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De la préhistoire à l’époque contemporaine la représentation féminine repose sur un corpus de formes ayant un noyau dur autour duquel se développent les divers styles en fonction de la technologie et de la culture des époques, du réalisme à l’abstraction. C’est sur la poitrine, la chute de reins, la taille, les fesses, le pubis, mais aussi le visage avec les yeux la bouche, et encore le maintien, l’allure, le geste, les bras, les jambes etc., que les artistes ont travaillé pour tenter d’atteindre le beau, cet idéal platonicien, en prenant la femme pour sujet. Elle a le premier rôle, sans toutefois que l’homme soit exclu du Panthéon. C’est dans le musée imaginaire des copies de ces œuvres qu’il faut pénétrer.
Les tableaux de femmes en pied expriment, soit l’appartenance à une classe sociale : Portrait de Lady Meux de Whistler, ou – Femme du trottoir – de Dubuffet, bel exemple d’art brut ; soit un maintien : la Chanteuse de Kandinsky est habillée comme un mannequin haute couture ; ou encore des portraits de famille : La Famille de Charles IV de Goya est le paradigme du genre à moins qu’on ne lui préférât Les Ménines de Vélasquez ; enfin dans le post porno soft on peut citer Garouste – Chien Méchant – qui donne à la chatte sa vraie place dans un délire psychotique.
Allen Jones avec Perfect Match fait la démonstration que l’érotisme ne s’exprime pas forcément par le nu, mais qu’une représentation du corps vêtu d’une étoffe légère atteint une grande force érotique en provoquant le désir. Picasso avec ses nues aux formes lourdes (mais ils ne le sont pas tous : La Toilette par exemple exprime une grande finesse), sont, sinon asexuées du moins peu érotiques. Ceci n’est d’ailleurs pas le privilège de la seule peinture puisque la sculpture a recherché ces effets avec les draperies sur des corps nus qui sont une invitation au désir, autant que certaines représentation de nus, comme la belle Pauline Borghèse par Canova, longtemps après la Victoire de Samothrace ou la Victoire de Paeonios. Le vêtement n’est qu’un artifice pour mieux évoquer la puissance esthétique et érotique de la nudité. Le vêtement attise le désir plus que la nudité. La fille peinte en acrylique – Perfect Match – dans une facture très pub, est nue sous une fine robe et son pubis, ses fesses et ses seins (qui pointent anormalement comme dans une BD) sont plus visibles que si elle était nue : le pubis notamment mérite un arrêt ; les fesses sont lisses et rondes sous la robe qui dessine d’une ombre légère la raie – parfait ! Mais l’artifice d’Allen Jones, même s’il emprunte à Duchamp la répétition de lignes de son Nu Descendant l’Escalier (dans lequel il n’y a pas de nu) est impuissant à saisir le mouvement des jambes et le balancement de la robe qui sont les signes de la vie. On a atteint une limite… Et puis il y a Hopper avec Nighthawks (bien sûr !), et les femmes mystérieuses dans des attitudes d’attente, baignées de lumière, aux formes pleines que des robes légères mettent en valeur comme leur sexualité : c’est Summertime, et plus encore le troublant South Caroline Morning. Hopper construit ces tableaux pour solliciter l’inconscient autour de désirs, de promesses et d’abandons de corps qui sont dans un état de disponibilité et d’attente sans défense, comme des objets, symboles d’un monde technique et urbain.
