Tout comme l’Histoire, l’histoire de l’art s’enrichit, en marge des grands bouleversements, de détails qui permettent de mieux appréhender une œuvre ou un artiste car leur importance dépasse souvent la simple singularité anecdotique. C’est d’ailleurs l’impression que l’on retire de la lecture de Petites histoires de l’histoire de l’art (Hugo & Cie, 242 pages, 17,99€), un ouvrage signé Jean-Jacques Breton.
Ce florilège d’informations piquantes et instructives s’attache à observer le monde de l’art sous les angles les plus insolites et à détruire au passage, non sans un humour bienvenu, un certain nombre d’idées reçues. Tout commence dès la première page du livre, où il est question, naturellement, de la Joconde : « Qui, aujourd’hui, peut encore ignorer l’existence de La Joconde, la toile la plus célèbre du monde ? On a lu parfois qu’elle avait été retrouvée « roulée sous le lit de son voleur ». Célèbre, certes, mais « toile », absolument pas ! Elle est en effet peinte sur un panneau de peuplier, ce qui la rend tout de même difficile à rouler ! »
A l’entrée « Monochromie », plusieurs titres, dus à Alphonse Allais, sont cités, tel celui d’un monochrome rouge : « Récolte de tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer Rouge. » On trouve plus loin cette définition au vitriol, mais fort bien vue, de Camille Mauclair (« inventeur » de la légende ridicule du fiasco dont aurait été victime Baudelaire dans les bras de Madame Sabatier) : « l’ex-talentueux Camille Mauclair (1872-1945) […] qui vieillira mal, passant de la critique éclairée aux articles grincheux, et de l’anarchisme au pétainisme. »
L’ouvrage, divisé en 11 chapitres thématiques, aborde aussi bien les aspects techniques de l’art que la finance, les sujets inattendus, les modèles, etc. La section relative aux faux, réels ou supposés, se révèle particulièrement intéressante, même si l’auteur omet d’évoquer parmi les faussaires de génie un certain… René Magritte, lequel, selon Marcel Mariën, exécuta et vendit plusieurs toiles (de Picasso, Ernst, etc.), pendant la seconde guerre mondiale, moins par souci de canular surréaliste que pour des raisons alimentaires.
Beaucoup d’anecdotes, qui couvrent une période s’étendant de la Préhistoire à nos jours, sont divertissantes et, à l’évidence, le fruit de recherches approfondies. Elles réservent même parfois de véritables surprises ; ainsi apprend-on (p. 188) que René Collmarini, pour la statue de François Villon située Square Monge, qu’il exécuta en 1930, eut recours à un modèle inattendu, mais finalement pertinent : Antonin Artaud.
Cet essai est enlevé, ludique et érudit ; il devrait intéresser et divertir les amateurs d’art.
Illustration : René Collmarini, statue de François Villon, photo D.R.
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