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Thaïlande – Meurtre dans une maison de thé ; Vous reprendrez bien un peu de thé ?…

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…ou « le temps des assassins »…  titre qui rappelle non seulement un film glauque de Duvivier, mais aussi un livre, celui d’un ex agent du KGB empoisonné pour de sombres raisons politiques. A Nakorn Rachassima (Korat), ville à la porte de la région Isan en Thaïlande, un jeune leader « rouge » de 24 ans a été assassiné par des « hommes de main » dans la nuit de mercredi à jeudi. Il n’avait pas répondu à une convocation qui le priait de se rendre au camp militaire de Suranaree le 2 mai dernier Les « gunmen » en Thaïlande ?…

Une histoire aussi vieille que celle de la politique et du business. Les  politiciens véreux le savaient bien qui venaient piocher en Isan ces « hommes de main ». Pour une poignée de bahts, ils faisaient exécuter vite fait bien fait leurs ennemis. Ou simplement ceux qui les gênaient. (Lire les livres de Pira Sudham). L’occasion de me replonger – comme par hasard – dans un chapitre de    «  Yim laeaw ko ying » (souris et tue).

28 mai 2004. « Meurtre dans une maison de thé »

« Salon de thé », « Tea room » en anglais… Ce mot évoque quelques vieilles dames chapeautées de mauve, aux rondeurs douces et bavardes, sirotant un thé fade venu de Chine ou plutôt de Ceylan pour rester dans la tradition britannique…Mais réalité en Grande Bretagne, illusions au pays des éléphants et des « millions de rizières » !

Dans le « sud profond », malgré quelques mesures prises par le gouvernement – ou plutôt promesses de mesures – la violence est loin de s’apaiser. On accuse la pauvreté d’en être la cause. Le Parlement va donc débloquer des millions de baths pour installer des stations et des lignes de bus afin de faciliter les communications entre ce « grand sud » et la capitale. Il va également équiper les établissements officiels de caméras de surveillance et promet quelques créations d’emploi. Piètres mesures pour régler un problème beaucoup plus complexe. Au lieu de communications terrestres, les Thaïlandais du sud souhaiteraient probablement de meilleurs échanges avec le Gouvernement de Bangkok, trop rigide à leur égard et qui ne tient guère compte de leurs différences.

L’identité des gens du sud est plus malaise que thaïe et l’Islam y est conçu comme un ciment social, tandis que la nation thaïe s’est édifiée, elle, autour du bouddhisme et de la monarchie. Désir d’indépendance ou repli sur soi ? Difficile de dire comment cette société qui parle sa propre langue, le « yawie », évoluera dans l’avenir. (Les choses n’ont fait qu’empirer,on parle de plus de 3000 morts a ce jour, en 6 ans)

Dans la presse de langue anglaise, lue essentiellement par les étrangers, où la censure est moins prégnante que dans la presse thaïe, je lis : « Dans la nuit du vendredi 21 au 22 mai 2004, le chef du village de Raman dans le district de Yala, a été abattu à bout portant par des inconnus. M. Doloh Samohnori était en train de « boire un thé » lorsque trois hommes masqués l’on attaqué. Il n’a pas eu le temps de répliquer avec le pistolet qu’il portait toujours sur lui. Il est mort de 8 balles dans le corps »

Ce n’est pas ce seul fait divers qui a retenu mon attention dans le journal de ce jour, mais plutôt la mention « tea room » « Rawng nam tchaa » en thaï.

Ce que les hommes thaïs boivent habituellement le soir venu, est bien plus stimulant que le thé ! A moins que Monsieur Doloh n’ait été un bon musulman !

Le terme « maisons de thé » vient de Chine. C’était, par le passé, des endroits exclusivement réservés aux hommes. Ils s’y retrouvaient pour boire, s’amuser, rire et s’y divertir en compagnie de femmes dont ils payaient les prestations.

Les « maisons de thé », avec leurs rites et leurs codes, ont certainement évolué au fil du temps et se sont « trivialisées » pour devenir ce que l’on ne « nomme » pas en Thailande : des « bordels » Pas plus qu’on ne prononce le mot de « prostituées » pour parler des « phouying haa kin » (les « filles qui vont chercher à manger »)

Ont-elles vraiment le choix ces jeunes-femmes chargées de « trouver la nourriture » pour elles et leur famille ? Certaines passent entre les mains d’agents recruteurs, d’autres, partent de leur plein gré sur le chemin de la prostitution, sans avoir contracté de dette envers ceux qui les auraient achetées à leurs parents.

En Thaïlande, la seule vraie dette des filles envers leurs parents – et surtout la mère –  est de les aider jusqu’à la fin de leurs jours. Manquer à ce devoir est bien plus grave que de se prostituer. Cette charge parfois accablante sur les épaules des filles, est une coutume qui ne peut être remise en question surtout dans les campagnes Isan. C’est le « khaa nam nom » : « le prix du lait de la mère ». Une jolie et terrible façon de qualifier cette obligation envers « celle qui donne la vie ».

D’autres exigences peuvent expliquer ce choix de la prostitution provisoire : mariages brisés, dettes contractées par un mari volage, scolarité d’un enfant ou maladie. Alors « volontaires » ou « contraintes », ces jeunes femmes qui travaillent dans les  salons de massage, les bars et les karaokés ?

Contrairement aux salons de massage, les « maisons de thé », elles, fournissent chambre et nourriture aux clients, en majorité thaïlandais d’origine chinoise. Pour les « thaïs-thaïs, » moins aisés, le curry se substitue au thé, et leurs « endroits de détente » ont le doux vocable de « sawng karri » (« maisons de curry »).

Les occidentaux sont méfiants à l’égard de ces endroits habituellement réservés aux autochtones. Trop dangereux  pour eux car on y croise le plus souvent des « mineurs » achetées aux plus pauvres des tribus montagnardes du nord, ou des filles amenées illégalement de Birmanie ou du Cambodge…

A Rama, Monsieur Doloh, chef du village est mort sans avoir eu le temps de se demander pourquoi. Était-il musulman ? Avait-il des dettes dont il ne s’était pas acquitté ? Avait-il des ennemis ? Faisait-il de l’ombre à un homme politique ? Une femme jalouse ? Buvait-il vraiment du thé dans un vrai salon de thé » ?

Et ce jeune activiste rouge a t-il eu le temps de se demander pourquoi, on l’avait froidement exécuté un soir de juin 2010 ?


Michèle Jullian
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