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Un crime au 209 ?

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Jeudi soir, une soirée comme une autre…Il est un peu plus de minuit, mon « chéri » extrait d’un tiroir, une tenue blanche : pantalon et chemise immaculés. J’interroge du regard. « Demain, c’est « wan phra », jour des moines, je dois aller de bonne heure au marché acheter de la nourriture et ensuite aller au temple faire « tham boon » »

Bien sûr la musique ou plutôt les musiques extérieures assurent leur cacophonie habituelle depuis les bars et boîtes branchées pour jeunes thaïs. A ciel ouvert. Le son monte, envahit tout, d’autant que nous sommes en saison fraîche et du coup la porte-fenêtre est entr’ouverte sur le Doï Suthep et un bananier ramassé sur le bord de la route en train de prendre des proportions incontrôlables. La TV crachote son énième soap-opéra de la journée. Des cris tout à coup dominent musiques techno et dialogues débiles et ils ne viennent ni du soï ni de la TV. « Une dispute du couple next door » Le ton monte… et ce n’est pas une dispute a égalité homme/femme.. c’est un homme qui hurle et une femme soumise qui supplie.

Je commence à m’inquièter car visiblement ce n’est pas un retour de bar où l’homme  tel un personnage de Zola se met à battre sa femme parce qu’il est « bourré », non, mes voisins sont un couple jeune, lui est interne (il rentre souvent en blouse blanche), fils à papa avec un bel appartement, une voiture de luxe et l’arrogance qui va avec. Le genre à ne pas saluer, ne pas répondre à  mes « sawaï dee », ni à remercier lorsque je tiens ouverte la porte d’entrée de l’immeuble. Libre à moi de « m’abaisser » !

Des hommes qui battent leur femme, c’est chose courante en Thaïlande (mais si, au pays du sourire beaucoup plus qu’au pays des gens font la g…..), l’alcool souvent, la jalousie ensuite ou inversement. Toujours cette suprématie du masculin sur le féminin, du moins dans les milieux défavorisés. Mais apparemment pas seulement. Mes gestes sont suspendus. Mon souffle aussi, car le niveau de la querelle de l’autre côté du mur s’intensifie crescendo avec déplacements de meubles, objets volants non identifiés qui « binguent » sur la cloison… et la voix du mâle devient menaçante tandis que celle de la femme se fait de plus en plus suppliante.

J’oublie tout ce que je sais de la façon de vivre en Thaïlande… « Occupe-toi de tes affaires et tout ira bien »… A mon tour de hurler à mon compagnon ;’Une femme est en danger, il faut faire quelque chose». Il se lève mollement. Il est sage et a beaucoup appris de la vie dans ses différents postes, il a côtoyé la violence, la drogue, la prostitution, il a même dirigé une école dans certains endroits réputés dangereux avec un flingue d’un côté et un talkie-walkie de l’autre, poste que l’on ne confiait pas à des mauviettes !

J’ai le cœur qui bat la chamade. Je ne peux accepter l’idée qu’une femme est en train de se faire massacrer par un étudiant en médecine qui doit bien se foutre de savoir où il faut taper sans laisser de trace « elle n’ira pas porter plainte s’il la laisse en vie… car (et là ce sont mes déductions de nana qui observe en permanence), elle m’a l’air d’une petite « souris » (terme gentil en Thaïlande) qui a décroché un fils de famille, alors elle encaisse. En suppliant.

Je sors de l’appartement suivi par mon compagnon. C’est la moindre des choses, il a été champion de « muay thaie » après tout. A côté, la fille hurle et pleure : « Non, pas ça.. » et tout à coup, le bruit d’ une bouteille qu’on brise sur un évier. Eclats de verre… Mon chéri à mains nues contre un cinglé avec un tesson de bouteille, Mais on ne peut reculer. Mon cœur cogne à me défoncer la poitrine, je tremble pour mon ami. Va-t-il frapper à la porte ?  Personne dans le long couloir ambiance Shinning. « J’appelle la police ? » « Tu rêves ! » « La sécurité alors ? » « Encore moins, tu veux leur faire perdre la face ? » « Alors quoi, on la laisse se faire égorger ? »

Apres un ultime cri, une ultime supplication et des pleurs, tout s’arrête d’un coup.

« On rentre » me dit mon ami. « Elle n’a pas appelé au secours, alors on n’intervient pas ».

Ce matin, alors qu’il est au temple, en tenue immaculée pour  » acquérir des mérites » pour sa vie future, je descends au bureau et demande à une des responsables du «  juristic person » (oui ça veut dire « responsable morale » selon le dictionnaire) « est-ce que le propriétaire du 209 est médecin ? » « Non » me répondit-elle. Son père est médecin. Il a acheté l’appartement pour son fils étudiant en médecine » « Oh !! Je voulais juste savoir si en cas de malaise, je pouvais me permettre de taper à sa porte ! »

Blog _9134

Michèle Jullian

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