Jolie rencontre de hasard au cours d’une balade en vélo dans un soï autour de Nimmanhemin. Soï 5 exactement. « LIBRERISTA »… un coffee-shop qui évoque les livres, la littérature ? Exciting ! Je pousse la porte, me renseigne : « vous commandez une consommation et vous avez accès à la librairie et la liberte de consulter tous les livres » me dit-on avec un sourire. Je commande un café, sésame de mon entrée au royaume des livres de Jackchaï Butsrikui., le jeune propriétaire de l’endroit. Je choisis un livre au hasard dans la section livres anglais, mais avant d’ouvrir l’ouvrage, je remarque le soin avec lequel tous les livres sont répertoriés, protégés, rangés, dans un calme presque religieux, trop rare à Chiang Mai. L’auteur ? Paul Arden. Je feuillette : Ce livre explique le bénéfice qu’il y a à prendre les mauvaises décisions car le risque c’est finalement la sécurité, le déraisonnable est toujours préférable à la raison… et il n’existe pas de point de vue « juste », car tout dépend de l’endroit où l’on se place. Ca me parle, moi qui regarde le monde à travers différents objectifs.
Je demande à rencontrer le propriétaire des lieux pour un « chit chat » sympathique et lui fais part de mon agréable étonnement. Des livres à Nimmanhemin, lieu de la mode trendy, inutile et changeante, des chaussures pour séductrices à talons vertigineux, des « bier-bars » pour noctambules récidivistes ! Jackchaï me sourit avec douceur. Tant de douceur pour une aussi folle passion des livres ! J’adore. Je m’étonne de sa jeunesse. « J’ai 40 ans » murmure-t-il timidement.
Originaire de Nakorn Sawan. Un MBA (Master of Business Administration) à l’université de Chiang Mai. Un master of engineering à Bangkok. Jackchaï obtient ensuite une bourse du gouvernement japonais et passe 3 ans à Tokyo. Il maîtrise le japonais. Et il voyage.Une bonne façon de regarder la Thaïlande à partir d’un autre « point de vue ». Et, il se découvre une passion pour Haruki Murakami dont il possède toute la collection en anglais et en thaï.
« J’achète des livres partout où je vais, c’est compulsif ». « Moi aussi » !… On parle littérature…
« Quel auteur thaïlandais me conseilleriez-vous ? » je lui demande en connaissant par avance la réponse. « Il n’y a pas d’écrivain thaï » me répond Jackchaï. « Dans ce cas comment faire découvrir la littérature (on ne parle pas de romans pour jeunes-filles qui comportent 9 phrases par page : « niou klom » par ex.) aux jeunes thaïlandais. « On ne peut passer à la littérature étrangère si on n’a pas d’abord été initie à la littérature dans sa propre langue ». « La lecture aide à structurer la pensée » « Et si on n’est pas capable de penser par soi-même, alors on est facilement manipulable… C’est ce qu’aiment ceux qui gouvernent non ? »
J’admire la ténacité de Jackchaï à tenter de partager sa passion… Notre conversation continue, douce, et faites de mes plus violents « moi aussi » ! Nous nous trouvons plein de points communs (voyages, photos, livres)…Et lorsque le moment est venu de se séparer, avec l’envie de se revoir, Jackchaï me montre un guide qu’il vient d’écrire sur le Tibet. Là, je ne peux m’empêcher d’exprimer mon enthousiasme en dépit du calme ambiant.
Je sors, plus légère que jamais de la LIBRARISTA, parce que j’ai découvert un havre de paix intelligent et passionné dans un quartier « bling bling » où toutes les filles « photographiables » sont en train de se prendre elles-mêmes en photos ou de jouer avec leur I phone. L’air me semble plus vaporeux soudain dans ce soï 5. Une petite étoile y brille dans le regard doux de Jackchaï imprégné de culture nippone. LIBRARISTA est plus qu’une curiosité dans lequel on vient s’auto photographier, c’est un endroit qui incite au silence, à la découverte, à la méditation, à la pensée, à la réflexion…en sirotant un cafe… et pas que..
J’essaie de partager mon enthousiasme avec mon « chéri » à mon retour….Je n’ai pas terminé ma seconde phrase, que…. déjà il s’est endormi ! Eh oui, parler littérature en Thaïlande « may khlouey khlouey » pas « banane banane »… Enfin, « pas facile » en thai !
PS. Et j’aimerais faire un clin d’œil à Apichatpong Weerasethakul le cinéaste primé à Cannes pour « oncle Boonmee », il y a 2/3 ans qui dit avoir envie d’ouvrir une petite cinémathèque à Chiang Mai pour les amoureux du cinéma et aussi pour y discuter, échanger des idées, partager des opinions… : AVOIR DES POINTS DE VUE DIFFERENTS..
- Bangkok, plus qu’une ville, un symbole à préserver - Oct 27, 2021
- Désert berbère au Maroc : un appel irrésistible - Jan 14, 2020
- Etre femme nomade au Maroc berbère : hymne à la liberté, « mes »nomades - Oct 26, 2019