Tuzla est une ville industrielle située dans le Nord de la Bosnie Herzégovine. Carnet de voyage d’une année en Ex Yougoslavie…
Sur la route de Tuzla
A présent me voici dans le deuxième bus en direction de Tuzla. Avec une nouvelle adresse en poche ! A la gare routière de Byelyina, j’ai demandé à un type où je pouvais changer de l’argent. J’ai payé mon billet en dinars alors que nous ne sommes plus en Serbie…Ca n’a pas l’air de poser de problèmes : nous sommes en République serbe de Bosnie-Herzégovine.
Il m’a dit qu’ici on pouvait payer en euros. Il parlait anglais et a commencé à me poser des questions. Il était vraiment très content de savoir que j’allais faire des études de serbo-croate. Il m’a dit que c’était la première fois qu’il rencontrait une étrangère qui ne déteste pas les Serbes. (Il est de Novi Sad). Comme mon bus n’était qu’une demi-heure plus tard, il m’a invitée à boire un verre avec son ami bosniaque chez qui il va passer la semaine car il vient de se marier. On a discuté un peu. Lui est né en Croatie, mais il est « rentré » en Serbie il y a dix ans, car il ne voulait pas s’engager dans l’armée croate pendant la guerre. Ses parents sont restés là-bas avec sa sœur. Je lui ai demandé si les gens sont différents en Croatie par rapport à la Serbie. Il m’a dit oui : « eux, ils nous détestent, et nous, nous les détestons ». Je lui ai rétorqué qu’il ne pouvait pas les détester puisque sa famille habitait là-bas. « Je ne les déteste pas (les Croates) » m’a t-il répondu, mais avec une moue qui signifiait : « je ne les aime pas pour autant ». Ce qui peut paraître étrange en ex-Yougoslavie, c’est que même si un serbe vit en Croatie, et que ses enfants y naissent ils ont la nationalité, mais ils restent serbes dans leur cœur. Ils restent étrangers pendant des générations, même si à l’œil nu c’est invisible. Ils se côtoient, achètent le même pain, se donnent des coups de main, se marient parfois. Puis arrive un nationaliste par là-dessus qui réveille toutes les vieilles haines, et surtout la peur toujours présente d’être exterminé parce que minoritaires. En Bosnie des Serbes ont tué leurs voisins Musulmans.
Il m’a laissé son adresse pour que je lui envoie une carte postale de France. Et que je vienne chez lui la prochaine fois.
En ce qui concerne la langue, je m’attendais à ce que les Serbes disent qu’ils parlent serbe et les Croates le croate. Mais non, tout le monde était d’accord pour dire que c’est stupide et qu’ils parlent la même langue. Il paraît qu’il y a des Serbes qui marquent sur leur CV qu’il parlent croate langue étrangère et vice versa. Comme si moi je disais que je parle suisse !
Tuzla entre les souvenirs des morts pour la vie et le « cirque »
Lundi 16 Septembre
J’ai été hier chaleureusement accueillie par Milena et son mari. Alice m’avait donné leur numéro, mais je ne les connaissais absolument pas et pourtant ils m’offrent gîte et couvert sans se poser de question.
Milena parle un peu anglais, mais nous essayons de communiquer en serbo-croato-bosniaque, comme elle dit… En bosniaque il y a quelques variantes par rapport au serbe : mlyeko au lieu de mleko (lait)… c’est ce qu’on appelle les dialectes ékaviens (pour le serbe) ou iékavien (pour le croate et le bosniaque) en simplifiant les choses car ce n’est pas tout à fait aussi évident. Bref, en tous cas, pas de quoi chambouler mes constructions mentales !