Mais ce sont bien in fine les attributs de la féminité qui remplissent le musée imaginaire. Comment ne pas voir que les fesses ont été traitées avec une attention particulière ? De l’art aurignacien –Vénus de Willendorf, Vénus Aurignacienne de Lespugue -, en passant par la statuaire égyptienne – Porteuse d’Offrandes – qui a, en plus de ses fesses, un pubis délicatement ciselé ; puis par la très prolifique statuaire grecque dont l’incontournable Trois Grâces qui permet de voir la chose sous divers angles, et l’Hermaphrodite endormi où les fesses ont le premier rôle ; la sculpture romaine plus portée sur la toge mais avec aussi des nus, souvent masculins comme cet Antinoüs de l’époque d’Hadrien ; puis bien évidemment la Renaissance et ce démon de Michael Ange qui a aussi travaillé les fesses masculines – David – ; et plus près de nous Rodin – Le Baiser, Danaé -, Maillol – Les Trois Nymphes, L’Air, Nymphe – qui sont des recherches sur le corps de Dina son modèle ; puis Renoir qui, après Rubens, a décliné les bourrelets grecs d’Aphrodite accroupie dans de nombreux tableaux – Le Rhône et la Saône, Danseuse au tambourin – ; ou encore Botero qui fait de la rondeur un style – Les Ballerine, Femme attachant son soutien-gorge – (mais la lourdeur lisse de ces femmes monstrueuses, aussi bien en sculpture qu’en peinture, peut provoquer un phénomène de rejet), comme Niki de Saint-Phalle et ses Nanas obèses et difformes (mais colorées), ou encore Volti – Souvenir – plus calme, d’un style classique influencé par le cubisme, et Brancusi – Mademoiselle – si proche de l’abstraction ; et tant d’autres artistes amateurs de fesses…, la sculpture nous donne une magnifique collection de beaux culs en 3D !
La peinture n’est pas en reste : les peintres, de la Renaissance après ceux de Rome et Pompéi – Les Trois Grâces –, dont le sublimissime Raphaël qui a porté à la perfection cette figure imposée avec un génie sans égal en donnant une grande douceur à ces femmes qui nous surprennent par leurs jeux faussement innocents ; jusqu’à Courbet qui transpose le thème – Les Trois Baigneuses – sans rien lui enlever de son érotisme bien au contraire ; et nos contemporains déjantés amateurs d’installations et de performances ; en passant par les artistes des XVIIIème, XIXème et XXème siècles jusqu’aux cubistes – Femme devant un Miroir – de Picasso ; sans oublier les hallucinés du Pop Art, les peintre ont accordé une attention aussi soutenue que les sculpteurs aux fesses. Le cul dans toute sa brutalité, ce n’est pas de la pornographie, même si le regard emprunte les chemins du voyeurisme le plus cru. Delacroix l’a bien compris : dans La Mort de Sardanapale on voit d’abord au premier plan à droite, le cul de la femme avant le poignard du sacrificateur. Les fesses prennent parfois une forme rare comme, dans les Demoiselles d’Avignon, celles de la fille qui est tout en bas à droite, accroupie. L’histoire de la peinture est continûment attachée aux belles croupes, parfois avec gourmandise comme par exemple Titien – Le Pâtre et la Nymphe – ; plus poétiquement avec Corot – Le Repos – ; ou Watteau – La Toilette du Matin – ; ou encore avec application comme Poussin – Bacchante Endormie, Vénus Endormie et l’Amour – ; sans oublier (encore lui !) Delacroix – Femme caressant un Perroquet, Louis d’Orléans montrant sa Maîtresse – qui en fait un style.
