Avec Rouge poison de Laëtitia Reynders (Litterature belge) ; entrez dans l’univers de sorciers et de vampires ; un roman qui mène le lecteur dans une étrange histoire en Bretagne en mêlant imaginaire, fantaisie, mystère et folklore.
Roman fantastique – Litterature belge
[tab name=’Critique du livre’]
Si d’aventure vous passez vos vacances en Bretagne, n’allez pas vous installer à Vannes dans la librairie salon de thé Esotérica – il pourrait vous arriver une étrange histoire. C’est ce qui s’est produit pour Leana, femme seule venue s’installer dans la région après quelques déboires sentimentaux. Fan de séries TV américaines et de BD belge, elle n’est nullement étonnée de se trouver face à face avec un meurtrier qui officie sous ses yeux. Certes, elle s’évanouit, mais elle ne ressent nulle peur, elle ne fait pas de cauchemar, elle n’est nullement traumatisée…
Serait-elle soumise à quelque mystérieuse influence ? Le lecteur mâle soupçonne la prestance du garçon, la jeunesse épanouie, la taille élancée, le corps agile et musclé, les yeux très bleus, le teint diaphane. Mais il y a autre chose. Leana le découvrira progressivement, notamment un soir qu’elle a verrouillé son appartement, fenêtres fermées, et qu’elle se prépare une soirée télé devant un plateau. Ne voilà-t-il pas qu’elle découvre l’assassin assis tout tranquillement sur son canapé ? Pire encore : il lui déclare son amour inconditionnel et ses yeux l’attirent.
S’il a 89 ans, il en paraît 35. Pourquoi ? Parce que c’est un vampire. Quoi de plus naturel pour notre époque qui en a vu d’autres à la télé ? Très à la mode ces temps-ci, ces créatures comblent le désir de mystère comme celui de jeunesse éternelle. Dieu ennuie avec son autoritarisme infantilisant, les créatures du Diable ne sont-elles pas plus séduisantes ? Les alignements de Carnac en observatoires des astres sont moins drôles que ces réunions pseudo-druidiques pour célébrer un sabbat.
Mais pourquoi diantre l’appeler Cohen ? Et son oncle Aaron ? N’y aurait-il que les Juifs qui soient sorciers dans l’inconscient catholique ? L’auteur est née à Liège en 1978 et reste frôlée par ces toiles d’araignée poussiéreuses de la tradition cléricale. Elle confond allègrement, pour les besoins du roman, sabbat avec fête païenne, et mythologie celtique avec mythologie scandinave. Non, Samhain n’est pas un « sabbat » ! Mais la grande réunion des dieux celtiques avec les hommes qui sépare les jours clairs des jours sombres de l’année ; elle a donné notre Toussaint. Jul (écrit Yule parce que les ignares wikipedistes le font – alors que c’est pareil) n’est un « sabbat » que par mépris chrétien et ésotérisme fumeux… Elle est surtout la fête scandinave du solstice d’hiver, très importante dans les pays où la nuit dure six mois, et qui a donné notre Noël. Shabbat est le septième jour, temps de repos de la semaine juive, le quatrième des dix commandements donnés par Dieu à Moïse dans le désert. Où l’on retrouve l’univers monomaniaque de l’ésotérisme, associé à tout ce qui n’est pas chrétien, en particulier le Talmud et les pratiques juives. Les Vikings historiques étaient très loin de ces élucubrations.
Si l’on considère ces approximations comme un folklore pour l’imagination, alors on peut entrer dans cet univers de sorciers et de vampires et s’en amuser. L’héroïne du roman court comme une folle dans ces divagations qui ont pour elle la force de l’évidence. La télé, Google et Wikipedia n’en parlent-ils pas comme s’il s’agissait d’un genre étudié par la science ? Le métier d’éducatrice pour enfants dans un hôpital psychiatrique a sans doute aidé l’auteur à prendre les délires pour la réalité. Pourquoi pas ? L’intrigue est bien menée, avec ce zeste de psychologie féminine qui intéresse. Jusqu’au retournement final… qui se retourne sur lui-même, comme l’année en ses saisons. Et comme les séries TV qui préparent la saison suivante ! Ce premier roman, de lecture passionnante, sera-t-il suivi d’autres ?
