Avec une Affaire d’Etat, Eric Valette dont le nom est reconnu quand il s’agit de cinéma d’horreur, signe un thriller politique implacable… Entre l’explosion d’un avion chargé d’armes au dessus du Golfe de Guinée et le meurtre d’une call girl à Paris, peu de rapports a priori. Pourtant, une enquêtrice aux méthodes peu orthodoxes n’hésite pas à défier sa hiérarchie pour faire la lumière…
Dès que l’on évoque la question du cinéma d’horreur français, le nom d’Eric Valette surgit. Il est le contre-exemple, celui qui a peut-être le mieux réussit à offrir au public un film efficace et qui tient debout (Maléfique, 2002). Pour son premier long-métrage, le cinéaste toulousain a frappé un assez grand coup, suffisamment sourd en tous les cas pour que les pontes de chez Alcon Entertainment valide son billet d’avion jusqu’à Hollywood.
Le danger pour les réalisateurs inexpérimentés est de se laisser broyer par le système de production américain, ou chaque personne sur le plateau est confiné à sa juste place, ou les producteurs rivalisent de pertinence ou d’impertinence pour faire aller le metteur en scène là ou il n’a pas prévu d’aller. Bref, comme beaucoup d’autres avant lui, comme beaucoup d’autres après lui, Eric Valette n’a pas tellement eu son mot à dire pour son remake de La Mort en ligne, thriller fantastique japonais dans la lignée de Ring et réalisé par Takashi Miike. L’original est déjà un peu bancal mais fonctionne tout de même bien, parce que Miike est un cinéaste suffisamment audacieux pour qu’aucun de ses films ne soit banal. Eric Valette n’a pas su relever le niveau et il est revenu la queue entre les jambes se refaire une réputation à la maison (non sans avoir été un temps annoncé pour l’adaptation du jeu vidéo Clock Tower).
Avec Une Affaire d’Etat, Valette se voit offrir la chance de prouver que sa réussite avec Maléfique n’était pas anodine. Après le fantastique, il s’attelle à un autre genre, le thriller politique, hélas plus à la mode depuis un moment déjà en France, alors que Boisset ou Costa-Gavras ont démontré un savoir-faire local (certes, à une époque (les 70’s) ou ce type de films étaient particulièrement en vogue de l’autre côté de l’Atlantique).
Eric Valette est incontestablement plus à l’aise lorsqu’il travail en France. Une Affaire d’Etat est en tout cas une vraie réussite, une nouvelle à placer à son actif. Le film sort au moment ou l’Angolagate resurgit dans les médias à faveur de la condamnation en justice en octobre dernier de l’ancien ministre de l’intérieur Charles Pasqua. La juxtaposition de cet événement médiatique avec la sortie du film permet au minimum d’alimenter une certaine curiosité. Pour autant, le film de Valette n’est ni à thèse, encore moins à charge, ni d’utilité publique. Le film remplit la seule fonction que l’on s’attend qu’il remplisse : il est un bon divertissement, bien ficelé, réalisé efficacement et avec des comédiens qui tiennent parfaitement la baraque. On peut éventuellement reprocher la relative prévisibilité du scénario mais on peut tout aussi bien se laisser happer par le rythme, idéalement tenu.
A travers Une Affaire d’Etat, titre qui véhicule à lui seul quelques petits fantasmes, Valette visite les arcanes du pouvoir, établit ce qu’il faut de basses œuvres réalisées en sous-mains, de complots ourdis par les puissants etc. Ce qui est intéressant, réellement même si cela peut paraître anecdotique, c’est que Valette réussit à planter sa caméra dans les bureaux même de l’Elysée (reconstitués bien sûr). Ca n’a l’air de rien, mais c’est un véritable indice de la santé du cinéma de genre français, une preuve de la perte de certains complexes.
Dans le cinéma américain, il n’existe peut-être pas de lieu plus filmé et facilement identifié par l’œil de n’importe quel spectateur dans le monde, que le Bureau Ovale. Il est le théâtre d’où ce joue nombre de thriller. L’Elysée, à l’inverse de la Maison-Blanche, est un lieu dissimulé et absolument pas cinématographique. On imagine pas un plan large du bâtiment présidentiel français. Pour cette raison, et pour d’autres encore plus, les cinéastes peinent à poser leurs mises en scènes dans et autour du palais. Ce n’est pas ce détail qui explique le peu de films d’action produit chez nous. Dès lors que des réalisateurs s’invitent dans le bureau du président français, osent le faire puisque l’initiative est rare, on se dit que soudain le champ est ouvert pour un véritable déploiement de l’intrigue.
En l’occurrence, Eric Valette arrive à développer une intrigue relativement complexe, ou se mêle plusieurs sphères. Espionnage, manœuvres politiques, enquête policières, tout ceci se chevauche, et plutôt habilement on doit le dire. Valette réussit un film nerveux et ponctué de quelques séquences fortes (la mort inattendue d’un policier), pour un résultat plus qu’honorable. Le cinéaste confirme ainsi ses excellentes dispositions pour le cinéma de genre.
Dans son sympathique court-métrage Il est difficile de tuer quelqu’un, même un lundi (2000), le personnage joué par Jean-Paul Rouve ambitionne de marquer l’Histoire en devant tueur en série. Selon sa théorie, les serial-killers français sont des tueurs minables. Il y a une place à prendre. On peut se laisser aller à un raisonnement similaire pour le cinéma de genre français (horreur, fantastique, action, thriller…). Sans doute y’avait-il en 2000 une place à prendre. Beaucoup s’y sont essayés depuis, et certains sont de très bons candidats (Aja, Siri, Laugier). Eric Valette à lui aussi des arguments à défendre…
Benoît Thevenin
Filmographie d’Eric Valette :
2000 : Il est difficile de tuer quelqu’un, même un lundi (c.m)
2003 : Maléfique
2006 : One missed call
2009 : Une Affaire d’état
Avec Rachida Brakni, André Dussollier, Thierry Frémont, Gérald Laroche, Christine Boisson, Jean-Marie Winling, Serge Hazanavicius, Elodie Navarre, Denis Podalydès, Eric Savin, HPG, Jean-Michel Martial, Laurent Bateau, Philippe Magnan, …
Année de production : 2008
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