Et après les fesses, la poitrine : la poitrined’Aphrodite du musée d’Izmir est multicouches ; elle introduit la Pauline Borghèse de Canova (connue à Ajaccio comme la belle Marie Paulette Buonaparte, surnommée Paoletta, et devenue Pauline sous l’Empire), allongée dans le marbre lisse de Carrare, exposant ses splendides seins dans leur plein épanouissement. Canova a aussi tracé dans le marbre le pli de la taille – Psyché ranimée par le baiser de l’Amour. Admirable. Un sein de La Nuit de Michel Ange a cette perfection sculpturale comme ceux qui sont sur le Tombeau de Julien de Médicis. (Passer l’éternité sous de telles mamelles est bien la réussite d’une vie !) Delacroix a fait de superbes poitrines à ses femmes, à l’héroïne de La liberté, ou encore dans ses études pour Aspasi ou Odalisque, et bien sûr ses grandes œuvres métaphoriques – La Méditerranée et La Garonne – ou historiques – Médée Faust dans la prison de Margueritte. Delacroix est le génie français, il a compris les femmes et sa peinture est magique. Et puis il y a l’incontournable Courbet avec les seins superbement épanouis de sa Baigneuse ; Magritte, malgré sa rigueur, a été aussi fasciné par les femmes : il les a regardées avec sa vision surréaliste, et pourrait-on dire sa métaphysique – Le Viol, La Philosophie dans le Boudoir, La Géante, Les Fleurs du Mal, Les Liaisons Dangereuses ; et comment ne pas s’attarder sur les deux seins rapprochés par son mouvement de l’Angélique d’Ingres ! Hopper, le puritain, fait aussi éclater les poitrines (celle de sa femme Jo, son modèle) en les mettant en scène – Girlie Show. Chirico, l’autre métaphysicien surréaliste a été tenté par le nu : sa Baigneuse au drap rouge dans un paysage ne manque pas de cuisses, et il y a une belle paire de fesses dans le Salut aux Argonautes partant, mais son érotisme reste froid comme la métaphysique. Dali lui, a introduit dans le surréalisme, comme Magritte, un érotisme bien réel – Rêve causé par le vol d’une abeille… –, et il a semé des images érotiques dans ses toiles surréalistes au milieu d’un grand nombre d’évènements sans liens apparents – Cannibalisme d’automne -, comme si le fait érotique était quelque chose de permanent, mais parfois caché dont il devait rendre alors compte de façon subliminale pour s’adresser à l’inconscient du spectateur ; dans La Tentation de Saint Antoine… il y a un sein qui dresse sa pointe vers le ciel, une pure merveille ! (voyait-il ainsi les seins de Gala ?) La poitrine la plus épanouie qu’il ait peinte c’est peut-être celle qui jaillit dans Roses sanglantes ; celle de la femme étendue en bas à droite de l’Apothéose d’Homère n’est pas mal non plus ; on la retrouve d’ailleurs dans d’autres œuvres plus ou moins à l’identique (la technique de l’autocollage est largement utilisée par Dali, et il n’a jamais renoncé à s’autoparodier, comme Picasso) ; il s’est aussi consacré à la représentation d’un acte sadomasochiste bien précis – Femme nue s’autosodomisant -, pour en tirer des effets inattendus. On pourrait opposer à ce délire la Femme Brisée de Frida Kahlo qui exprime une grande douleur dans un corps martyrisé mais magnifié par des seins superbes. Des peintres de série B ont produits aussi de merveilleux seins : la Diane de Poitiers de François Clouet a une poitrine platonicienne, un idéal devant lequel le modèle devait rêver, et ses amants se perdre en conjectures ; comme la poitrine aguichante, dressée et gonflée qu’a peinte Leonor Fini dans Philagria ; ou encore J.R. Auguste avec sa Femme Blanche appuyée sur une Mulâtresse. Intentions bien différentes de celle de Poussin qui aime les femmes apaisées comme ses paysages – Vénus endormie et l’Amour -, œuvre d’où la passion est sous contrôle, sinon exclue.
Entre la poitrine et les fesses, il y a le déhanchement, geste on ne peut plus féminin – tout entier dans la Vénus de Milo, (mais celle de Cyrène n’est pas mal non plus) -, qui donne au buste et aux seins leur plein épanouissement. La taille des femmes est parfois bien marquée, comme dans La Toilette matinale de Eckersberg, ou encore la Vénus à son miroir de Vélasquez : le peintre travaille la ligne du corps pour faire ressortir ce pli troublant, objet même de l’œuvre.
