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Musique thaï : La Musique pour la vie

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J’écoutais hier, sur un site ami, la musique d’un groupe thaï.  Et cela m’a aussitôt replongé quelques années en arrière. Pas de nostalgie pour autant, enfin si, juste un petit peu. Mes sources d’inspiration sont souvent politiques  en ce moment, donc polémiques. Étant donné le contexte actuel,  je préfère m’abstenir, d’autant que plus de 4000 sites internet ont été bloqués depuis ces dernières semaines.


Retour à la musique et au passé donc, moins dangereux que le présent. Lorsque je sillonnais la Thaïlande en compagnie de mon fidele assistant Ek, nous passions des heures à écouter la même musique. Je me souviens particulièrement d’un voyage Udon-Mae Hong Son. J’avais demandé un congé de deux jours à l’école où j’enseignais. Ajoutés au week-end, ils me permettaient d’aller visiter mon amie Ma-Lo qui venait de donner naissance à son bébé « Little Michèle ». Il faut 16 à 17 heures de voiture pour atteindre la frontière birmane depuis Udon Thani. Ek, poète à  ses heures, ivrogne et musicien génial à d’autres, était un chauffeur presque irreprochable.

« Avant le lever du soleil, nous sommes sur la route avec la musique comme compagne de voyage. Nous avons un point commun Ek et moi, un goût immodéré pour la musique « phleeng pheua chiwitt » (litt. « La musique pour la vie », en fait la chanson folk Isan). Cette passion commune pour ce style musical va jusqu’à l’écoute inlassable de la même cassette des heures durant. C’est Phongsit Khampi qui nous berce, célèbre chanteur Isan originaire de Nongkhai près de la frontière laotienne. Ses mélodies me mettent littéralement en état de transe : Inflexions de voix cassée, déchirements de guitare, Phongsit s’infiltre dans mon subconscient et provoque une aliénation pire que la drogue. A l’exception de mon ami Ek, je ne connais personne au monde capable d’écouter la même musique pendant plus de quinze heures d’affilée sans avoir envie de crier grâce. A peine débarqués à l’hôtel et en dépit de la fatigue, Ek sort la guitare de son étui et improvise une version très personnelle de Phongsit. Phongsit est mon idole. J’ai assisté à plusieurs de ses concerts. La première fois au « Tawan daeng » (« soleil rouge »), le célèbre pub de Udon. Je me suis présentée à lui : « Je connais tout votre répertoire, mais pour ne pas faire voler votre ego en éclats, je vous rassure tout de suite, je suis sûrement la seule française dans ce cas » !  Ça l’a fait rire. L’année suivante à Baan Chiang où il disputait un match de foot pour une  cause plus ou moins humanitaire, il m’a accordé une interview que j’avais pris le temps de façonner en thaï. Ek était à la caméra, mais tellement intimidé par son idole qu’il en a oublié d’ouvrir le micro. Lorsque je m’en suis rendue compte, des heures plus tard, j’ai eu envie de le tuer. Il s’est amendé en concoctant une autre rencontre avec Phongsit Khampi quelques semaines plus tard à Chayapoom, dans le centre de la Thaïlande. En musicien passionné, Ek ne se sépare jamais de sa guitare et ne laisse passer aucune occasion d’en jouer. Ses mélodies et sa voix font voler toutes les barrières de l’incompréhension en éclats. Les peuples de la montagne ouvrent aussitôt leur porte et leur cœur, la méfiance à notre égard s’évanouit et un climat de gaieté s’installe, aussitôt relayé et soutenu par l’alcool. Et alors l’allégresse dure jusqu’au petit matin ».

La « musique pour la vie » est née dans les années 70. Pour la première fois les étudiants originaires de la province avaient accès aux collèges et universités de la capitale. Des étudiants de la région Isan amenèrent, non seulement leur propre habitudes de nourriture, mais également les rythmes de leurs villages qu’ils mêlèrent à la musique country américaine et au rock, pour former ainsi ce qui allait devenir la chanson contestataire,  reflet d’une prise de conscience  et d’un éveil à la politique.

Dire que les Isan ne se seraient éveillés à la politique et à la contestation que sous l’ère Thaksin serait donc faux. CQFD.

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Michèle Jullian

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