Dans une cabane de planches – la maison d’Euletario TERTE – je suis accueillie par les membres de sa famille : sa femme enroulée dans son sarong délavé, ses enfants intimidés et agglutinés autour de leur mère. On me sourit et me fait avancer dans une pièce pleine de philippins en hardes, entassés les uns sur les autres dans un angle de la pièce Ils « attendent leur tour ». Regards obliques au ras des paupières, têtes baissées, enveloppés d’angoisse. Ont-ils peur ? Et moi ? J’avoue avoir plus soif d’expérience que de trouille… et je suis venue pour expérimenter « l’operation à mains nues », vivre l’évènement par moi-même au lieu de seulement de regarder de l’extérieur.
TERTE, fondateur d’une église spirite, est le plus âgé de tous les guérisseurs actuels, leur pere spirituel. Je me suis présentée à lui comme journaliste d’un magazine français, pieux mensonge, pour tenter d’extirper le maximum d’informations. Les guérisseurs opèrent, mais parlent beaucoup aussi…Ego ? Publicité ? « Je veux bien répondre à vos questions » me dit-il « si elles n’ont pas un but publicitaire » ! Tiens donc. Etrange.
Je n’ai pas de mal à le rassurer et lui demande de continuer. TERTE me propose alors, plus pour faciliter mon « reportage » que pour le seconder réellement, de lui servir d’assistante. J’essuie, j’éponge…mais les mains du guérisseur me cachent toujours les éventuelles « plaies ». Je ne peux donc affirmer que les mains « entrent » dans le corps ou l’incisent… A plusieurs reprises j’aperçois, au travers des doigts écartés, un filament de chair qui paraît « traverser » la peau et que le guérisseur tire avec le même effort que celui que j’avais constaté chez PLACIDO.
Lorsque je lui demande de m’examiner à mon tour, (car c’est bien la raison de ma visite), c’est davantage pour satisfaire ma curiosité que pour obtenir de vrais soins… une expérience de plus à l’actif de ce voyage. A sa demande, je m’allonge sur la « table d’operation » – une planche recouverte d’une natte avec, au fond de moi, le vague espoir que TERTE éclate de rire et me dise « Je ne vois rien ». Mais non, il examine mon « aura » comme je l’ai vu faire la veille par d’autres guérisseurs. Ma tête repose sur une bible, comme l’ont fait les autres patients philippins avant moi. Je suis quand même un peu crispée. Operations indolores chez les autres, mais est-ce que chez moi ?
« Relax » ne dit TERTE, si l’esprit le permet je trouverai votre maladie et avec son aide, je vous guérirai. Je n’ai plus peur de l’éventuelle souffrance à présent, mais de quelque chose de plus insidieux…et s’il allait me découvrir une maladie que j’ignorais ? Il m’arrive parfois d’avoir une toute petite douleur du côté droit, quelques élancements sans importance. La transmission de pensée aurait-elle agi inconsciemment ? Aurais-je transmis ces informations de façon télépathique ? En tout cas, TERTE pose immédiatement ses doigts sur le point en question. Etrange. A peine le temps de me poser la question que TERTE me fait signe de me relever. « It’s over » Je le regarde incrédule. Quoi ! Déjà ! Je n’ai même pas eu le temps d’analyser la situation…
« Alors ? » je demande. TERTE me tend une sorte de petit caillou… « Vésicule biliaire » Eh ! Je ne savais même pas que j’en avais une ! Je suis secouée d’un rire nerveux qui me libère de la tension et regarde abasourdie, les yeux agrandis, ce petit bout de terre. Ça vient de moi, ça ? Le premier étonnement passé, je ne pense qu’à une chose : ramener cette étrange preuve à l’hotel, le montrer à Pierre et aux autres, sinon ils ne croiront jamais que j’ai été vraiment « opérée » moi aussi !
Je glisse quelques pesos dans les mains du vieux guérisseur et me sauve en courant jusqu’à la plus proche station de taxi : « Vite ! Hotel Villa la Maja » !
Faut-il faire appel à un autre sens pour comprendre ces phénomènes, cultiver cet ESP (Extra Sensoriel Perception), comme l’appellent les philippins – et qui ne serait autre qu’un 6e sens atrophiée par une vie trop matérialiste ? – Faut-il avoir une foi sans réserve pour accepter sans chercher à expliquer ou ne voit-on que ce que l’on désire voir ? La vérité n’est-elle pas plutôt en ce que l’on croit plutôt qu’en ce que l’on perçoit ?
Et pourquoi les philippins ? « Parce que notre foi est grande » répondent les guérisseurs. « Médecine de substitution » disent les détracteurs. Alors ? Supercherie, tour de prestidigitation ? Mais comment les guérisseurs pourraient-ils cacher toute cette « panoplie » ? Où la dissimuleraient-ils eux qui opèrent jusqu’à 20 personnes à la file sans prendre de repos comme j’ai pu le constater ?
Charlatans, mediums, spirites ? En tout cas, ils ont tous le même discours « : une force spirituelle les habite et agit à travers eux. Ils ne sont qu’instruments. Guérisons psychiques provoquées par la seule force de persuasion ? Par ces « opérations » simulées que les malades « croient » réelles ? Je ne suis pas la seule à me casser le nez sur cette énigme.
Il va donc me falloir aller plus loin…
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