Quel est le peintre – en dehors des abstraits – qui ne s’est pas intéressé à ce point magique de l’anatomie féminine – le pubis -, pour lui rendre hommage et le magnifier ? La Maja desnuda de Goya a les poils pubiens légers comme du duvet ; Picasso a multiplié les angles de vue – Le Miroir -, et fait des dessins de sexes particulièrement bien léchés ; Wesselmann avec son Bathtub 3, esquisse la silhouette d’une femme nue à l’exception du pubis peint de façon hyperréaliste ; Modigliani est précis et érotique avec ses nues allongées dans des positions d’attente comme son si parfait et troublant Nu couché les bras ouverts que l’on peut rapprocher de la Vénus endormie de Giogione, de la Femme Nue de Courbet ou encore de la Bacchante au bord de la mer de Corot : des nus splendides, prétexte à une recherche érotique et esthétique, l’une semblant être indissociable de l’autre ; Balthus s’est parfois détaché des jeunes filles pour faire un nu de vraie femme – Nu au chat -, mais l’ensemble de l’oeuvre est moins convaincante, trop orientée vers de jeunes pousses pour exciter des vieillards cacochymes et libidineux… Magritte, pudique dans son réalisme montre cependant les poils pubiens dans tout leur foisonnement – Magie Noire – ; et il y a tous les autres ! Ingres l’hyperréaliste – La Source,, La Grande Odalisque – ; Courbet le communard qui n’hésite pas à mettre L’origine du monde dans une fente ouverte et poilue ; il est tout aussi impudique en magnifiant les seins du personnage central de ses Trois Baigneuses ; David est pour le sans poil, notamment dans ses allégories lisses, œuvres de compositions savantes – Amour et Psyché, Mars désarmé par Vénus et les Grâces – ; Manet et son Odalisque ésotérique et perverse qui cache son pubis d’une main faussement pudique en regardant le voyeur qui la regarde dans une mise en abyme sans échappatoire, est en tout point plus sexy que l’Odalisque grasse et fessue de François Boucher qui semble attendre son suppositoire dans une pose impudique qui met le pornographe le plus rassis mal à l’aise.
Quand on regarde une statue de femme nue, qu’elle soit grecque, romaine ou de Maillol ne t’attarde-t-on pas sur la zone pubienne ? Ne serait-ce que pour juger de l’attention que le sculpteur y a portée et de sa dextérité à en rendre le volume, la forme et les lignes. Parfois l’esquisse de la fente. Bien sûr que si !
Le visage d’une femme, c’est parfois la partie visible de sa féminité, exposée à tous les regards, ceux des indifférents comme ceux des séducteurs et des voyeurs. Le visage de cette sculpture baroque de Le Bernin à Sainte Marie des Victoires à Rome – L’Extase de sainte Thérèse -, n’est rien d’autre qu’un bel orgasme ! (sous le prétexte de la transfiguration) – au-delà la réalisation parfaite de l’œuvre il faut saluer l’intention extraordinairement audacieuse de l’artiste. (Quand la réalisation est aussi parfaite que l’intention on a une œuvre d’art ; sans cette alchimie on reste dans l’artisanat, le besogneux, souvent le vulgaire.) La femme s’offre ainsi malgré elle, maquillée ou non – Magritte a exprimé cette pensée surréaliste dans Le Viol, (les yeux sont les seins, le nombril le nez et le pubis la bouche !). L’épaule a été bien vue par Francesco Furini – Sainte Lucie – ; mieux encore par Delacroix – Jeune Fille Assise dans un Cimetière. Modigliani a traité les yeux de ses femmes comme des taches, soit fermés et sombres, soit ouverts sans regards et uniformément colorés. Aucune femme n’a jamais répondu à cet esthétisme, mais ces yeux ont cependant une expression très troublante et mystérieuse, comme les yeux de la Sibylle de Delphes de Michaël Ange, qui dépassent en intensité tout ce qui a été fait avant lui et après.
