Entre Trégor et Léon, collines à landes et vagues de la mer, la ville de Mont Relaix m’est sympathique. Elle est une ville moyenne française avec ses quelques 18 000 habitants ; un relais administratif avec son chemin de fer qui enjambe l’aber de ses 58 m de haut depuis 1863 ; une cité riche et variée entre industries locales et courses au large depuis toujours.



Mais j’aime à penser que ce creux en bord de rivière, s’ouvrant très vite aux bateaux sur la rade de Morlaix avant de s’épanouir au large, passé Carantec, fut propice aux rêves et aux initiatives. On se souvient de Tristan Corbière, poète maudit ; de Michel Mohrt, écrivain de l’Académie Française. Mais ils ne sont pas les seuls à être nés à Morlaix.
C’est Charles Cornic qui me séduit le plus. Personne, ou presque, ne semble plus le connaître, et pourtant ! Né en 1731, il commence dès 7 ans comme mousse sur les bateaux de son père. Il n’était pas d’accord mais a trouvé très vite de l’intérêt au métier. Comme tout gamin vif qui n’a pas froid aux yeux ni au corps, il observe, retient et réfléchit, s’endurcit – et ses talents de corsaire lui donnent le commandement d’un navire d’escorte à 25 ans. Jouer le chien de garde pour les convois commerciaux ne l’empêche pas d’oser : il s’empare de tant de navires anglais qu’il est très vite promu. Louis XV le nomme lieutenant de vaisseaux dans le « Grand Corps » à 33 ans.

A bord de la ‘Félicité’, trente canons, Cornic s’empare de frégates anglaises ; à bord du ‘Protée’, vaisseau de 64 canons, il capture 5 vaisseaux de la Compagnie des Indes. Le butin est énorme. Bien sûr, ses succès rendent jaloux ceux qui se sont contentés de naître et se croient « par nature » supérieur aux manants, préférant parader à se battre. Sept officiers nobles du Grand Corps n’hésitent pas à se défier ensemble sur une grève. Cornic gagne et les blesse tous. En décembre 1778, écœuré par l’attitude de la Marine à son égard, malgré 50 convois escortés sans perte, la capture de plus de 20 vaisseaux et la délivrance de plus de 1000 marins français prisonniers, il démissionne et prend sa retraite à l’âge de 47 ans. On le nomme ‘capitaine de vaisseau’ parce qu’il s’en va, et avec une pension minable.

Fortune faite, il se retire à Morlaix, voyant passer non sans quelque plaisir la Révolution puis l’Empire. Les révolutionnaires le feront colonel général de l’artillerie à Bordeaux en 1790, puis adjoint au ministre de la Marine en 1793. Il s’éteindra heureux en 1809, à 78 ans, non sans avoir au préalable tracé un relevé précis et fait baliser la baie de Morlaix.
Un digne fils de la ville, dont la devise m’a toujours donné de la joie : « s’ils te mordent, mords-les ! ». J’apprends cela aux gamins, la liberté se gagne tous les jours.
- Morlaix site officiel
- Morlaix courte histoire en photos
- Charles Cornic sur une page perso
- Charles Cornic Wikipedia
- Charles Cornic, un mythe corsaire, livre d’André Levasseur, éd. Apogée 2003, €18.34
- Charles Cornic dans la Revue des Deux Mondes (aller page 690)
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