Lire en Afrique soudano-lybienne, telle est l’invitation de Denis pour appréhender une certaine littérature africaine, à travers quatre auteurs Dinaw Mengestu, Nega Mezlekia, Ibrahim Al Koni, Jamal Mahjroub, qui nous font découvrir leur Ethipopie, leur Lybie, ou encore leur Soudan. Un voyage à travers le temps, les espaces, à la rencontre de peuples, d’esprits et du désert…
Littérature africaine : Comprendre les peuples du désert…
La littérature africaine est plurielle. Lire en Afrique du Soudan à la Libye en passant par l’Ethiopie nous donne une occasion de le constater. Voyage dans un monde dont on ne parle en général que pour évoquer les exactions humaines ou les excès de la nature générateurs des plus grandes famines de la planète. Région africaine qui ne tente que les téméraires aventuriers mais qui cache dans le repli des longues djellabas de véritables poètes nourris à la solitude et la pureté originelle du désert. C’est Dinaw Mengestu, un Ethiopien réfugié à New York, qui nous guidera à la découverte de la prose de son compatriote Nega Mezlekia dont la lecture est nécessaire à tous ceux qui veulent appréhender la grande catastrophe éthiopienne à travers la vie des petites gens, ceux qui ne sont là que pour subir ; du Libyen Ibrahim Al Koni, véritable poète du désert ; et du Soudanais Jamal Mahjroub qui voyage aussi bien dans le temps que dans l’espace et les esprits. Encore de belles lectures, terrées au fond des bibliothèques, qu’il faut dénicher pour comprendre ces peuples.
Les belles choses que porte le ciel de Dinaw Mengestu
A Washington, comme chaque soir, dans un minable quartier peuplé de déracinés en tout genre et de laisser pour compte par la société, trois Africains jouent à leur jeu préféré.
Si ce roman évoque le sort des plus démunis dans les villes du monde dit développé, il est avant tout un long exposé sur l’exil dont il envisage tous les aspects. Ces gens, qui quittent leur pays et surtout l’Afrique parce qu’ils ont tous quelque chose ou quelqu’un à fuir, « … je n’étais venu en Amérique que pour trouver une vie meilleure. J’étais arrivé en courant et en hurlant, avec les fantômes d’une ancienne vie fermement attachée à mon dos. » Après la fuite, vient le temps de l’intégration qui n’est pas plus facile, « personne, ici, ne te donnera rien pour rien. Cela se passe comme ça, en Amérique. » Mais une nouvelle vie dans un nouveau pays n’efface pas le passé, surtout quand il est peuplé de fantômes terrifiants. Et malgré cette nostalgie et ces angoisses rémanentes, le temps de la sédentarisation vient progressivement, insidieusement, « combien de temps m’a-t-il fallu pour comprendre que je ne retournerais plus jamais en Ethiopie ? » Et puis un jour arrive le moment de l’acceptation, « … l’idée, peut-être, que ce que vous regagnez ne peut plus être ce que vous avez quitté. »
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Dans le ventre d’une hyène de Nega Mezlekia
Nega, jeune Ethiopien vivant sur les hauts plateaux, connait une enfance un peu turbulente sanctionnée par de solides corrections. Avec un de ses camarades, il organise un mouvement de contestation contre l’exploitation des pauvres paysans qui n’arrivent même plus à se nourrir. La police réprime durement leur manifestation. Les événements s’enchaînent rapidement, le Négus est destitué par la junte militaire qui impose sa force brutale. Nega s’inscrit dans l’un des deux partis qui se disputent violemment le pouvoir, puis rejoint un mouvement de guérilla aux confins de la Somalie qu’il quitte quand il constate que le mouvement est instrumentalisé par les Somalis. Les misères accablent le pays : la famine, l’exode des populations, l’élimination physique des opposants, … la grande catastrophe humanitaire qui a tellement ému l’Occident.
Nega a quitté le pays pour rejoindre les Pays-Bas, puis le Canada, il raconte, sans jamais sombrer dans les descriptions sordides ni l’apitoiement pathétique, la misère, le malheur, la mort, la haine, les assassinats, gardant certainement une rancœur contre les responsables des horreurs mais aussi une réelle tendresse pour son pays. L’humour, la dérision, l’absurdité rendent plus réelle l’atrocité de la situation.
Poussière d’or de Ibrahim Al Koni
Le fils d’un noble touareg du Sahara reçoit à sa majorité un superbe bélier qui tombe malade après avoir fréquenté les brebis d’un autre troupeau. Le berger, au terme d’un long périple initiatique dans le désert, trouve l’herbe miracle qui sauvera son bélier. Mais le diable, fournisseur de l’herbe magique, exige qu’il castre l’animal et qu’il expie lui-même toutes les fautes qu’il a commises. Sa dernière punition prendra la forme d’un sac de poussière d’or qui lui a été remis à son insu et qui sera à l’origine du plus grand scandale jamais connu dans le désert.
Un livre d’une puissante portée poétique qui magnifie la pureté du désert et stigmatise la faiblesse des hommes toujours prêts à la compromission pour une richesse quelconque.
Le télescope de Rachid de Jamal Mahjroub
A Alger en 1609, pour se tirer d’un mauvais pas avec la police, Rachid accepte une mission très complexe, il doit ramener d’Europe la dernière invention allemande : le télescope qui donnera un avantage important au bey pour conduire ses guerres. Au XXe siècle, au Danemark, des archéologues pensent avoir retrouvé le corps d’un célèbre astronome du XVIIe siècle. L’histoire oscille entre ces deux événements et ces deux époques, conduisant Rachid sur les lieux des vestiges que les archéologues mettent à jour. Une grande aventure à travers l’Europe du XVIIe siècle, mais aussi une quête métaphysique, la confrontation de la science et de la religion, l’antagonisme entre le monde chrétien et le monde musulman, l’opposition entre la réflexion intelligente et la bêtise brutale.
Denis BILLAMBOZ