet de l’écart entre goût privé et goût public, et là aussi, une analyse plus fine de cet écart serait intéressante. Il y a peu, lors d’un colloque sur la photographie contemporaine française, Pierre Leguillon (entre autres, collectionneur de magazines avec des photos de Diane Arbus) détaillait (à la hache) les catégories ayant eu une influence prépondérante dans l’art contemporain : dans les années 1950 : le critique, les années 1960/1970 : l’artiste, les années 1980 : le galeriste, les années 1990 : le curateur et les années 2000 : le collectionneur… Peut-être… Vue de l’exposition avec Richard Fauguet (’Sans titre (table de ping-pong)’, 2000-2004) et, au mur, Philippe Mayaux (’La perte de vue des illusions I, Fata Morgana‘, 1991).
Ceci dit, et malgré ces critiques, il y a beaucoup de pièces intéressantes ici, et souvent des pièces uniques que l’on n’a pas souvent l’occasion de voir. Les commissaires ont tenté de donner un sens à ce rassemblement, en dégageant quelques thèmes unificateurs, qui semblent souvent un peu artificiellement plaqués sur les travaux des artistes. Si je veux en retirer quelques éléments de réflexion, je noterai d’une part la présence emphatique d’un art social et politique (Hirschhorn, Gilles Barbier), très tourné vers l’environnement urbain, souvent historique, voire parfois religieux (Kader Attia), et d’autre part un souci extrême de mise en scène permanente, parfois excessive et parfois ironique (ainsi ‘Au théâtre ce soir‘, 2006, de Pierre Ardouvin). Du côté des lacunes révélatrices, très peu d’art conceptuel (à part Closky, si on peut le classer là), peu de recherches formelles (Tatiana Trouvé), pratiquement pas d’expérimentation avec les médiums, ni même d’interrogations sur ces médiums (Saâdane Afif, Clémence Boursier-Mougenot). Quand on erre ensuite dans le musée et qu’on passe par les salles à l’étage consacrées à l’Arte Povera, ça fait tout drôle, on se sent zen.
Les deux salles thématiques les plus réussies, à mon goût sont celle consacrée aux paysages (Didier Marcel, Cyprien Gaillard, Nicolas Moulin et la belle chambre anéchoïque de Laurent Grasso) et celle dédiée aux architectures (Valérie Jouve [’Sans Titre (Les personnages, avec Josette)’, 1994], Stéphane Couturier, Didier Marcel encore et le coffre-fort de Valérie Belin).
Et, fan de la simplicité éloquente de Rebecca Bournigault, j’ai bien aimé ce cadre décrépit autour d’une de ses aquarelles (’La Femme du barbu’, 2005).
Mes billets sur le Prix Duchamp : 2010, 2009, 2008, 2007 et 2006.
Vue de l’exposition et Rebecca Bournigault, photos de l’auteur; Valérie Jouve, photo courtoisie du MAMCS; Pierre Ardouvin, photo provenant du catalogue. Pierre Ardouvin, Valérie Jouve et Rebecca Bournigault étant représentés par l’ADAGP, les reproductions de leurs oeuvres seront ôtées du site à la fin de l’exposition.
Bonjour
J’ai demandé que ne soit reproduit de mes billets que le premier paragraphe et la première image.
Merci