Butch Haynes (Kevin Costner), un voleur récidiviste, et Terry Purgh, son compagnon de cellule et véritable psychopathe, réussissent à s’échapper de prison. Ils pénètrent une maison et kidnappent un jeune garçon qui sera leur otage. Le marshall Red Garnett (Clint Eastwood) et la jeune criminologue Sally Gerber (Laura Dern) se lancent à leur poursuite à travers le Texas. Butch tue Terry parce qu’il effraie le garçon et manifeste des intentions troubles. Le cadavre du criminel est bientôt trouvé…
Si Un Monde parfait déroule en premier lieu une véritable histoire de filiation, le film est à mettre en perspective selon l’angle d’une réalité historique, celle de l’attentat contre Kennedy en 1963 à Dallas. Un Monde parfait est aussi typiquement un film d’Eastwood.
Butch n’est pas franchement un mauvais type. Son parcours plaide contre lui, mais la personne qu’il est ne correspond pas au portrait que l’on peut se faire de lui, à l’exemple des autorités qui le pourchasse. Butch à tué son beau-père lorsqu’il était enfant, pour protéger sa maman qu’il violentait. Il a aussi tué Terry, mais cette fois pour protéger l’enfant. Dans la mesure ou l’empathie pour le personnage de Butch est forte, à tel point qu’on le déculpabilise naturellement de ses meurtres, Un Monde parfait s’inscrit dans droite continuité des films d’Eastwood. Le schéma récurrent dans sa filmographie (depuis son premier long-métrage de cinéaste, Un Frisson dans la nuit en 71 à son dernier en date à ce moment là, Impitoyable en 92) consiste en une figure protectrice et toute puissante qui au nom de la justice à droit de vie ou de mort sur les criminels.
Dans Un Monde parfait, Butch est montré certes comme un criminel, mais sa nature malfaisante ne prend pas le pas sur sa dimension paternelle et affective. C’est en effet une véritable relation père/fils qui se crée entre Butch et le petit Philip. Butch n’a jamais eu de fils et Philip vivait jusqu’alors avec sa seule maman. Dans sa cavale, Butch présente l’enfant comme son fils, ce qui n’est qu’une question de bon sens. Il est d’autant plus aisé de faire croire à ce lien que Butch et Philip s’entendent particulièrement bien. L’enfant n’est jamais menacé et trouve en son ainé un exemple auquel se raccrocher. La filiation s’opère effectivement, jusque dans sa dimension la plus extrême.
Le temps de la cavale, le très timide Philip va voler et tirer à bout portant sur une personne. Ce que lui apprend Butch n’est rien d’autre que le sens de la justice impitoyable qu’Eastwood développe film après film. Le vol est légitimé dans un discours ou Butch dit à l’enfant qu’il est normal de payer le juste prix des choses mais que si l’on a pas l’argent pour s’offrir ce que l’on convoite, il est aussi normal de s’en emparer. « C’est un emprunt» dit il. De même, lorsque Philip appuye sur la gachette, il s’agit pour lui de défendre une famille innocente et menacée. Il suit l’exemple de Butch lorsqu’il tua son violent beau-père quand lui même était enfant…
L’histoire d’Un Monde parfait n’est pas seulement affaire de morale un brin tendancieuse, ou en tout cas emblématique des moeurs souvent discutées de Clint Eastwood. Le cinéaste a choisit d’implanter son récit dans le cadre des campagnes du Texas et dans les jours d’automne de l’été 1963. Le 22 novembre de cette année là, le président John Fitzgerald Kennedy était assassiné par un tireur d’élite à Dallas, l’une des plus grosses villes de l’état du Texas. Le contexte choisit par Eastwood n’est évidemment pas innocent.
Le cinéaste est semble t’il, à ce moment là, particulièrement intéressé par cet épisode douloureux de l’histoire moderne américaine. Entre Impitoyable (92) et Un Monde Parfait, Eastwood apparaît en héros de Dans la ligne de mire (93) de Wolfgang Petersen. Il y incarne un ancien agent des services secrets traumatisé de n’avoir pas réussit à empêcher la mort de Kennedy.
Ce n’est alors peut-être pas un hasard si Eastwood à choisi Costner – lequel a deux ans plus tôt incarné le procureur Garrison dans le JFK d’Oliver Stone (91) – pour jouer l’anti-héros de son film. Le final est en plus une allusion assez évidente au drame de Dallas, avec un personnage désarmé et abattu par un tireur d’élite, alors qu’autour de la victime les témoins sont totalement impuissants.
Le final est à ce titre bouleversant. Eastwood dramatise autant que possible l’action à tel point qu’il est difficile de rester insensible à ce qui se joue, sauf à être réfractaire à cette logique tire-larme, assez peu pudique et que l’on voit se mettre en place assez facilement. Road movie policier, cavale initiatique, Un Monde parfait finit par devenir un véritable mélo, genre dans lequel Eastwood va s’épanouir davantage un peu plus tard, et dès son prochain long-métrage de cinéaste, Sur la route de Madison (95).
Benoît Thevenin
Un Monde parfait – Note pour ce film :
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