Hier soir, balade dans le centre-ville avec Sacha, leur fils. Le long du boulevard, les immeubles, les maisons, portent les traces voyantes de la guerre. Il n’y a que moi pour lever le nez et me poser des questions concernant les trous dans les murs. Puis nous arrivons dans le centre-ville, et nous tombons sur une sorte de stèle nichée dans le mur d’une maison. Le texte est éloquent, il a été inscrit là en mémoire des habitants de Tuzla « morts pour la vie ». Sacha avait 14 ans lorsque la guerre a commencé. Ses propos sont sans entrain, sans passion, en ce moment ce sont les élections (ici aussi !) et il appelle ça « le cirque ». 30% des jeunes s’abstiennent de voter, lui dit haïr la politique. Après la guerre, il y croyait, il votait avec conviction, mais ses illusions se sont évaporées comme neige au soleil. Les politiques avaient une chance de faire quelque chose, et ils ne l’ont pas saisie, selon lui.
Son père m’a demandé comment j’ai trouvé la Serbie. J’ai répondu : « Les gens sont sympathiques » Répartie immédiate : « Maintenant , peut-être ». Ils ne sont pas retournés en Serbie, où ils ont de la famille, depuis la guerre, c’est à dire 10 ans.
Comme la France est loin à présent ! C’est comme si j’avais toujours vécu ainsi, allant de famille en famille. En ce moment, je n’imagine pas vivre ailleurs et autrement, même si je sais que la rentrée est pour bientôt. C’est comme si c’était éternel, cet état de fait. Ce que je hais par-dessus tout, c’est quand aujourd’hui devient hier et se transforme en souvenir, s’ensevelissant au fil du temps sous la poussière de ma mémoire défaillante. Mais c’est bien pour ça qu’aujourd’hui est si précieux, n’est-ce pas ? Les mimiques et le sourire d’Atsa me manquent déjà, et j’anticipe Noël, quand je pourrai leur envoyer à tous un cadeau dans un gros colis. De toutes façons, il y a de fortes chances pour que je le vois avant car il vient jouer à Paris. En Octobre. C’est bientôt !
Mardi 17 Septembre
Un peu seule pour changer. Ça fait du bien. Je suis dans le centre-ville de Tuzla, à une terrasse avec une grosse bière pression (y en a marre des bières en bouteille !) et une Drina, les deux drogues de la femme dépravée… Ai pris quelques photos, mais c’est dur pour moi de photographier en public. Dans la rue, pendant que je photographiais la « fabrique » de bière, une jeune fille m’a demandé de l’argent, et je lui ai –difficilement- expliqué que je n’avais sur moi que des dinars serbes. En fait, j’avais un billet de 10 euros et pas de monnaie. Elle m’a demandé de la photographier avec son fils.
Mes photos, en noir et blanc qui plus est, ne sont pas bien gaies à Tuzla. J’ai un faible pour les poubelles, et les immeubles, les rues, tout est délabré et très marqué par la guerre. Je n’ai pas encore osé photographier les traces d’impacts sur les murs. Est-ce que ce ne serait pas déplacé ? Hier soir, je suis à nouveau allée me balader avec Sacha, et nous avons parlé des organismes humanitaires. Passant devant l’agence touristique, je lui ai demandé s’il y avait beaucoup de touristes à Tuzla. Évidemment non. Toute personne achetant un ticket de bus, de train est considéré comme étant un touriste, m’explique t’il en souriant.
«-Mais pendant la guerre, il y en avait beaucoup.
-Ah bon ? Des touristes pendant la guerre ?
-Ils ne se nommaient pas eux-mêmes touristes, mais ils aimaient à dire que leur vie était en danger, que c’était une véritable aventure. Je parle des gens qui venaient faire de l’humanitaire. Ils venaient ici soi-disant pour aider et pour vivre des sensations fortes.
-Moi je n’ai pas vraiment d’opinion sur l’humanitaire. D’un côté je hais la charité post-chrétienne, mais si personne ne fait rien, alors c’est encore pire.
-Je n’aime pas l’humanitaire, mais il est nécessaire. Quand nous n’avions rien, nous ne pouvions pas refuser cette aide.