Lichtenstein, très curieusement avec sa peinture de BD, a fait de bien belles bouches : Vicky, The Melody, ou encore Shipboard Girl ; Rosenquist avec Joan Crawford ou Smoke dessine une bouche en technicolor qui n’exprime dans sa perfection qu’une recherche esthétique. Les grands maîtres ont compris qu’il n’y a pas de belle femme sans belle bouche ; ainsi Dürer – Vénitienne -,, ou encore Goya – Doña Isabella de Porcel. Warhol s’est attardé sur celles de Marilyn en détaillant (ce qui est rare) les imperfections – Marilyn (une sérigraphie) – c’est parfait. Il ne manque qu’une cigarette entre ses lèvres – la bouche dans Smoker de Wesselmann. Bacon, lui, peint des visages ravagés : Study for a Portrait March 1991, avec des bouches tordues et indéchiffrables si ce n’est de douleur.
La justesse du regard de Picasso s’exprime par exemple dans les jambes de son tableau : Deux Femmes Enlacée, qui sont épaisses, lourdes et solides ;avant lui, Rubens, c’est bien connu, peignait des femmes grasses – Bacchanale à Andros –, affirmation démentie par son Héléne Fourment et ses Enfants (sa femme et ses enfants) qui offre deux seins d’une belle rondeur et d’une agressivité toute contemporaine. Cette lourdeur dans la représentation du corps féminin est aussi chez les grands maîtres de la Renaissance : chez Titien, les bras de sa Vénus au Miroir ne sont pas malingres, et Tintoret donne des cuisses de lutteur à sa Suzanne et les Vieillards ; Vélasquez avec sa Vénus à son Miroir est des leurs. Les plus engagés dans l’abstraction ont aussi enrichi cette collection en tombant parfois dans la caricature comme Rothko avec Standing Female Nude ou Baigneuses.Les statues de Maillol (au Jardin des Tuileries) bien que lisses et non boudinées comme les femmes de Rubens, n’ont cependant pas la sveltesse de mannequins aux longues jambes rondes et lisses. Dans Perfect Match le peintre recherche à associer le réel avec des pensées abstraites sur le beau et le désir, et pour cela il use d’un artifice : il habille légèrement son modèle, comme le fait Lichtenstein dans Artis’s Studio with Model, en entourant le bas du corps d’un trait suggérant un voile fin et totalement transparent. (Une femme nue quelconque, il suffit de lui mettre sur la peau quelques grammes de soie pour la transformer en déesse de l’amour, en pur objet du désir, en pure beauté !) Botticelli enfin, grâce à sa virtuosité technique, a approché cette femme parfaite, en peignant le lumineux portrait de Simonetta Vespucci ; il nous a presque donné à voir son âme ! Et il a renouvelé l’exercice – Vénus, La Naissance de Vénus -, et d’autres toiles d’un rare accomplissement. Les visages sont d’une grande sérénité pour atteindre, avec la perfection des lignes, à la beauté.
La Figure de Jeune Fille, (dite Sapho) de Pompéi, a de grands yeux écartés qui dévorent son visage en lui donnant sa personnalité (les Romains aiment les rendus vrais, les personnages reconnaissables, les visages anecdotiques). Ses yeux ont aussi une certaine dissymétrie – c’est assez répandu et pourtant peu de peintres s’en préoccupent ; les exceptions sont rares : Picasso a bien saisi la force de cette imperfection qui rompt la symétrie d’un visage et lui donne une présence réelle – Gertrude Stein -, ou ses autoportraits, celui du MoMa – Picasso jeune – est parfait ; Durer dans son Autoportrait (celui de 1500, le dernier) a dessiné ses yeux en mettant en valeur cette légère différence qui donne au regard une grande intensité, et à l’œuvre sa personnalité : c’est bien lui ! Ce que ne fait pas Goya dans ses portraits des Grands d’Espagne, qui ont presque les yeux morts de ses mannequins ; par contre il travaille son regard dans ses Autoportrait, et les portraits de certaines femmes dont il devait être amoureux, comme cette belle et fière Isabelle – Doña Isabella de Porcel -, en gommant toutefois ce qu’il peut y avoir d’imperfections dans le dessin de l’oeil, de dissymétrique dans le visage. Le visage de certaines femmes est plus beau lorsqu’elles s’abandonnent ainsi, lorsqu’elles s’extraient quelques brefs instants de leur quotidien pour se replier sur, peut-on croire, leurs secrets intimes ; c’est le phénoménal Léonard de Vinci qui a fixé d’une façon définitivement indépassable cet instant dans La Vierge, Sainte Anne et l’Enfant. Dans Le Baiser de Botticelli, les yeux fermés ont une intensité inouïe, comme chez Léonard.
