C’est ainsi qu’il partit.
C’est comme cela que c’est arrivé. Un matin gris, il lui dit :
– Voilà, je te quitte pour un moment. J’ai besoin de souffler, de réfléchir. De voir si je t’aime encore.
« Îles lointaines » clignota dans son coin, et comme d’habitude, opta de garder le silence. Il fallait toujours que ce soit lui qui décide tout. De parler, de se confier, de raconter, de faire rire, sourire ou grimacer les amis ou les anonymes virtuels avec ses histoires vécues ou imaginaires.
« Îles lointaines » n’existait que parce qu’il l’avait créé, façonné, modifié. Un moment, on aurait pu penser que le besoin de l’un de l’autre était devenu réciproque. Mais non, lui comme les autres, finissait toujours par décider de partir.
C’était lui le maître.
Il se mit à parler.
Clignotant toujours dans son coin, l’amertume gagnait du terrain au fur et à mesure qu’il expliquait ses motivations. Au début, on quémandait, on exigeait une explication.
Alors, des mots tels que « besoin de souffler, de réfléchir, de liberté, différentes priorités, fatigue, envie de neuf, que quelque chose se passe, l’inspiration m’a quitté, nécessité de me réfugier avec moi-même », — tous ces mots si éculés peuplant les scènes de séparation — s’alignaient sur l’écran.
En réalité, on ne voulait plus rien entendre, finalement.
Lors d’une séparation, les mots de l’explication ne sont que balivernes et billevesées.
On osa demander .
– Tu reviendras ?
Le silence. Juste le chuintement de la petite machine à créer des mots. Puis quelques pianotements : tic-tic-tic.
– Sans doute.
– Quand ?
– Aucune idée.
– Tu m’aimes toujours ?
Mais le maître était déjà loin.