Avec Les Seigneurs, Richard Price signe un roman noir conçu un peu comme un journal, qui raconte l’adolescence de l’auteur dans le Bronx des années 60 : alcool, violence, filles, fêtes à n’en pas finir, parents absents, rivalités entre bandes… 
Litterature americaine – Livre roman noir
Qui connaît Richard Price ? Il est pourtant le scénariste bien connu du film ‘Mad Dog and Glory’ avec Robert de Niro. Mais le public américain l’a découvert avec ‘Les seigneurs’, publié en 1974, tout de suite un succès. L’écrivain y raconte en effet son adolescence des années 1960 dans le Bronx, quartier mélangé de New York. William Burroughs, célèbre soixantuitard subversif, a adoré ce livre.
L’adolescence dans le Bronx des années 60…
Il n’est pourtant pas bien méchant. Le titre français semble faire régner la jeunesse dans le quartier. Le titre américain est plus modeste : The Wanderers, les vagabonds ou les errants, sont le nom de la bande de garçons de 16 à 18 ans. Ils sont à l’entre-deux, finissant l’enfance avant d’entrer de plain pied dans le monde adulte. On travaille tôt, ces années-là, dans la banlieue pauvre. Il faut se battre pour tout, pour cette trilogie en B des mâles anglo-saxons : bite, biture, baston. Exister exige la performance dans les trois, de quoi bien préparer à la vie adulte où les trois B perdurent : bourrer, se bourrer, bosser. Nous sommes dans les années macho et dans les années racistes où subsiste encore l’apartheid entre Blancs et Noirs. Les bandes sont ethniques et le politiquement correct n’a pas encore sévi. On s’insulte la mère et on oppose sans complexe les Ritals, les Négros, les Bridés et les Irlandais. Chacun sa vérité : le Rital porte haut la gueule mais chie souvent de trouille ; le Négro pue mais roule des muscles impressionnants ; le Bridé ne parle pas mais se déplace toujours en bande, sachant jouer du judo ; l’Irlandais ne mesure qu’1m50 mais est animé d’une haine religieuse pour tout ce qui ne porte pas la croix tatouée.
Les Seigneurs de Richard Price : des mots crus et des émotions

Etrange période, bien sage au fond, où la jeunesse singe le monde adulte en ne rêvant que de s’y couler. Pas de drogue, pas d’homosexualité, pas de crime – sauf par bêtise, comme l’infernal Douggie (12 ans) qui fait sauter son copain du dernier étage en feignant d’être enfermés sur le toit. L’amitié entre potes compte plus que celle entre sexes mais on ne se moque pas des filles, chacun a sa chacune attitrée. Les Errants sont entre deux mondes, celui du nid et celui de la vie. Ils s’essaient à battre des ailes – et c’est universel. Ecrit en direct, avec des mots crus et des émotions, on ne s’ennuie jamais.
Les premières lignes :

 — Faut arrêter les négros.
 — Tu crois que les Boules à Z de Fordham se mettraient avec nous ?
 — Si on les a avec nous, c’est réglé.
 — Oublie pas les Wong. Ils connaissent le judo les bridés.
 — C’est pas avec des prises de judo que tu peux lutter contre ça !
 — Hé, range ce truc ! Putain tu veux qu’on se fasse tous agrafer ?
 — Et les mecs de Lester Avenue ?
 — Nan, c’est des tueurs, ces gars-là.
 — Justement. Ils te tuent aussi bien un bamboula.
 — Paraît que les bombardiers se sont mis avec les Extras parce que Clinton Stitch a un cousin chez eux.
 — Les bronzés, ils ont toujours des cousins partout, t’as remarqué ?
 — Les Bombardiers… merde… on est mal (…)
Richard Price, Les seigneurs (The Wanderers), 1974, 10-18 2007, 296 pages. (Actuellement indisponible en 10-18 sur Amazon mais accessible aux Presses de la Cité 17.95€
Edition originale : Presses de la Cité – Avril 2005
Rééditions :
Dernière édition poche : 10/18 Domaine Etranger – Janvier 2007
								
