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Tesis d’Alejandro Amenabar

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Au milieu des années 90, le cinéma espagnol se résume pratiquement à deux figures de proues, Pedro Almodovar et Carlos Saura. L’année 1996 va marquer un tournant, avec une génération de jeunes cinéastes en train d’éclore. Alex de la Iglesia est le premier à vraiment émerger (Action Mutante, 1992), suivit de près par le jeune Alejandro Amenabar, auteur de deux courts-métrages remarqués (Himenoptero en 1992 et Luna en 1995). Le cinéaste hispano-chilien réussit ensuite une entrée fracassante dans la cour des grands avec son premier long-métrage, Tesis, en 1996.

Ana Torrent, héroïne dans les années 70, lorsqu’elle était enfant, de quelques chef d’oeuvres du cinéma ibérique (notamment L’Esprit de la ruche de Victor Erice en 73 et Cria Cuevos de Carlos Saura en 76), interprète là le rôle d’Angela, une jeune étudiante en cinéma et qui prépare une thèse sur la violence audiovisuelle.

Le film ouvre par une annonce dans le métro de Madrid. La rame est arrêtée et les voyageurs sont priés de descendre car un malheureux s’est jeté sur les rails. Le personnel de la RATP espagnole enjoint les passagers à ne pas s’approcher trop près du quai pour ne pas être confrontés à l’horreur. Angela, guidée par une curiosité morbide, passe outre. Amenabar filme en caméra subjective le moment ou près du quai, elle cherche l’angle qui lui permettra de découvrir le cadavre coupé en deux sur la voie. A cet instant, le spectateur lui-même éprouve comme un désir pervers de voir cette image d’horreur. Amenabar détourne cependant la caméra, en même temps qu’un agent saisit le bras d’Angela pour l’écarter du bord du quai. Angela, autant que le spectateur, aura d’autres opportunités tout au long du film pour satisfaire ses pulsions voyeuristes.

Angela est une fausse ingénue. Elle paraît timide, se montre choquée et heurtée lorsqu’elle est confrontée à des images violentes mais elle a choisi délibérément son sujet de thèse, preuve d’un certain goût pervers. Ses recherches l’amènent à rencontrer un autre étudiant, passionné lui par les films extrêmes. Chema (Fele Martinez dans son premier grand rôle), est une caricature du fan de films violents. Il est solitaire, cheveux long, écoute de la musique hard rock, dessine des symboles satanistes sur ses cahiers, et porte un t-shirt représentant l’affiche de Cannibal Holocaust (1). Angela possède elle l’affiche de My Own private idaho. Ils semblent vivre chacun dans deux mondes différents, mais ce n’est qu’une façade.

Le rapport d’Angela à la violence est toujours pulsionnel. Elle a beau être craintive, elle se confronte sans cesse au danger… quitte à fuir au moindre signe perçu par elle comme inquiétant. Par le caractère un peu paranoïaque de son héroïne, Amenabar installe une ambiance trouble et assez malsaine, qui va s’affirmer davantage à mesure que le film se déroule.

Angela découvre l’existence de snuff movies et soupçonne un autre étudiant de les tourner. Bosco (Eduardo Noriega), est beau, séducteur et difficile à cerner pour le spectateur. Angela a t’elle raison de se méfier de lui ? L’ambiguïté du personnage est parfaitement assumé par Noriega, également dans son premier grand rôle (mais qui avait déjà été dirigé par Amenabar dans Luna). Un jeu trouble, dans lequel Eros et Tanathos se mêlent, se joue entre Angela et Bosco…

En implantant le récit de son premier film dans le cadre d’une université, et en faisant de ses personnages des étudiants en cinéma, Amenabar affirme avec une certaine insolence ses ambitions et ses intentions. Dans une scène, un professeur explique à ses étudiants que si le cinéma espagnol fait fausse route, c’est parce qu’il a alors oublié que le cinéma était d’abord une industrie. Les étudiants en face de lui sont l’avenir du cinéma espagnol et ils devront se souvenir de l’essentiel : donner au public ce qu’il veut. D’une certaine manière, Amenabar donne là un coup de pied dans la fourmilière et la démarche de son film est clairement dans cet esprit là. En traitant un sujet morbide et objets à multiples fantasmes, Amenabar cherche à satisfaire le goût du spectateur pour la perversion et l’horreur.

Cependant, malgré sa qualité, Tesis est loin d’être un film parfait. Le film est parfois maladroit, dans sa réalisation et son montage trop elliptique par moment, preuve que le jeune cinéaste de 22 ans est encore en apprentissage. Pour autant, on devine déjà le talent d’Amenabar, notamment pour maintenir un suspens et un vrai climat d’angoisse. Le scénario (de Mateo Gil) est en plus  malin et le rythme bien tenu.

Tesis, d’autant qu’il s’agit d’un premier long-métrage, augure alors de quelques promesses. En 1996, le film peut se voir aussi comme une réponse apportée au cinéma de Michael Haneke lequel, principalement avec Benny’s video en 92 (puis Funny Games en 97), aborde à ce moment là exactement les mêmes thèmes. La démonstration d’Amenabar est plus digeste, parce qu’elle s’intègre à une démarche de divertissement qui titille les bas instincts du spectateur sans chercher à le choquer vraiment ou le faire culpabiliser. Le sens de Tesis est pourtant clair (cf. la dernière séquence) : nous sommes avili et soumis par les images…

Benoît Thevenin

(1) Réalisé par Ruggero Deodato en 1980. La référence à ce film n’est pas anodine. Réalisé à la manière d’un documentaire, Cannibal Holocaust est connu pour ses scènes anthropophages, suffisamment réalistes pour que des plaintes soient déposées et que le réalisateur apporte devant la justice la preuve que ses acteurs étaient bien en vie !


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Tesis – Note pour ce film :

Réalisé par Alejandro Amenabar Avec Ana Torrent, Fele Martínez, Eduardo Noriega, Xabier Elorriaga, Miguel Picazo, Nieves Herranz, Rosa Campillo, … Année de production : 1995 Sortie française le 4 décembre 1996    

Benoît Thevenin

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