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Tous les chevaliers sauvages, de Pacôme Thiellement

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Pacôme Thiellement est un essayiste brillant, un personnage truculent qui, s’il cède souvent à son goût pour la provocation, l’accompagne toujours de culture. Souvent aussi, sa pensée papillonne, jette des passerelles entre plusieurs thèmes en apparence assez éloignés les uns des autres ; pour le lecteur, le suivre n’a rien d’une promenade de santé. C’est bien l’impression que l’on retire de son essai Tous les chevaliers sauvages (Editions Philippe Rey, 192 pages, 17 €).

Ici, le fil rouge, c’est le rire ; pas celui, policé, des humoristes mondains et des révoltés officiels, mais le grand rire, celui qui, sans nécessairement tuer, s’impose comme une redoutable arme de subversion, sinon de destruction massive. Un rire que les princes n’apprécient guère, puisqu’il remet leur pouvoir en question, lorsqu’il ne sape pas les fondations sur lesquelles repose l’ordre social. Pour parvenir à ses fins, l’auteur nous promène toutefois dans des univers si variés qu’il fait appel à des références que tous les lecteurs ne maîtriseront pas nécessairement.  Celles du Japon et de l’éthique samouraï, de la musique de Frank Zappa, de l’humour typiquement américain d’Andy Kaufman.

Heureusement, un autre univers, qui constitue la colonne vertébrale du livre, nous est plus familier : celui du professeur Choron et de Hara-Kiri. Les courtes monographies qu’il croque des principaux membres de la rédaction de ce journal mythique (Choron, Topor, Reiser, Cavanna, Gébé…) méritent à elles-seuls une lecture attentive. Tout comme les pages où l’auteur nous fait revivre cette émission de Michel Polac qui sonna le glas de « l’humour bête et méchant ».

Tous les portraits inclus dans ce livre ne sont pourtant pas flatteurs. Michel Polac fait les frais de sa duplicité ; quant à Philippe Val, Pacôme Thiellement l’exécute d’une phrase, certes longue, mais d’un beau vitriol littéraire :

« Il faut remercier ici un personnage à l’onctuosité étrange, à la pâleur cadavérique, au sourire forcé et au crâne incroyablement osseux, tenant à la fois du prélat et du croque-mort, nommé Philippe Val, dont la seule ligne politique depuis sa jeunesse de petit gars de Neuilly-sur-Seine aura été la haine de Choron, et dont toutes les gesticulations contre-intuitives – de ses médiocres duos gauchistes avec un certain Patrick Font dans les années 70 à son ralliement à quelqu’un que vous connaissez sous le nom de Bernard-Henri Lévy (qui, en 1978, reprochait à Charlie Hebdo de professer un « antisémitisme discret et familier ») comme à son atlantisme délirant des années zéro, de son renvoi brutal de Siné il y a quelques étés jusqu’à son rôle de patron zélé de France Inter – auront eu pour seul objectif, assez admirablement d’ailleurs, d’empêcher de toutes ses forces l’esprit Hara-Kiri de renaître en France entre les années 90 et nos jours. »

L’auteur s’en prend également aux ex-soixante-huitards qui « passé le moment de jeter leur gourme, décidèrent de faire main basse sur l’industrie culturelle, et n’ont encore rien lâché à ce jour. » L’esprit Hara-Kiri renaîtra-t-il ? Ce n’est pas évident, car un certain nombre de ces ex-soixante-huitards se sont évertués, depuis des années, au nom d’une bien-pensance sirupeuse, à verrouiller toutes les issues qui ne conduiraient pas au politiquement correct, à l’humour consensuel – c’est-à-dire à un non-humour ne présentant aucun danger pour leur pré carré. Par le pouvoir de nuisance de ces chevaliers plus blancs que blanc auquel le second degré est par essence étranger, aujourd’hui, les rares intrépides qui pratiquent encore « l’humour bête et méchant », pourtant avec modération, finissent dans les prétoires. Ou comment le totalitarisme mou vient à bout de l’irrespect, de l’ironie et de l’impertinence, ces traditions ancestrales au pays de Triboulet, de Voltaire et de Reiser.

Illustration : Le Professeur Choron, photographie D.R.

Thierry Savatier

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