Grande nouvelle à Tristan da Cunha: Katie est née
Katie Repetto est née le 7 juin 2010. Une grande nouvelle pour les habitants de l’île la plus isolée de la planète, Tristan da Cunha.
Katie Repetto est née le 7 juin 2010 au Cap.
Elle a été baptisée le 1er août de la même année.
Katie Repetto est la sœur de Chantelle.
Les deux petites filles sont les filles de Geraldine et Paul Repetto.
La famille va obtenir le statut de résident sur l’île de Tristan da Cunha, dans l’Atlantique sud.
Le papa travaille à l’école de Sainte-Marie. La maman travaille comme comptable au Bureau Administratif de l’île.
Tristan da Cunha ne compte que 260 habitants, tous de nationalité britannique. On ne compte que huit noms de famille à Tristan da Cunha, ce qui a fait jaser bon nombre d’experts d’îles isolées sur des éventuels problèmes de santé, notamment l’asthme et le glaucome, liés à la consanguinité (endogamie) sur l’île.
L’île se définit comme l’endroit habité le plus isolé de la planète.
En 1961, une éruption volcanique provoqua l’exil de la population entière vers les cités de Grande-Bretagne, la mère-patrie. En 1963, victimes du mal du pays et mal à l’aise dans les cités anglaises, la moitié des insulaires retourna sur leur île.
Il faut six jours de navigation houleuse pour rallier Tristan da Cunha en provenance de la ville du Cap en Afrique du Sud. Il n’y a pas d’aéroport, pas de plages, pas d’hôtels, peu de voitures, peu de routes, pas de rond-point, pas de feux rouges, peu d’insécurité, un policier, des fonctionnaires locaux. Deux ou trois bateaux par an. Une seule bourgade, Edinbugh of the Seven Seas. Le climat y est venteux, pluvieux, changeant, frisquet.
La petite communauté insulaire ne compte que 260 âmes.
C’est dire si la naissance d’une petite Katie Repetto fait figure de news, digne de figurer dans leur site Internet.
Avec l’implantation définitive de la famille Repetto, la communauté augmente de quatre âmes. 260 + 4 = 264.
Pour l’adorateur des îles isolées, l’île de Tristan da Cunha constitue le Graal, la destination ultime, le voyage qu’il faut faire une fois dans sa vie.
Il y a quatre ans, j’avais tout : le permis obligatoire, l’itinéraire, ma place dans le bateau, mais en liste d’attente. Donc, j’attendais, j’attendais.
Entre-temps, une dame est décédée dans l’île. Toute sa famille, installée en Grande-Bretagne, réquisitionne les dernières places disponibles, priorité étant donnée aux insulaires et aux membres de leur famille.
Un email vient me confirmer que non. Je ne peux pas y aller. Il m’informe que je suis une nouvelle fois en liste d’attente dans le prochain bateau, soit environ un an plus tard.
Un an plus tard, il me sembla, j’aurais probablement d’autres plans.
Je ne suis toujours pas allé à Tristan da Cunha. Mais j’irai.
Je pense qu’à ce moment-là, je ferais la connaissance de la petite Katie Repetto, qui sera scolarisée dans l’unique école de l’île, là où travaille son papa.
Mais la grande sœur, celle-là même qui vous sourit, sera déjà probablement dans un pensionnat au Cap ou en Angleterre. Il n’y a pas d’école secondaire à Tristan da Cunha.
D’ailleurs, à part une usine de langoustes, il n’y a pas beaucoup d’avenir pour les jeunes de Tristan da Cunha.
La naissance de Katie Repetto est donc une bonne, une excellente nouvelle.
Palau: Mélanie et Jeffrey, les exilés qui vivent là-bas, tout au bout de l’île
Ici, dans cet hôtel désert tout au bout de l’île, vivent Mélanie et Jeffrey, les exilés que la pauvreté n’a pas oublié. Ce matin-là, en parcourant la longue plage déserte et inondée de soleil, je me disais que le monde était injuste.
Depuis mon arrivée dans cet hôtel désert au bout de la route du Nord, sur île de Baldeboab, à Palau, je ramasse religieusement les quelques déchets en plastique charriés par les marées. Chaque matin donc à 6 heures, avant pipe et café du matin, je parcours mon éphémère royaume, abrité du soleil par de majestueux mahogany et m’en vais jeter les rebuts dans une poubelle, près du barbecue, derrière le hamac.
La journée s’annonce merveilleuse. Pourtant, je pense à Mélanie et Jeffrey. Depuis six ans, ils voient la même plage, le même soleil, le même barbecue, le même hamac. Mais certainement pas avec les mêmes yeux que moi.
Depuis six ans, Mélanie travaille ici, dans cet hôtel reculé, invisible de la route et du lagon, corrodé par la végétation et l’humidité. Originaire de l’île de Panay, aux Philippines, elle a quitté son île natale pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants, restés au pays.
Le plus jeune a six ans.
Elle ne le voit qu’une fois tous les deux ans, quand la propriétaire de l’hôtel daigne lui donner quelques jours de vacances. Elle n’a donc vu son dernier fils que deux ou trois fois depuis sa naissance. Sa sœur et son frère s’en occupent. Elle envoie de l’argent, leur téléphone quelquefois, sans doute.
Ses cinq enfants lui manquent, dit-elle, avec ce sourire dont les Philippins ont le secret. Mélanie ne fait pas son âge – elle doit avoir dans les 30 ans, elle en fait 20 — ne se plaint pas, ne gémit pas, contente d’avoir un travail.
Ils sont des millions comme Mélanie, à fuir leur pays et leurs enfants pour une vie meilleure.
Mais pour moi, Mélanie n’est pas une statistique.
Tous les soirs, elle amène le dîner dans une salle à manger vide, ouverte aux quatre vents, encerclée par la nuit tropicale, dans laquelle sautillent des crapauds et miaulent des chats efflanqués. Ils sont toujours simples et délicieux, ces repas préparés par Jeffrey.
Lui a trois enfants. Aussi à Panay. Il ne les voit qu’épisodiquement, mais je n’en saurais pas plus.
Malgré les apparences, Mélanie et Jeffrey ne sont pas ensemble. Mais ils partagent le même quotidien tranquille, la même solitude et les mêmes vagues à l’âme que la plupart des migrants de par le monde. Ils regardent la télévision philippine, envoient des mails et des mandats, restent en contact.
Pour le moment, leur existence se résume à ses trois évidences : ils sont contents d’avoir du travail, leurs enfants leur manquent, leur pays également. Le futur reste incertain.
Ils travaillent loin de leurs enfants pour que ceux-ci aient la chance d’aller à l’école, de trouver un travail décent aux Philippines, d’échapper à la pauvreté chronique et de ne pas connaître le même exil que leurs parents.