Voilà une étrange sensation, vaguement ressentie en Asie en général, violemment accentuée ici en Inde. Etre blonde à la peau claire à Delhi, dans le regard des hommes jeunes qui vous toisent, vous jaugent, vous dévisagent et vous envisagent – comme le chante Vanessa Paradis – vous fixent, en douce ou ouvertement, timidement ou carrément entreprenant, c’est être brutalement renvoyée à un sentiment de pure féminité. D’une idée fantasmée de la féminité occidentale. Pas de sari pour m’envelopper dedans, mais un sourire modeste pour répondre à ces regards qui déshabillent. Si en plus, vous achetez la nuit venue, un maillot de bain dans une de ces boutiques poussiéreuses, mais chics par leur enseigne internationale, de Connaught Circus, il faut vraiment faire preuve de tact et de fermeté pour ne pas vous retrouver à deux dans la cabine d’essayage. Bien fait, y’a pas de raison que ce soit toujours pour les mêmes ! Rôles inversés, une fois n’est pas coutume.
Ce que les hommes, du mauvais côté de la cinquantaine, ressentent lorsqu’ils se promènent à Phuket, Pattaya ou Bangkok, à nous d’en déguster les effets passagers ici en Inde. Plaisants…pour le moment. Mais si too much, risquent d’être agaçants. Voire, pénibles.
Pas d’éclairage de ville la nuit dans ce quartier populaire envahi par les flâneurs le soir tombé. Chaque pas est un défi à la chance ou au hasard. L’air est saturé de poussière ocre, troué par les phares des voitures qui ne trouvent pas de stationnement et se garent et s’entassent, au petit bonheur la chance, vous éblouissent l’espace de quelques secondes pour vous renvoyer dans les ténèbres, perdue soudain sur ces trottoirs éventrés comme ceux de Kaboul après un bombardement.
Il y a des pays qui vous font vieillir d’un coup, comme la Thaïlande, avec son éternel ballet de baby-dolls, adolescentes interchangeables, renouvelé chaque saison, comme par magie. L’inde, avec ses femmes grasses ou ascétiques, vous supprime dix ans d’un coup de baguette magique. L’Inde, pays d’hommes, comme la Thaïlande, pays de minettes. Les belles ici, doivent se cacher, ou alors sont enfermées par leur frère ou leur père, ou mariées de force à 15 ou 16 ans, pour ne pas être le déshonneur de leur famille au cas ou elles prendraient le chemin de la ville et de la liberté, avant d’être faite prisonnière par un mari, âgé de préférence. Les pages des journaux regorgent de ces histoires, et la police ne peut pas grand-chose – semble- t il – contre ce fléau des mariages forcés de mineures, tant c’est dans la tradition, dans la complicité… et finalement, dans le silence.
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