L’Opera Pavillon aux pivoines a donné lieu à un spectacle ensorcelant au Châtelet à Paris. L’occasion de découvrir l’élégance, la délicatesse et la magie de cette histoire d’amour créée au XVIème siècle en Chine.
Bourdonnements et chuchotements de conversations : les fauteuils d’orchestre du Châtelet se remplissent peu à peu : habitués des théâtres parisiens, excentriques, personnalités cherchant leur place, japonais en costume sombre, col blanc immaculé, silhouette parfaite et précise dessinée d’un trait de calligraphie. Calligraphie chinoise ou japonaise, japonaise ou chinoise ? Peut-être
sont-ils venus voir une sorte de dieu vivant : Tamasaburo Bando, nommé « Trésor national vivant du Japon » dont Mishima disait de lui en 1970 (Tamasaburo est né en 1950), « l’élégance et la délicatesse chez Tamasaburo évoquent le travail de l’ivoire »
Tamasaburo Bando est un « onnagata », un homme qui interprète des rôles féminins. La scène était interdite aux femmes à une certaine époque, obligeant ainsi les hommes chargés des rôles féminins, à développer une voix de fausset devenue maintenant typique de l’opéra chinois.
J’assistais hier soir à l’opéra « Pavillon aux pivoines » créé en 1598, chef d’œuvre populaire en Chine, histoire d’amour, de rêve, de mort et de résurrection, car c’est bien le message de cet opéra : « si l’amour n’apporte pas la mort à celle qui vit, s’il ne rend pas la vie à celle qui est morte, c’est que l’amour n’a pas atteint son degré suprême ».
L’opéra original comporte 55 scènes on n’en donnait que 9 hier soir ; Un spectacle de 3 heures entrecoupées de 2 entr’actes.
Spectacle déconcertant pour celui qui découvre l’opéra Kunqu de Suzhou (qui n’a rien à voir avec l’opéra de Pekin) pour la première fois et tant pis pour ceux qui sont venus ici juste pour dire « j’y étais ». Au premier entracte : bon nombre se sont « taillés » dont mon voisin – Oh honte – Bernard Pivot.
J’avais envie de rentrer dans la magie, je l’anticipais et tout au long du spectacle j’oscillais entre agacement et émerveillement. Voix de crécelle – il faut chanter à hauteur de flûte – de chats écorchés. Dans les aigus ça titille les neurones. Lenteur des mouvements, réalisme minimal, sophistication subtile. Les comédiens ne dansent pas, ne marchent pas, ils glissent sur la scène dans leur costume de
soie délicate, comme les sentiments évoqués. C’est déconcertant, irritant, ennuyeux, rebutant, malicieux(les dialogues sont traduits en haut de la scène), espiègle, poignant, dérangeant, obsédant, époustouflant, envoûtant, captivant, séduisant, fascinant, assommant, poétique, subtil, titillant, raffiné,… pour tout dire ensorcelant. Au final, je sanglotais, après tout, les pivoines sont mes fleurs favorites, mais, futée, je sortais de ma poche, ma boîte d’allumettes pour voler une photo….
Photos absolument interdites bien sûr.
Tamasaburo Bando est le deuxième sur la gauche. A 62 ans il joue le rôle d’une jeune-fille de 16 ans
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