Si d’aventure vous passez vos vacances en Bretagne, allez donc vous installer à Vannes dans la librairie salon de thé Esotérica. Votre feuilleton peut commencer, on ne sait jamais…
Laëtitia Reynders, Rouge poison, juin 2012, éditions Baudelaire – 11 cours Vitton 69452 Lyon cedex, 301 pages, €19.47
Le site des éditions Baudelaire www.editions-baudelaire.com
J’ai noté à titre anecdotique quelques fautes de relecture :
- p.155 « le rituel devant l’hôtel » (autel serait mieux venu…)
- p.161 « typesse » (quel est ce langage incongru ?)
- p.163 « un ciseau » (à bois ? ou plutôt une paire de… ?)
- p.172 « une petite ballade pour rejoindre » (une ballade se chante, une balade fait en revanche promener)
- p.240 « mes pensées l’envoi » (et pourquoi pas l’accord au pluriel : l’envoient ? ce n’est pourtant pas sorcier…)
- Également ce belgicisme : « les essuies » pour les serviettes, un peu bizarre pour un éditeur lyonnais et un roman qui se passe en Bretagne. Mais là c’est plutôt mignon. Pourquoi pas une note en bas de page ?
- Il y en a bien pour certains mots courants comme ‘lounge’, ‘nervis’, ‘cloné’, ‘paroxysme’ ou ‘sweat’. Vous n’en portez jamais de sweat ? Il y a même Panoramix p.165, « notre druide » – personne ne connaît plus Astérix ? Ou les Schtroumpf p.174. Le roman ambitionne-t-il d’être traduit en Chinois, où cette culture d’ambiance est inconnue ?
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[tab name=’Extraits’]
Extraits :
De retour dans ma chambre, il est toujours là. Il n’a pas bougé.
Son teint est diaphane, comme la porcelaine.
Le contour de ses yeux est si marqué qu’on dirait qu’il est maquillé et cela fait ressortir encore plus fort le bleu de ses yeux. Ses cheveux bruns, mi-longs, lui arrivent aux épaules. Je n’ai jamais vu une personne aussi belle.
Belle mais complètement folle et dangereuse à en juger comment elle manie le sabre !
– Vous êtes toujours là? Je pensais avoir rêvé, figurez-vous.
– Je peux m’en aller si vous le souhaitez?
– Je veux d’abord comprendre. Qu’attendez-vous de moi? Qui êtes-vous?
– Il m’est impossible de tout vous dire maintenant mais si vous m’en laissez l’occasion, je vous expliquerai tout. Faites-moi confiance.
– Pourquoi vous ferais-je confiance?
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[tab name=’Fiche pratique’]
Fiche du livre :
Auteur : Laëtitia Reynders
Litterature belge
Roman fantastique
Editeur : Les Éditions Baudelaire (8 juin 2012) – 11 cours Vitton 69452 Lyon cedex
Langue : Français
ISBN-10: 2355089353
ISBN-13:978-2355089350
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Pourquoi qualifier ce livre de littérature belge?
Superbe ouvrage fantastique comme il y en a très peu.Suspense, retournements de situation, pression et envie de savoir ce qu’il se passe à la page suivante. Soit toutes les qualités que je recherche dans un bouquin. Quant aux commentaires pseudo intellectuels d’argoul sur les sabbats, je ne vois pas ce qu’ils viennent faire dans la critique. Ma fille et moi avons adoré et à en croire les nombreux commentaires laissés sur facebook par d’autres lecteurs-lectrices, nous ne sommes pas les seules à avoir apprécié. En plus j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur qui est une femme naturelle, sympa et qui ne se prend pas la tête…