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Vivre en Thailande : La mousson, « ma saison préférée »

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Tout comme les nuits et les souvenirs, les journées collent à la peau. Les nuages gorgés d’eau emplissent les rizières-miroirs qui reflètent un ciel violet de colère. Pieds dans l’eau, tête sous soleil qui cogne, les Isan pataugent dans la boue visqueuse pleine de promesses des rizières.

« La mousson a fait son arrivée depuis quelques jours. Des orages fulgurants traversent le ciel, généralement vers six ou sept heures le soir.  Les nuits sont mouillées, moites, de vraies nuits tropicales comme je les imaginais en lisant Jean Hougron à seize ans. Livres de vraies aventures dans lesquelles les hommes s’enlisaient dans le trafic illicite de l’or ou de la piastre, ou s’amourachaient de femmes aux gestes obliques  masquant si bien leur pudeur. Hougron m’a longtemps fait rêver de ces pays où la lumière scintillante blesse le regard, où les rires sont aigus et le bonheur à fleur de chair ! Aujourd’hui, ce ne sont plus les aventuriers qui vivent sur ces terres un peu barbares, les « Asiates » de l’époque coloniale sont aujourd’hui rentiers belges, anglais,  ou vétérans américains  des guerres  du Vietnam, mariés à d’anciennes serveuses de bar de Patpong ou Pattaya. Les belles canailles d’autrefois sont à présent des retraités ou des backpackers qui « font » la Thailande, le Laos, le Cambodge et le Vietnam en 3 semaines,  et moi, l’aventurière chevauchant un camion-citerne reliant, en pleine guerre, Vientiane – Luang-Prabang, j’enseigne à présent le français, en jupe longue, à des élèves pour qui cette époque n’évoque aucune émotion ».  

 

 Extrait de mon journal, 25 mai 2005

Tout comme les nuits et les souvenirs, les journées collent à la peau. Les nuages gorgés d’eau emplissent les rizières-miroirs qui reflètent un ciel violet de colère. Pieds dans l’eau, tête sous soleil qui cogne, les Isan pataugent dans la boue visqueuse pleine de promesses des rizières. Ils plaisantent et rient. Eux n’ont sûrement pas changé depuis l’époque des frontières incertaines entre Laos Cambodge et Vietnam. Pour toutes ces raisons, la saison des pluies est   « ma saison préférée », celle qui donne la vie et réveille la mémoire ».La Thaïlande est un pays fluide, comme les Thaïlandais,  aussi insaisissables que l’eau des « khlongs » qui sillonnent leur pays. Rien de bien surprenant, on les a toujours considérés comme le « peuple de l’eau »

 recolte du riz mousson
.. A l’époque des échanges d’ambassades entre Louis XIV et le roi Naraï, les Français regardaient avec condescendance et mépris ce petit peuple à la peau brune qu’ils osaient qualifier de « barbares » parce qu’il se lavait trois fois par jour.  Fiers et hautains, ils devaient puer les Français sous leurs lourds vêtements de drap et leurs chapeaux emplumés, eux qui ne se décrassaient sûrement pas plus d’une fois par semaine ! Ce détail de la petite histoire a profondément marqué les esprits des Thaïs dont celui de Ek, pour qui – encore aujourd’hui – le Français est définitivement quelqu’un de sale.
 

Je tente d’expliquer que non ! « Aujourd’hui, le Français se lave bien une fois par jour » ! « C’est bien ce que je dis ! » me réplique méprisant à son tour mon assistant. « Une fois par jour ! » Et encore n’ai-je pas tout dit sur l’hygiène douteuse de certains de mes compatriotes qui ne fréquentent guère plus leur salle de bains que ne le faisaient leurs aïeux à l’époque illustre de Versailles.

« Ap naam!  Ap naam! » (A la douche, à la douche!)  Me criait Ek après chaque prise de vue lors du tournage du documentaire, de peur sans doute que je n’imite moi aussi mes ancêtres franchouillards. Mais sur ces ancêtres il faudra que je m’explique un jour, car mes origines (croisement d’un émissaire Siamois et d’une « vilaine » calaisienne) sont très captivantes, même si elles restent douteuses, en dépit de mes recherches dans les « plumitifs de la mairie de Calais. Mais revenons à l’eau, source de toute origine.

