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Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet suivis de l’Empire Chinois

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En  brouette, en chariot, en jonque, à dos de yack, de mulet et de chameau, ou, tout simplement, à pied, Régis Evariste Huc missionnaire lazariste, parcourut , entre 1841 et 1846, la Chine, la Mongolie et le Thibet.. Il a fait de ce voyage une relation tout à fait remarquable. J’en ai extrait les lignes qui suivent. Elles ont été écrites en 1854,  au moment où les nations occidentales s’apprêtaient à mettre en coupe réglée une Chine définitivement vouée à n’être, croyait-on, qu’une puissance de troisième zone.

Père Huc

La suffisance contemporaine imagine volontiers qu’avant la télévision et Internet, il est impossible qu’il y ait eu des hommes capables de penser. Le modeste curé qui, en 1848, écrivit à un de ses frères : « On ne fonde jamais rien de bon sur les cadavres… Le fanatisme politique n’est pas moins à redouter que le fanatisme religieux. » prouve, à l’évidence, qu’elle se trompe.

Chambolle

grande muraille de chine Il, est probable qu’il serait possible de trouver en Chine tous les éléments nécessaires pour organiser l’armée la plus formidable qui ait jamais paru dans le monde. Les Chinois sont intelligents, ingénieux, d’un esprit prompt et plein de souplesse. ils saisissent rapidement ce qu’on leur enseigne, et le gravent aisément dans leur mémoire. ils sont, de plus, persévérants et d’une activité étonnante, quand ils veulent s’en donner la peine; d’un caractère soumis et obéissant, respectueux envers l’autorité, on les verrait se plier sans effort à toutes les exigences de la discipline la plus sévère. Les Chinois possèdent, en outre, une qualité bien précieuse dans des hommes de guerre, et qu’on ne trouverait peut-être nulle part aussi développée que chez eux: c’est une incroyable facilité à supporter les privations de tout genre. Nous avons été souvent étonné de les voir endurer, comme en se jouant, la faim, la soif, le froid, le chaud, les difficultés et les fatigues des longues courses. Ainsi, sous le rapport intellectuel et physique, ils ne paraissent laisser rien à désirer. Pour ce qui est du nombre, on en aurait par millions tant qu’on voudrait.
L’équipement de cette immense armée serait encore probablement­ peu difficile. Il ne serait pas nécessaire d’avoir recours aux nations étrangères; on trouverait abondamment dans leur pays tout le matériel désirable, et des ouvriers sans nombre, bien vite au courant des nouvelles inventions.
La Chine offrirait surtout des ressources comparables pour la marine. Sans parler de la vaste étendue de ses côtes, où de nombreuses populations passent en mer la majeure partie de leur vie, les grands fleuves et les lacs immenses de l’intérieur, toujours encombrés de pêcheurs et de jonques de commerce, pourraient fournir des multitudes d’hommes habitués dès leur enfance à la navigation, agiles, expérimentés, et capables de devenir d’excellents marins pour les longues expéditions. Les officiers de nos navires de guerre, qui ont parcouru les mers de Chine, ont été souvent déconcertés de rencontrer au large, fort loin des côtes, des pêcheurs affrontant audacieusement la tempête, et conduisant avec habileté leurs mauvaises barques à travers les vagues énormes qui menaçaient à chaque instant de les engloutir. La construction de navires sur le modèle de ceux des Européens ne leur offrirait aucune difficulté, et il ne leur faudrait que peu d’années pour lancer à la mer des flottes telles qu’on n’en a jamais vu.
Nous comprenons que cette armée immense, ces avalanches d’hommes descendant du plateau de la haute Asie, comme au temps de Tchinggis-khan, et ces innombrables bâtiments chinois sillonnant toutes les mers, et venant encombrer nos ports, tout cela doit paraître bien fantastique à nos lecteurs. Nous sommes nous-même assez porté à croire que ces choses ne se réaliseront pas; et cependant, quand on connaît bien la Chine, cet empire de trois cents millions d’habitants, quand on sait combien il y a de ressources dans les populations et dans le sol de ces riches et fécondes contrées, on se demande ce qui manquerait à ce peuple pour remuer le monde et exercer une grande influence dans les affaires de l’humanité. Ce qui lui manque, c’est peut-être un homme, et voilà tout; mais un homme d’un vaste génie, un homme vraiment grand, capable de s’assimiler tout ce qu’il y a encore de puissance et de vie dans cette nation, plus populeuse que l’Europe et qui compte plus de trente siècles de civilisation. S’il venait à surgir un empereur à larges idées et doué d’une volonté de fer, un esprit réformateur, déterminé à briser hardiment avec les vieilles traditions, pour initier son peuple aux progrès de l’Occident , nous pensons que cette œuvre de régénération marcherait à grands pas et qu’un temps viendrait peut-être où ces Chinois, qu’on trouve si ridicules, pourraient être pris au sérieux et donner même de mortelles inquiétudes à ceux qui convoitent si ardemment les dépouilles des vieilles nations d’Asie

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