Je ne sais pas très bien à combien de colloques je participe chaque année, que j’en sois l’un des initiateurs ou seulement un participant. Cette fois, avec l’aide permanente et attentive d’Aurore, j’ai fait en sorte que plusieurs itinéraires culturels soient présents pour que l’on puisse parler d’un patrimoine qui n’a acquis ses lettres de noblesse que dans les années récentes : celui de la gastronomie.
Je suis conscient que c’est une dimension qui ne manque pas d’impliquer les secteurs économiques intéressés à y faire du profit, ce qui lui vaut parfois encore du mépris, comme si tous les patrimoines n’étaient pas soumis aux nécessités économiques : celles de la restauration, de la conservation, ou d’une valorisation où les industries du spectacle sont parties prenantes.
Alors voilà le communiqué de presse rédigé, en français et en anglais. Les photographies suivront dans quelques jours.
Et puisque nous parlons aussi de la dimension touristique de ce patrimoine qui part du paysage culturel : pastoral, viticole, oléicole pour prendre en compte une série de traitements artisanaux qui aboutiront à des merveilles de saveur, il est parfois bon de revenir à des fondamentaux. Entre les romans, je relis en ce moment « L’idiot du voyage. Histoires de touristes » de Jean-Didier Urbain dont la première édition chez Payot date de 1991. Cet ouvrage là, qui voisine avec « Secrets de voyage » et « Sur la plage », est un merveilleux indicateur des profonds changements qui sont en train de se dérouler devant ou à côté de nous.
Le touriste, cet idiot que le visiteur regarde de loin, dans lequel il ne veut bien entendu pas se reconnaître et avec lequel il ne veut surtout pas être confondu, est en train de devenir le héros que nous recherchons. Celui qui ne recherche plus la masse, qui veut trouver des individus dissemblables, mais qui lui ressemblent pourtant, au point de partager ses émotions, parmi lesquelles celles que procure une coulée d’huile d’olive sur du pain ou la tranche d’un fromage d’estive qui ne fera pas le voyage et attend qu’on le visite.
“De ce point de vue – celui du tourisme dans l’espace rural empreint de souvenirs anciens – on peut dire que le touriste contemporain, intégrant ces nostalgies, naturaliste ou ethnographe, a totalement assimilé les songes et les principes du mouvement « néo-ruraliste » de la fin des années soixante. Il se veut, sous la forme de l’agrotourisme, de la randonnée ou du cyclotourisme, héros d’un retour à la terre, d’un retour au village…Ici triomphe, loin du réticulaire rationnel, le réticulaire approximatif et désordonné du vicinal : le sentier, le chemin à vélo, la marche, la roulotte, les artères à demi abandonnées d’un « maillage secondaire » qui toutes transportent le voyageur jusqu’aux frontières de l’espace construit, dans un monde naissant où l’écriture de l’espace est encore peu codifiée. »
Fantasme, ou bien plutôt nouveau tourisme fondé sur les mêmes pulsions que celles qui menaient un Washington Irving à la recherche d’un exotisme que lui offrait encore l’Andalousie en 1830 ?
Tourisme social là où il était considéré comme élitiste ?
Ou visite très concernée, là où il y a encore quelque chose de la présence des ancêtres ? Ce que l’on nomme vraiment le patrimoine ; l’héritage.
En tout cas dans l’absence apparente de construction que lui prête Jean-Didier Urbain, on retrouvera dans la campagne nouvelle un aménagement profond, historique, souvent superposé de désirs et de défis.
Entre terroir et produit, le paysage se découvre enfin. C’est peut-être là la nouvelle frontière du tourisme ?