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Muybridge, chantre de la beauté du corps humain

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Assassin de l’amant de sa femme, aventurier anglais dans l’Ouest américain, changeant l’orthographe de son nom et de son prénom (Edward Muggeridge devenant Eadweard Muybridge), homme d’affaires plus ou moins avisé, mais néanmoins grugé par Mr. Stanford, Muybridge a eu une vie mouvementée. S’il reste, pour tout un chacun, le co-inventeur (avec Marey) de la photographie du mouvement, l’exposition de son travail à la Tate Britain à Londres (avec plus de 150 photographies; jusqu’au 16 janvier) est l’occasion de découvrir aussi bien d’autres aspects : il est le chantre de la conquête de l’Ouest, des chemins de fer, de la colonisation de l’Alaska, du tourisme naissant en Californie (à Yosemite en particulier), des dernières guerres indiennes (même s’il photographie de faux indiens Modoc, n’ayant pu approcher les farouches guerriers), mais aussi le promoteur (stipendié) de la culture du café au Guatemala et des mérites du Canal de Panama.

Après ses fameuses photos de cheval au galop pour Mr. Stanford, il s’intéresse surtout à la locomotion du corps humain, de préférence aussi nu que possible. Associé à l’Université de Pennsylvanie peu après que Thomas Eakins en ait été expulsé pour avoir montré des modèles masculins nus à ses étudiantes, Muybridge n’hésite pourtant pas à se complaire dans les photographies faussement pudiques (Woman turning in surprise and then running away, 1887). Une autre série d’images, dont je n’ai pu trouver de bonne reproduction, montre une gracieuse jeune fille avec un simple voile transparent autour de la taille, traversant un ruisseau en sautillant de pierre en pierre, avec une canne à pêche et un petit seau, pêcheuse improbable et gracieuse, la tête légèrement baissée, assurant ses pas : scène bucolique et gentiment érotique, de face, de dos et de trois-quarts arrière : à noter qu’on a pu dire que ces prises de vue du même sujet selon différents angles annonçaient la décomposition cubiste de la vision (au chapitre des ‘influences’ de Muybridge, on peut aussi compter la femme descendant un escalier de Duchamp).

Ancêtre de la bande dessinée, voire du cinéma (son zoopraxiscope simule le mouvement animé), Muybridge, au-delà de ses avancées techniques, apparaît surtout dans cette exposition comme un adorateur de la beauté du corps humain. Les photographies de cette femme dansant (1887) capturent remarquablement la beauté de son mouvement, son élégance vaporeuse, sa légèreté. Au-delà de son étude scientifique du mouvement, on a souvent l’impression que Muybridge s’amuse, prend du plaisir à ses compositions, et c’est tant mieux : ainsi de la jeune femme se mettant au lit avec un regard plein de provocation et d’invite ou d’une scène où le modèle n°8 (sans doute la bien nommée Catherine Aimer, qui fut sa maîtresse attitrée) verse de l’eau sur la tête du modèle n°1, avec une superbe capture du mouvement de l’eau.

man_-punch_-bill-bailey-em6079.1288177909.jpg Ses photographies d’athlètes, tout aussi remarquables dans leur rendu du mouvement, ont un aspect plus rigoureux, plus scientifique, elles prêtent moins à rêver, mais composent des motifs plus géométriques, plus formels, ainsi ces deux escrimeurs dont les membres et les fleurets composent un alphabet de dessins cunéiformes. Les photographies de l’enfant handicapé sont aussi très connues.

Mais une des séries qui m’a le plus impressionné (Francis Bacon en avait une copie dans son atelier) est celle du lutteur Ben Bailey : c’est le seul modèle noir de Muybridge, il est très musclé, son geste est violent. Mais surtout Muybridge l’a mis dans une catégorie à part : il a été photographié devant une grille de mesure, et il est, sauf erreur, le seul le premier humain à l’avoir été*, alors que tous les animaux, ou presque ont été photographiés de cette manière. L’énergie du lutteur est montrée, non sans racisme, comme primitive, bestiale, à la fois fascinante et inquiétante. Étonnante série dont je n’ai trouvé qu’une seule image.

À noter aussi cette exposition (que je n’ai pas vue) sur les zoopraxiscopes de Muybridge à Kingston upon Thames.
Muybridge Bailey séries
* Correction : voir citation dans le commentaire du 29 octobre à 19h07 sur Bailey et la posture raciale de Muybridge.
Photo de la série Bailey ajoutée au même moment (merci à Guillaume L.).

Marc Lenot

1 commentaire pour “Muybridge, chantre de la beauté du corps humain”

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