La perfection atteinte par Raphaël, ou encore Botticelli, dans le visage féminin doit être ignorée si l’on veut faire des observations sur nos contemporains. Seules quelques rares femmes ont cette exposition solaire pendant leurs courtes jeunes années… et puis s’en va la beauté miraculeuse, remplacée souvent par la joliesse, quelque chose de séduisant, d’attirant, de beau certes mais qui n’est plus qu’un reflet. C’est dans le portrait, en travaillant le maintien, le cou, la bouche, les yeux, l’ovale du visage, les cheveux… que les peintres et les sculpteurs ont le mieux approché la beauté idéale.
Dans Great American Nude n° 98 de Wesselmann il y a une bouche parfaite (plus féminine et vivante que dans Smoker 1),mais c’est trop lisse et modélisé ; il en va de même chez Lichtenstein : on est dans le dessin de BD (transmuté par l’incontournable Castelli en œuvre d’art, mais ne soyons pas dupes !). On trouve de belles bouches très individualisées chez des peintres qui avaient d’autres intentions : chez Delacroix, dans La Prise de Constantinople la bouche de la femme en bas à droite, qui s’abandonne de douleur dans les bras d’une autre femme, bien qu’esquissée, exprime parfaitement cet abandon ; Hopper dans Matin en Caroline du Sud donne toute son expression sauvage au visage de la femme par le dessin de sa bouche ; Renoir et les impressionnistes se sont souvent contentés de barbouiller les visages, d’esquisser la bouche plutôt que de la dessiner, ne lui accordant pas d’attention particulière, à l’exception de Manet – Un Bar aux Folies Bergères – qui en fait l’élément principal de la tonalité de l’œuvre : la bouche de la serveuse, en accord avec son regard, exprime une lassitude soumise et une grande douceur ; elle est très légèrement dissymétrique avec un petit pincement à droite qui traduit tout la sensibilité du peintre pour ce visage, qui se retrouve également dans le traitement des yeux. Dali a travaillé la bouche de Mae West – Mae West – mais en recherchant plus à exprimer une sensualité hollywoodienne (correspondant aux canons de l’époque) qu’à renvoyer à son modèle l’image de ses belles lèvres cosmétiquées sans en gommer les aspérités anecdotiques.
Force est de convenir que c’est la sculpture, dans ses têtes et ses bustes principalement, qui a, par nécessité technique, le plus travaillé la bouche en lui conférant à la fois la perfection et l’expression d’une personnalité : dans le chœur de l’église de Naumbourg la Margrave Uta a des lèvres superbes qui expriment une attitude aristocratique distante et fière ; il y a la bouche sensuelles de Faustine l’Ancienne au musée d’Ostie, et son cou parfait ; ou le sourire de la Tête féminine qui s’oppose à la moue de La Boudeuse au musée de l’Acropole, sans que l’on puisse hésiter un instant sur l’intention du sculpteur, cet anonyme génial. Un mot pour Mona Lisa : « ta bouche Mona est une énigme sur laquelle on aimerait travailler… ».