 

Sumset Jumsaï, architecte original, doté d’un sens de l’humour peu commun, détient une théorie plutôt insolite sur les origines de son peuple. Il s’en est d’ailleurs expliqué dans un livre intitulé « Naga, cultural origins in Siam » Il y observe que presque tous les mythes et symboles de son pays sont représentés par un animal fabuleux, mi-serpent, mi-dragon, appelé  « Naga » Ce reptile sacré, génie des eaux,  vraisemblablement d’origine indienne, est présent dans tous les temples et pagodes du royaume, comme élément d’architecture. Jumsaï soutient que la culture thaïe a été enfantée dans l’eau, à l’opposé des cultures Môn, Khmère ou Occidentale, engendrées, elles, sur la terre ferme. Opposition intrigante et fascinante que cette théorie de l’origine amphibienne du Thaï ! Justifiée ou non, elle mérite quelques réflexions… très personnelles !

 
 
 

Comment les Thaïs sont-ils passés de cet état quasi aquatique d’origine, à l’état d’automobilistes et de motocyclistes d’aujourd’hui ? Par quels états intermédiaires ? C’est bien connu, les Thaïlandais ne marchent pas. Ils n’aiment pas ça du tout ! Je ne veux pas dire qu’ils évoluent « reptilement » (encore que ! Il n’y a pas si longtemps, ils marchaient à quatre pattes devant leur seigneur et roi) non, mais ils ne se servent que très rarement de leurs jambes ou de leurs pieds – qu’ils considèrent comme vulgaires – excepté pour changer les rapports de vitesses de leurs voitures ou de leurs motos. La rue non plus n’est pas faite pour le piéton ! Il faut être « farang » pour s’y aventurer et surtout oser la traverser.  Il faut venir d’une autre planète pour  parcourir des  kilomètres  à pieds sous le soleil ! Si l’on ne possède pas d’engins motorisés, reste tous les transports en commun à deux, trois ou quatre roues : samlor, tuk-tuk, songthaeaw ou autres bus de taille, de qualités et de sécurité diverses.

 

Regardez bien un Thaïlandais que l’envie prend d’aller acheter un paquet de cigarettes dans une boutique située « juste » en face de chez lui… ou plus probablement une bouteille de whisky ! Il enfourchera systématiquement sa moto pour rejoindre le plus proche carrefour à deux ou trois kilomètres de là, où il effectuera un superbe demi-tour, pour revenir à l’exact opposé de son point de départ. L’Européen, lui, aurait traversé tout bonnement avec ses deux jambes et ses deux pieds. Oui, mais à quels risques !

 

Un écrivain de l’ère Ayutthaya, dépeignait les Siamois comme des gens empruntés et gauches lorsqu’ils marchaient sur la terre ferme en se protégeant du soleil. Mais une fois à la barre de leurs embarcations, lorsqu’ils maniaient les rames, alors ils bondissaient à nouveau avec grâce et agilité et menaient avec vigueur et dextérité leurs bateaux tout au long de leurs canaux, les « khlongs »

 Les soldats et les seigneurs de la guerre étaient alors capables de se battre aussi bien sur l’eau que sur terre. Lorsque les troupes voyageaient à cheval ou plutôt à dos d’éléphant – leurs voitures et motos de l’époque – les chemins suivaient toujours les cours des rivières afin que pendant les périodes de repos,  les hommes et les animaux puissent trouver fraîcheur et réconfort dans l’eau, source de toute vie. Les cours d’eau en Thaïlande sont sinueux et vagabonds. Ils épousent les formes du terrain, empruntent mille détours dans une mosaïque extrêmement compliquée, pour finalement parvenir à l’embouchure d’un fleuve ou pour s’abandonner paresseusement dans un golfe ou dans la mer. Les Thaïs sont comme eux. Tout en ondulations et circonvolutions. Impossible de les saisir et de les garder, tentations stupides d’occidentaux !  Autant vouloir attraper, à mains nus, un poisson-chat dans la rivière Chao-Phraya ! Comment s’approprier un peuple qui se dit et se veut libre comme l’eau ?
 

J’appelle Ek au téléphone pour qu’il me serve de guide ce prochain week-end. Injoignable. Disparu. Sûrement parti chanter dans une fête de village d’où il ne reviendra qu’une fois sa sobriété retrouvée.  Dieu seul sait dans combien de temps !

 

Mais quoi ! Je ne vais quand même pas m’en étonner. Ek après tout est un homme libre. Comme tous les Thaïlandais !

* d’après le titre du film de A.Techine

 thailandaise

Excalibur, aux doigts déglingués de guitariste, dit Ek, véritable personnage de roman !

Michèle Jullian

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