-Je comprends. »
Je lui ai alors parlé des immenses affiches que l’on peut voir en France en ce moment, contre la famine en Angola : une photo d’une mère avec son enfant, et la phrase qui tue : Aidez-nous à les sauver. Les sauveurs. Voilà bien ce que l’Occident pense être pour ces pauvres peuplades arriérées qui ne savent rien faire d’autre que de mourir de faim tout en trouvant encore la force de s’entretuer et de poser pour la photo. Les sauveurs de l’Humanité. On a inventé mieux que Jésus. Maintenant nous sommes tous des Dieux Humanitaires. Les pauvres petits Noirs qui crèvent de faim, si seulement ils connaissaient la joie de dévorer un hamburger. Ils en sont encore à 0.0000001% d’obèses, comme ils sont loin d’être civilisés ! Tiens, un peu de coca ! Mais donnez-leur la main, ils vous mangeront le bras ! Plutôt que de nous remercier, ils détruisent nos tours et vénèrent d’étranges divinités ! Nous, au moins, nous savons que le Dollar et l’Euro sont les seuls dieux justes. Si vous n’arrivez à rien dans la vie, c’est votre faute, vous ne les avez pas assez vénérés.
C’est drôle, mais mes discussions avec Sacha se dirigent systématiquement vers la guerre ou la politique. Mais je ne pose aucune question que j’estime ne pas avoir le droit de poser. Quand nous épuisons un sujet, je lui parle de mes voyages, de mon goût pour la culture et pour les rencontres. Échanger. Cela se résume à ce verbe. La culture n’a qu’un but et les rencontres idem : la communication. Qu’y a-t-il de plus important ?
Je pense m’en aller demain, je n’ai plus rien à faire à Tuzla, je m’y suis baladée hier pendant plusieurs heures. Ce soir, normalement je vois Damir, un ami d’Alice. Il faudrait aussi que j’appelle la gare de Sarajevo pour savoir s’il y a des bus à destination de la France, et quand. Je pense aller à Sarajevo demain, je ne sais pas exactement ce que je compte y faire. Je commencerai par le centre culturel français, où Alice connaît le directeur, et Rouzmir, un type qui y travaille. J’aimerais aussi aller quelques jours à Dubrovnik, en Croatie, mais je vais manquer cruellement d’argent, à moins d’en retirer, je ne sais pas.
Mercredi 18 Septembre
J’ai regardé un morceau d’une cassette vidéo tournée au tout début de la guerre, ici à Tuzla. On peut voir le commencement des hostilités dans la ville, à un carrefour qui se trouve à 5 minutes à pied de l’immeuble de Milena et sa famille. On voit l’armée Yougoslave quitter la ville, suite à l’indépendance du pays. Les longues colonnes de camions militaires, de tanks, etc. défilent pendant de longues minutes. Il n’y a pas âme qui vive dans la rue. Puis, soudain, on entend des tirs de je ne sais quoi, des mitraillettes sans doute, qui viennent d’on ne sait où. Personnellement, je pense que c’est la police Bosniaque qui a commencé à tirer, car l’armée Yougoslave n’avait pas intérêt à tirer à ce moment-là. Miki me dit qu’on ne sait pas qui a commencé. Mais peu importe. Les tirs continuent, de nombreux camions sont dégommés, contenant des tonnes d’explosifs. Toute la nuit, les caisses explosent, les camions brûlent. Les explosions atteignent les immeubles proches, certains appartements brûlent. C’est le début de la guerre, du moins pour Tuzla, nous sommes le 15 Mai 1992. Malheureusement, la suite de la cassette est inintéressante pour moi qui ne comprends pas encore la langue.
« » »Tuzla est une ville de République serbe de Bosnie, située dans le Nord de la Bosnie. En Srpska Republic, l’ambiance est assez étrange et même différente de celle de la Fédération croato bosniaque » » »
1. la phrase ci-dessus est fausse : Tuzla est le « chef-lieux » du canton et elle fait bien partie de la Fédération croato bosniaque !!!
« » » »Personnellement, je pense que c’est la police Bosniaque qui a commencé à tirer, car l’armée Yougoslave n’avait pas intérêt à tirer à ce moment-là » » » »
2. la phrase écrite par cette fille n’a pas lieux d’être ; Par ailleurs, si j’ai une réponse je prouverai avec des témoignages de qui est agressé et agresseur ! et cela en toute objectivité Madame !!!
Bonne récéption !
Madame,
Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre « goût du voyage » et vos indégniables qualitées littéraires. Je souh