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Dans Outre-terre, Jean-Paul Kauffmann arpente le site de la bataille d’Eylau pour explorer les souffrances et l’horreur qu’affrontèrent les soldats rescapés lors de cette campagne militaire. Entre enquête et carnet de voyage, au fil des pages l’histoire se révèle encore plus captivante.
Outre-terre, c’est ainsi que les Russes désignent l’enclave de Kaliningrad, seul accès de l’ex-URSS à la mer Baltique. Maintenant que l’URSS n’est plus, cette région russe se trouve coincée entre la Pologne et la Lituanie, et séparée de la Russie par la Biélorussie. C’est là, près de Königsberg, ancien nom de Kaliningrad, que se sont déroulées en 1807 deux batailles napoléoniennes, celle d’Eylau et celle de Friedland, dans ce qui était alors la Prusse Orientale, qui deviendra allemande puis sera annexée par l’URSS en 1945. Deux batailles qui furent gagnées par les armées de Napoléon, certes, mais il s’en est fallu de peu pour qu’Eylau tourne au désastre pour la France, comme un sinistre présage à Waterloo. C’est la charge de la cavalerie de Joachim Murat qui a donné la victoire à Napoléon, alors que l’Empereur lui-même se trouvait en fâcheuse position face aux forces adverses.
Voyage à Eylau et campagne d’outre-terre ; entre terrains de combats et découvertes
Jean-Paul Kauffmann avait déjà visité Königsberg et le site d’Eylau en 1991 et s’était promis d’y revenir. En 1997, il avait proposé à sa femme et à ses deux fils de faire tous ensemble le voyage à Eylau dix ans plus tard, pour le bicentenaire de la bataille. Tous avaient accepté, sa femme en soutien indéfectible, ses fils un peu goguenards, moquant les lubies de leur père. C’est ce voyage de 2007 à Eylau que raconte Jean-Paul Kauffmann dans ce livre érudit et passionnant, et c’est l’occasion pour lui de décortiquer la bataille d’Eylau, de tenter d’appréhender ce qui s’est joué sur le terrain des combats, de comprendre pourquoi les russes, deux cents ans plus tard, commémorent une défaite.
Sur les champs de bataille, Jean-Paul Kauffmann retrouve également la trace fictive du colonel Chabert, le personnage créé par Balzac, laissé pour mort sur le terrain, sauvé in extremis, ne sachant plus qui il est et qui reviendra, des années plus tard à Paris pour découvrir que sa « veuve » s’est remariée et qu’il n’y a plus de place pour lui. Chabert, dont l’auteur se sent proche, lui qui, au retour de son enlèvement, n’a pas reconnu ses fils et a eu tant de mal à retrouver une place dans sa propre famille et dans son environnement, parce qu’il en avait été éloigné si longtemps.
C’est un livre magnifique, très vivant alors que le sujet peut sembler à priori ardu et impersonnel. Je n’aurais jamais cru qu’un tel sujet, une bataille napoléonienne, pourrait m’intéresser. Et pourtant, je l’ai trouvé passionnant, sans doute parce que l’auteur sait élargir son point de vue, s’y impliquer personnellement, y trouver des réponses aux questions qu’il se pose, à la fois sur les évènements historiques qui l’ont amené là, mais aussi sur les résonances par rapport à son propre parcours, à l’enfermement et l’éloignement dont il a été victime. Un travail illustré par de nombreux tableaux et dessins qui ont représenté la bataille d’Eylau, en particulier les tableaux d’Antoine-Jean Gros, que scrute sans relâche l’auteur à la recherche d’une vérité. Un livre à découvrir sans réserve !