Voyage Vietnam. Un voyage de dix jours plus précisément dans le Nord Vietnam … Si court, trop court et pourtant riche en impressions, en rencontres, en émotions et aussi en objets de révolte ou d’indignation…
Les images d’un passé qui s’estompe …
Non seulement on transporte sa culture avec soi lorsqu’on voyage, rien de plus normal, mais on trimballe aussi des images toutes faites sur un pays lorsqu’on l’aborde pour la première fois. Et là je parle du nord Vietnam, parce que le sud, c’est une autre et lointaine histoire…… Et voila que je commets déjà l’erreur de parler de deux Vietnam…Il n’y en a qu’un seul…
Mes images d’un Vietnam ancien – lorsque Ho Chi Minh s’appelait encore Saigon – ont la vie dure, et j’ai débarqué avec elles à l’aéroport d’Hanoï…. Images renforcées par les films – américains principalement – la musique de cette époque (les « Doors » entre beaucoup d’autres) et mes lectures : de Jean Hougron à Larteguy en passant par Bodard. Images figées, fossilisées, fixées dans ma mémoire tant les événements qui ont marqué ce pays et brûlé ce peuple, ont été douloureuses, atroces, inconcevables.
Chaque pas, chaque rencontre que je fais ici depuis mon arrivée à Hanoi, puis à Sapa, puis à Lao Cai ce soir, viennent se superposer à mes images de mémoire et forment une nouvelle réserve de perceptions positives qui vont peu à peu effacer celles du passé. Tout cela paraît évident à priori. Mais on n’a pas forcément envie de se débarrasser des clichés.
Deux filles sur un bateau
Une entorse qui ne guérit pas (et pour cause) .Une bouteille de bordeaux a nous deux. Et pas mal de chansons ensemble. Elle s’appelle Thao, et c’est un sacre numéro. Pas mariée, et pas l’intention de… Des enfants ?? « Est-ce que tu crois que ca me manquera a 40 ans ? » Elle en a 24. Déjà visite la Thaïlande et la Malaisie toute seule… Elle est vietnamienne, et nous formons une drôle d’équipe !
Pot de terre contre pot de fer
Tandis qu’en compagnie de mon amie Thao, nous nous acheminons vers la « pagode parfumée », mon intuition me commande de faire arrêter la voiture dans un village que mon amie me dit être la commune Xom 11, Huong Son, My Huc district où un petit groupe de femmes attire mon attention.
Je m’approche, elles viennent aussitôt vers moi, m’entourent, me prennent la main et se mettent à me parler en vietnamien, comme s’il était évident que je les comprenne. J’ai – comme d’hab – mon appareil photos autour du cou. Alors, de là à me prendre pour une journaliste, il n’y a qu’un pas que ces femmes ont tout de suite franchi. (Non, non pas pour une touriste). Je me fais expliquer l’objetde cette réunion et surtout de leur attention pour moi.
Ces femmes, dont la plus âgée semble être l’égérie, ont créé un comité afin de se faire entendre sur leurs droits. L’état – enfin le parti communiste vietnamien – leur a simplement pris leurs terres pour construire je ne sais quel immeuble ou bâtiment. Sans leur autorisation, sans les prévenir, sans compensation. Alors en me voyant débarquer d’une voiture, ces femmes ont pensé que je venais les interviewer… Je me sens obligée de me faire leur interprète : le parti les spolie sans vergogne. Les pauvres, fermez vos gueules, la terre c’est à nous, au parti. On en fait ce qu’on en veut. !!
Alors quoi, le communiste c’est pas le partage, l’égalité ? Sheet. J’écoute la vieille femme, enfin Thao me traduit. Son mari est mort en se battant pour le parti au sud Vietnam, ses deux fils sont morts pour le communisme pour tous et contre la corruption du sud. Morts au combat. Pour une cause qu’ils croyaient juste, mais avaient-ils le choix ? Cette femme a tout perdu, mari, fils, et maintenant le parti lui prend le seul bien qui lui reste : un petit morceau de terre.
