Un groupe d’ami en quête d’aventure se lancent à l’assaut d’une via ferrata en Croatie. Tous ne sont pas des alpinistes chevronnés, certains sont là pour vaincre leur trauma. L’expédition ne sera évidemment pas une partie de plaisir, sinon à quoi bon un film…
Sorti en plein coeur de l’été en salle, Vertige, premier long-métrage d’Abel Ferry, n’était pas forcément attendu au tournant. Le réalisateur réussit là ou tant de français se sont souvent fourvoyés dans le genre et livre un film modeste mais pour autant pleinement efficace.
Vertige peut se voir comme rien de moins que l’antithèse (presque) parfaite à The Descent, le chef d’oeuvre de Neil Marshall que l’ont tient ici pour le plus grand film de frisson de la décennie. Le film de Ferry ne se hisse pas à sa hauteur, souffre d’une seconde partie plutôt bancale, mais ménage malgré tout pendant une bonne partie du récit une vraie tension, du genre comme on la ressent rarement au cinéma.
Si Vertige est l’antithèse à The Descent c’est au moins pour la trajectoire empruntée par les groupes de personnages respectifs. Très simplement, dans The Descent les héroïnes… descendent, quand dans Vertige le groupe grimpe les montagnes. Raccourci facile ? Non, pas tout à fait. La prouesse de Neil Marshall, c’est d’avoir réussi à transmettre cette impression d’asphixie que les personnages ressentent à mesure qu’ils descendent dans la grotte et que l’oxygène se raréfie. Abel Ferry réussit lui à nous étourdir chaque minute davantage dès lors que ses héros escaladent les parois. Cela tient pour grande partie au caractère exceptionnel des paysages arpentés par les alpinistes, perdus dans l’immensité d’un décor sur lequel ils n’ont que peu de prises, au sens propre. Grand angle, courte focale, plongée et contre-plongée, vues subjectives Ferry récite avec plein de bon-sens et une certaine habileté la grammaire visuelle quelque peu imposée par le contexte.
Dans la première moitié, le suspens est au rendez-vous, avec le spectateur qui marche sur un fil en même temps que les protagonistes, et la tension culmine lors de la traversé d’un pont fragile reliant deux vallées. La scène en elle-même n’est pas d’une folle originalité mais elle est gérée magistralement pour une tension maximale.
Le problème qui se pose à Ferry est ensuite dès plus simple. Son film ne peut décemment pas tenir 1h30 avec comme seul source d’angoisse, cette notion de vertige. On en arriverait à un point ou le film ne surprendrait plus et étourdirait encore moins. La difficulté à laquelle se heurte le réalisateur est la même que celle à laquelle se confronte Neil Marshall. Dans The Descent, le groupe de spéléo ne peut pas éternellement descendre. Il arrive un moment ou l’action doit rebondir et chacun des deux réalisateurs oriente son récit vers une rencontre fatale. Dans The Descent, les héroïnes affrontent des créatures souterraines, dans Vertige, les alpinistes éprouvés se retrouve face à un abominable homme sauvage à l’appétit affirmé pour cette nouvelle chaire fraîche.
C’est là ou Ferry perd un peu le fil de son intrigue et de la tension jusqu’alors savamment entretenue. Là ou Marshall insufflait à son récit une dose de psychose paranoïaque, Ferry opte pour une lutte plus directe, sans ambiguité morale. L’ennui, c’est que nos alpinistes sont forcés d’affronter un homme sauvage assez grotesque et pas vraiment terrifiant. On se retrouve impliqué dans une sorte de survival très classique, aux limites de la parodie, et qui rappelle sans doute trop Massacre à la tronçonneuse. Cette partie là du film est clairement un ton en dessous de la première, la tension chute, mais on se laisse surprendre par quelques pics de violence bienvenues.
Au final, Vertige nous abandonne à un sentiment de frustration, car on ne parvient pas à se satisfaire vraiment de cette direction prise par le récit. Pour autant, le film fonctionne très bien, avec des personnages qui interagissent de manière intelligente, confrontés qu’ils sont à des situations extrêmes ou il est aisé de comprendre que l’on puisse péter les plombs. On ne boude pas notre plaisir, on se refuse pour cette fois à être trop gourmand. Vertige est une vraie bonne surprise, comme le cinéma de genre français nous en offre rarement. La réussite est d’autant plus louable qu’Abel Ferry réalise là son premier long-métrage. On espère que rendez-vous est pris avec l’avenir. En tout, cas on scrutera avec attention ce que Ferry voudra bien nous offrir ensuite.
Benoît Thevenin
Avec Fanny Valette, Johan Libéreau, Raphaël Lenglet, Nicolas Giraud, Maud Wyler, Justin Blanckaert, …
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