Nous sommes minés par l’incertitude : travail, pas travail ? Retraite pas retraite ? Guerre, pas guerre ? Pourra payer pas payer les impôts ? Même not’président vit dans l’incertitude : Y aller, pas y aller ? Il a pourtant dû avoir une sacrée « hard-on »* la nuit où Obama l’a appelé, lui personnellement. Partir en guerre avec Obama, rien que tous les deux ! Une hard-on qui a dû lui durer toute la nuit, mais le lendemain : flop. Incertitude à nouveau : Obama hésite et va consulter le Congrès, donc les représentants du peuple, tout comme Cameron qui a respecté le refus des députés britanniques. La majorité des français, d’après les sondages est pourtant contre la guerre en Syrie… Mais peut-on encore se fier aux sondages, aux journaux, aux médias ? Donc…. J’y suis allée…
Tout est insécurité, désordre, voire, chaos. Eux, les veilleurs, ils marchent, depuis Rochefort ou Nantes, – pacifiques , tranquilles, avec des certitudes– ils marchent, ils marchaient jusqu’à hier soir pour se retrouver à la Défense puis à la Concorde. Pas de banderole, pas de revendication, pas de signes distinctifs, pas de croix et pas de foulard (Hermès !)
Donc, hier soir, j’ai voulu aller voir. C’est mon droit. Je me promène partout avec ma caméra, pardon mon petit G12 !
Ils avançaient tranquillement par petits groupes depuis la Défense et moi je sortais pile de la station Concorde, comme une bonne dizaine de touristes de toutes nationalités. J’ai tout de suite été prise au piège par une double rangée de mecs baraqués avec jambières, coudières, matraques. Y’allait y’avoir du spectacle ! Et devaient être drôlement dangereux ces promeneurs-veilleurs pour qu’il y ait un tel déploiement de forces de police.
On me refoule d’un côté : « allez du côté des Tuileries ». J’y vais, les grilles se ferment. « Je veux sortir ». « Vous faites partie de la manif ? » « Non, je me promène » « Tant pis, vous devez rester là ». D’accord, je ne suis pas venue ici par hasard, mais d’autres, oui. Des gens s’inquiètent. « Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Pourquoi l’armée ? »
Je téléphone à une amie dans la Sarthe, comme ça, histoire de dire à quelqu’un que je me sens comme une souris prise au piège. Je commence à avoir froid, je suis en tee-shirt, il est 9 H 45. Je parle avec une dame, coincée comme moi. Elle n’est pas veilleuse mais « outrée ». Un homme se fait refouler. « Je vais pisser au milieu de la place » il dit. Je retente ma chance à un autre endroit et là, en plus du cordon policier, c’est un vrai cordon sanitaire qui enferme tous les gens qui se trouvaient là : passants, touristes, promeneurs curieux…. Les veilleurs, eux, sont assis par terre et chantent. Suffit qu’on m’enferme pour que j’aie envie de sortir.
Des chants ou des cantiques montent tranquillement dans la nuit. Les veilleurs prient, chantent, discutent dans le calme en dépit de la pression psychologique des CRS, des camions de police qui tournent, des gendarmes mobiles.
Je tente une discussion avec un des policiers. « Je suis bloquée jusqu’à quand ? » « Jusqu’à ce qu’ils aient terminé. » « Toute la nuit ? » « Peut-être » « Mais je me suis fait squeezée à la sortie du métro » je mens (ce qui est parfaitement vrai en un sens) « J’aimerais rentrer chez moi » « Moi aussi j’aimerais être ailleurs qu’ici » me répond le flic. « Ouais, vous obéissez aux ordres, mais moi je ne suis pas libre ? Et le droit de circuler librement dans ce pays, ça n’existe plus ? Je veux sortir ». « Faut demander là-haut » me dit-il en montrant le ciel du doigt. Ouah demander au ciel !! Je doute qu’il m’écoute. J’insiste : « là-haut c’est quoi, c’est où ? » « La sous-préfecture »… » Une façon de dire que les ordres viennent de là. Je m’éloigne en jurant. En anglais, des fois qu’ils comprendraient et qu’ils pensent que je les insulte. Mais je n’en pense pas moins.
Des cars de touristes sont bloqués de l’autre côté du cordon. Des touristes largués sur les trottoirs s’impatientent. Je me demande où je suis, tout ça a un côté surréaliste. Je ressens un vague malaise dont je sais que je vais sortir, mais tous ces uniformes autour de moi, c’est oppressant, ces CRS et leur allure guerrière : jambes campées bien droites dans leurs bottes et leurs incertitudes… mais oui, ils sont sûrement fifty fifty, obéissent aux ordres, c’est leur gagne-pain. Et puis c’est moins dangereux que de courir après les récidivistes voleurs, violeurs, voyous. Un coup de matraque ici et ils ne risquent pas d’être mis en examen.
Une famille avec trois petits enfants cherchent à sortir. Une petite fille est trisomique. Ils ne sont pas veilleurs, les veilleurs sont assis et chantent. Ils se promenaient par-là, venaient visiter Paris. Ils veulent sortir du piège, les policiers disent d’abord non, puis l’un se ravise en voyant les enfants et dit « on va téléphoner, demander la permission », ce qu’ils font. Téléphonent « en haut ». Permission accordée, je me glisse avec eux et je sors.
Je ne sais pas s’il faut rire ou pleurer. Tout cela est tellement dérisoire.
Je ne veux pas me laisser enfermer, je ne veux pas qu’on me dise ce que je dois et comment je dois penser.
Le métro Concorde est bouclé. Je marche jusqu’à Assemblée Nationale, station complètement désertée, impression d’être suivie. Ridicule bien sûr.
Il y a la guerre un peu partout dans le monde. Not’ président se demande s’il va y aller, pas y aller. Incertitudes toujours. J’y vais avec mon nouveau copain Obama, ou j’y vais tout seul ? Il se rappelle « le plus beau jour de sa vie » lorsqu’il a pris la décision d’envoyer l’armée au Mali. Oh tout seul, quelle gloire ! Donner une leçon à la planète, punir ces méchants…
Je retrouve mon quartier, avec une folle envie de boire une coupe de champagne au Sélect, mais je n’ai que 10 euros sur moi, et une flûte là, c’est 13 euros. Tant pis je boirai un jus de Cranberry chez moi. Je lis quelques tweets… l’insulte, la vulgarité sont de l’autre côté. Les veilleurs sont polis mais ne pensent pas comme vous. C’est interdit ? Ça, c’est une certitude… par ces temps d’incertitudes.
* « hard-on » en argot anglais c’est : érection
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