Paul Jean Toulet est un écrivain et poète français connu pour avoir créé une forme poétique qu’il a mise en forme dans Les contrerimes….
Paul-Jean Toulet ( 1867 – 1920 ) fut le chef de file du mouvement fantaisiste qui, dans les années 1900- 1910, tentait de bousculer les anciennes normes établies par les symbolistes et d’édifier un univers de détachement et d’enjouement qui baignait dans une mélancolie élégiaque dissipée par le sourire. Mais qui était-il ce jeune homme qui faisait une si forte impression sur ses amis ? Par sa mère, il appartenait à la famille de Charlotte Corday, par son père il descendait d’une lignée de béarnais et de créoles établis à l’île Maurice vers laquelle, ses études achevées, il s’empressera d’aller passer trois années, afin de s’imprégner de ces parfums exotiques dont il raffolait. Revenu à Paris, il se lie d’amitié avec Debussy, Toulouse-Lautrec et Giraudoux et rencontre Maurras, puis repart pour l’Indochine où sa dépendance à l’opium ne fera que s’aggraver. Sa santé n’est pas bonne et pour cause : il est noctambule et abuse de l’alcool et de la drogue. En 1912, il se retire à Guétary, au pays basque, où il mourra d’une hémorragie cérébrale huit ans plus tard.
Puisque tes jours ne t’ont laissé
Qu’un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu’on ne tende la couche
Où ton coeur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys que courbe un vent amer,
– Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l’homme est semblable
Aux illusions de la mer.
Ses poèmes ne seront édités qu’après sa mort : Les contrerimes et Les vers inédits. Ceux-ci, peu nombreux, ont apporté une forme nouvelle, savante et précieuse, à la fois forte et flexible dont Toulet joue avec un art consommé. Les coloris sont lumineux, le rythme envoûtant, surprenant, crispé, les jeux de rimes parfois frivoles, parfois sévères, se chargent d’arrêter l’esprit sur la netteté d’une impression ou d’un sentiment. C’est la conjonction d’une sensation fugitive, d’un regard sur le temps perdu, d’une pensée sur l’existence et la fragilité des choses. L’amour n’y est jamais passion, à peine libertinage, plus souvent pur badinage. La mort, elle-même, devient une réalité familière dont le goût est inséparable de l’amour. Nous sommes aux antipodes de l’aventure spirituelle des Fleurs du mal de Baudelaire, du spleen, des ivresses, de la révolte et du recours à l’au-delà. Cette poésie exprime un dilettantisme désabusé, un dandysme qui se décline en un subtil mélange d’exotisme nonchalant, de tendresse et d’impertinence et » d’un humour allant parfois jusqu’au plaisir de la mystification ».
Toi qu’empourprait l’âtre d’hiver
Comme une rouge nue
Où déjà te dessinait nue
L’arôme de ta chair ;
Ni vous, dont l’image ancienne
Captive encore mon coeur,
Ile voilée, ombres en fleurs,
Nuit océanienne ;
Non plus ton parfum, violier
Sans la main qui t’arrose,
Ne valent la brûlante rose
Que midi fait plier.
Il est agréable de voyager parmi ces courts poèmes d’une remarquable concision syntaxique, d’une harmonie savante, d’un tour finement ironique. Le refus des facilités y est visible, de même que la volonté de ne pas être dupe, de ne point céder à la démesure, au sentimentalisme outrancier. Valéry, lui aussi, se méfiait des transports » qui transportent mal ». L’influence de Toulet fut néanmoins modeste, faute d’avoir été publié plus tôt, aussi n’a-t-il pas fait école. Mais, sans lui, quelque chose manquerait à l’univers poétique de notre temps.
D’une amitié passionnée
Vous me parlez encor,
Azur, aérien décor,
Montagne Pyrénée,
Où me trompa si tendrement
Cette ardente ingénue
Qui mentait, fût-ce toute nue,
Sans rougir seulement.
Au lieu que toi, sublime enceinte,
Tu es couleur du temps:
Neige en Mars; roses du printemps.
Août, sombre hyacinthe.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
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