C’est le Nu Rouge de Modigliani (celui où la femme allongée a les bras en croix, et non l’autre moins abouti) qui montre un corps épanoui qui affiche une nudité crue, sauvage, réaliste et sans artifice. Ce Nu a des épaules splendides, fortes et leur dessin se prolonge avec les bras et les seins (à côté ceux de Matisse – Nu Rose, Nu Bleu – sont bien palots). Les poils pubiens du Modigliani sont coupés court, mais le dessin du triangle est conservé : on ne triche pas avec une telle perfection ! Cela rappelle le pubis de la Vénus de Cnide : il est parfait, d’un érotisme sans provocation mais fort avec le trait du sexe marqué. Mais il ne faut pas briser le mystère d’un corps, sa part secrète, et ce d’autant plus qu’il est beau. Mel Ramos avec – Velveeta -, nous offre une pin-up de calendrier allongée de dos sur une boîte de fromage avec des fossettes lombaires qui focalisent le regard Peu de peintres ont exprimé cette pureté athlétique comme Pisanello – Quatre femmes nues – ou Delacroix – Léda et le Cygne -, avec un beau visage serein et intelligent comme l’Athéna du Temple de Zeus à Olympie. Seul le mythe peut répondre à nos désirs existentiels. Le Nu réaliste, ce n’est pas Modigliani (qu’il soit couché ou assis) ou Ingres, mais bien plus Hopper qui nous le donne à voir – Morning in a City –, ou encore (Joe est jeune) – Summer Interior – ; même érotique et ambigu – Reclining Nude. – Hopper est bien loin de travailler sur l’idéale beauté féminine ! Il peint le réel, la femme nue telle qu’il la voit avec ses particularismes, son individualité bizarrement individuelle. L’érotisme dans la peinture est une catégorie spécifique qui est faite de transgressions : ainsi d’Eric Fischl, si provocateur et/ou pornographique avec Bad Boy.
Koons au lieu de faire des Balloon Dogs avec quatre volumes dérivés d’une baudruche savamment gonflée serait bien inspiré d’utiliser cette technique pour faire une nouvelle Vénus…, de Milo ou d’ailleurs. Faire tenir de tels volumes d’acier inox pour faire une femme, ce serait foudroyant, phénoménal ! Picasso a dit dans un de ses mauvais jours qu’en art il n’y a que l’intention qui compte. Connerie : l’art est le résultat de la rencontre d’une intention et d’une technique. Et c’est pour échapper à cette contrainte, parce qu’ils n’avaient parfois ni l’intention, et ou ni la technique, que certains ont créé l’art abstrait (qui est avec la psychanalyse la plus grande imposture du XXème siècle), l’art conceptuel (là il n’y a plus que l’idée, et il vaut mieux pas chercher à savoir ce qu’elle est ! L’idée d’une idée, c’est comme dans la finance un produit dérivé de dérivés !) Quant à l’art contemporain (terme idiot : quel est l’art qui n’est pas au moment de sa création contemporain ?) avec ses installations, performances, work in progress, et autres happenings, prolongés par le land art, l’eat art et autres quid art… n’en disons rien. Mais il y a des réalisations qui s’imposent naturellement, qui sont d’authentiques créations, comme les emballages de Christo par exemple – Le Pont Neuf –, sur lequel on aurait pu faire un défilé haute couture pour en rajouter une couche… et retrouver la femme !
Les prétextes pour peindre des femmes, les peintres ont su en trouver : les descentes de croix, les vierges et les saintes, les figures mythologiques et les grandes allégories : La Nature parée par les Grâces de Rubens, Le Bain Turc, Le Songe d’Ossian d’Ingres, etc., toutes ont permis tous les débordements. Ces artistes ne sont pas si loin que ça de ceux qui comme Van Dongen par exemple – Dans les Nuages, Portrait de Fernande – expriment des désirs étranges et inassouvissables, ou des refoulements enfouis dans l’inconscient comme Maria Blanchard – Maternité –, ou encore avec Garouste – Chien Méchant -, des dérangements psychiques.
Dans la première salle du musée imaginaire il y a les Dormeuses de Buffet et les Dormeuses de Courbet. Sur le fronton on peut voir la facétieuse déesse de l’hiver Déméter – Relief en marbre d’Éleusis -, comme un salut aux Grecs (un clin d’œil diront les Bobos).
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