Le livre du thé, la voie du thé, a été écrit par Okakura en 1906. Nourri de la culture occidentale, cet érudit japonais voulait démontrer à travers le rituel de la cérémonie du thé l’étendue de la spiritualité nippone et ainsi prouver que le Japon pouvait contribuer à la culture, à la pensée et à la sagesse de l’humanité entière.
Le livre du thé, le sens de la cha no yu selon Okakura
Okakura est né en 1862, deux ans après l’ouverture de la baie de Tokyo aux étrangers, il a écrit « Le livre du thé » en 1906 quand le Japon connaissait ses premiers succès en s’appuyant, après deux siècles d’isolement, sur les méthodes militaires et industrielles occidentales. Selon l’auteur des préface et postface, Sen Soshitsu XV : « Il souhaitait se faire l’interprète de la civilisation nippone aux yeux de l’Occident … Il entendait remonter le vaste courant de culture asiatique qui prend sa source en Inde et cerner sa contribution potentielle à l’ensemble de la civilisation humaine ». Nourri de la langue anglaise qu’il avait acquise très tôt dans une famille de grands négociants, des classiques chinois et japonais, l’auteur rédigea son texte directement en anglais pour qu’il soit facilement accessible aux Américains, qu’il fréquentait assidûment, notamment lorsqu’il vécut à Boston.
La cérémonie du thé : un symbole de la civilisation japonaise
Okakura a choisi le cha-no-yu, la cérémonie du thé, « la voie du thé » selon certaines traductions, comme symbole de la civilisation japonaise de manière à faire comprendre aux Occidentaux que les Orientaux avaient eux aussi des valeurs qui soutenaient aisément la comparaison avec les leurs. Okakura supportait mal la suffisance des Occidentaux, se refusant à comprendre l’Orient alors que le thé devenait une boisson appréciée de la Russie aux Amériques. Il voulait leur faire admettre que le « théisme » est une véritable mythologie asiatique, apparue en Inde, transplantée en Chine et enfin instaurée sous forme d’un rituel au Japon au XIIIe siècle, avant d’être définitivement codifiée au XVIème. La cérémonie du thé est en quelque sorte une forme de religion née du taoïsme, enrichie du bouddhisme et du confucianisme. « La vision d’Okakura s’enracine également dans les valeurs religieuses du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme ».
La voie du thé, une quête vers la perfection inaccessible
Refermé sur lui-même pendant deux siècles, le Japon a cultivé sa religion, sa philosophie, ses mœurs, sans jamais les confronter à celles d’autres peuples, les approfondissant jusqu’à en tirer la quintessence, jusqu’à en faire non pas une perfection qui est une finitude en soi, mais une aspiration perpétuelle vers la perfection à jamais inaccessible. Okakura explique comment ce rituel dépouillé à l’extrême conduit, à travers son raffinement suprême, sur la voie de la sagesse, au nirvana, si on observe les quatre principes fondamentaux : harmonie, respect, pureté et sérénité. « Le livre du thé » évoque le breuvage, la chambre du thé, la cérémonie, le maître, le rapport avec l’art, l’harmonie avec la nature, la religion, la philosophie, le chemin vers la perfection. « Le Livre du thé… nous rappelle que la beauté des fleurs est – à tout moins – aussi essentielle à l’existence humaine que les plus récentes inventions du confort moderne ».
Voir, selon le cha-no-yu, c’est abandonner le verre déformant des coutumes et des jugements sociaux pour percevoir les choses telles qu’elles sont ». « Cela fait près d’un siècle qu’Okakura a rédigé son essai. Le message qu’il renferme n’a rien perdu de sa force, et son impact est sans doute plus grand encore aujourd’hui. Les êtres humains, nous avertit Okakura, doivent apprendre à vivre en harmonie, et à respecter sincèrement toutes les cultures ». Combien d’entre nous ont-ils entendu ce message ? Combien l’ont écouté ? Combien en ont appliqué les enseignements ? … Bien trop peu hélas !
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Denis BILLAMBOZ