Angela veut un enfant. Elle pourrait vouloir une machine à laver ou tout autre chose mais non, c’est un enfant qu’elle désire, et pour tout de suite maintenant. Que voulez-vous, une femme est une femme… Après A bout de souffle et Le Petit Soldat, Jean-Luc Godard signe à la fois un de ses films les plus léger et le premier en couleur. Peut-être faut-il y deviner… les conséquences de l’amour, tout simplement.
Anna Karina et Jean-Luc Godard sont tombés amoureux pendant le tournage à Genève du Petit Soldat, et on a l’impression effectivement d’être sur un petit nuage tant le film nous enchante par ses multiples audaces, son inventivité et sa grande vitalité.
Le film se déroule intégralement dans un cercle circonscrit tout au plus à quelques immeubles d’un même quartier parisien, et même pour grande partie dans le salon d’un seul appartement. Angela y vit avec Emile. Alfred, un ami du couple est amoureux d’elle. Angela veut un enfant, mais Emile n’en veut pas, et ne la prend pas au sérieux. Alfred se pose lui moins de questions…
Godard considérait ce film comme son premier véritable, de la même manière que Truffaut estimait lui que sa carrière de cinéaste débutait vraiment avec Jules et Jim. On note d’ailleurs que le ménage à trois commence à être une thématique récurrente du cinéma estampillé Nouvelle Vague. Outre Jules et Jim, on aura quelques années plus tard Bande à part, pas Godard aussi, ou encore La Maman et la putain par Jean Eustache. Les réalisateurs emblématiques du jeune cinéma français des années 60 se seront ainsi essayés à raconter l’amour pluriel, mais sur un ton à chaque fois très différents les uns par rapport aux autres.
Une femme est une femme se caractérise par son caractère enlevé et son impertinence. Godard mélange les genres (théâtre, cinéma, music-hall, comédie musicale), transgresse quelques tabous de l’époque notamment en confèrent au personnage d’Angela une frivolité, un caractère déterminé, un esprit libre, qui tranchent radicalement avec l’image connue jusqu’alors de l’épouse soumise. L’amour à trois, on a connu sujet plus consensuel, d’autant qu’Angela gagne sa vie seule en travaillant comme stripteaseuse dans un cabaret. Elle n’a pas plus de pudeur à s’affirmer face à Emile lorsque ca devient nécessaire à ses yeux.
Le film nous emporte tel un tourbillon d’images et de sons. Une Femme est une femme est un véritable patchwork et contient une somme d’idées toutes plus farfelues les unes que les autres mais qui gonflent à chaque fois l’énorme capitale sympathie de cette jolie fantaisie. Les personnages communiquent en se jetant à la figure presque littéralement quelques livres, usent généreusement de jeux de mots et calembours, adressent des clins d’oeil à la caméra, s’autorisent quelques allusions directes aux films de la Nouvelle Vague (exemple : Belmondo demande à Jeanne Moreau, de passage dans le film, comment vont Jules et Jim ce à quoi elle répond Moderato, en référence au film (Moderato Cantabile) qu’ils ont tournés ensemble sous la direction de Peter Brooke l’année précédente…)
Le charme opère constamment, c’est un véritable bonheur, un film frais, revigorant et totalement insouciant, ou presque.
Benoît Thevenin
Une Femme est une femme – Note pour ce film :
Réalisé par Jean-Luc Godard
Avec Anna Karina, Jean-Paul Belmondo, Jean-Claude Brialy, Jeanne Moreau, Marie Dubois, …
Année de production : 1961Sortie française le 6 septembre 1961
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