Des hommes arrivent avec des tee-shirts rouges. D’autres déroulent une banderole. La vieille femme me prend dans ses bras et me dit « bonjour » le seul mot qui lui reste de français. Elle ne cesse de me parler, de me serrer contre elle, comme si je représentais un espoir, et de me faire des saluts militaires. « Raconte » dit-elle.
Ici aussi il y a des « red shirts »
Thao m’explique encore : le premier ministre Viet a placé sont fils comme ministre des finances… et tout ce qu’il décide est fait pour la famille. Y’a pas que les princes débiles qui héritent du titre de leur père, il y a aussi les militaires, les fils de rois de républiques bananières, les frères de père du peuple, les enfants de dictateurs !
« La démocratie, la moins pire des institutions » disait Churchill. Enfin, mieux que ça bien sûr.
Avant de rejoindre la rivière des parfums, je demande à Thao : « Ces femmes, elles ont une chance de se faire entendre » ?
Elle a éclaté de rire. Et son rire, je l’entendrai encore longtemps dans ma tête.
Impressions du Nord Vietnam
Ce qui suit sera moins objet de réflexion (ou de révolte ou d’indignation éventuellement) que pures sensations éprouvées pêle-mêle au cours de ce trop court voyage de 10 jours au nord Vietnam..
Je suis partie avec ce livre « VIETNAM » de Christian G.Appy(dont je parle dans me précédentes notes), dans mes bagages. Sublimes témoignages de ceux qui ont vécu la guerre, de ceux qui l’ont subie, de ceux qui l’ont décidée. Bien sûr je n’ai pas eu le temps de m’y plonger, tout comme le LONELY PLANET qui m’a drôlement alourdi mon bagage sans m’apporter grand-chose de positif en dehors de recommandations assez négatives en général sur le peuple vietnamien. Bref, j’ai fait confiance à mon instinct et à mes rencontres, et je ne me suis jamais sentie en insécurité ni n’ai été l’objet d’arnaques en dehors de quelques tentatives faites par des cyclos qui ne faisaient que leur travail de racoleurs, et d’un garçon super mignon qui voulait absolument recoller les semelles de mes chaussures qui, elles, ne demandaient rien. Si je me suis sentie en danger de mort violente c’est à chaque fois que je tentais de traverser une rue à Hanoï. (8 millions d’habitants, 6 millions de mobylettes).
Voyager c’est inconsciemment emmener son baromètre avec soi, cette espèce d’instrument invisible mais féroce qui, consciemment et le plus souvent inconsciemment, vous porte à la « comparaison »
Lorsqu’on fait un bond d’Europe en Asie, peu de choses sont comparables, mais je vis en grande partie dans un pays tampon : la Thaïlande, alors forcément, comparaisons il y a eu.
Je souhaiterais laisser la place aux images plus qu’aux mots. Place aux regards, aux sourires, aux fous rires échangés avec quelques grands-mères aux dents laquées. Simplement ceci pour terminer : les jeunes personnes avec lesquelles j’ai été en contact : guide, chauffeur, personnel de guest-houses et hôtels… ont tous été serviables, respectueux, diserts. Il m’est arrivé plusieurs fois de suite de ne pouvoir me « débarrasser » d’une fille de la réception qui m’accompagnait dans ma chambre et me parlait jusqu’à plus d’heure. Son anglais, comme celui de ses « sœurs » était élaboré, hésitant, recherché. Au petit déjeuner par exemple, une jeune-fille (elle écrit son journal et souhaite me le faire parvenir… c’était la deuxième en une semaine)… Me disait : I’ll pour the coffee in your cup, and if you want some jam, I’ll put it on the plate for you. You eat fruits and vegetables in the morning it’s good for you, for your health, for your skin” Voila, ça voulait dire en francais “Bon appétit”. Sa petite sœur en Thaïlande se serait contentée de sourire et de dire, sans argumenter : « breakfast na kha”
Mesures comparatives
Toujours armée de mon baromètre virtuel dans la tète, je déguste un “Americano” dans un Starbucks de Bangkok, après en avoir été privée au Vietnam. On y trouve peut-être du pain-baguette mais cote café, le vietnamien vous reste entre les dents tant il est fort et épais. Bref, je n’ai pas encore range mon appareil de mesure comparative . Je regarde autour de moi. On est dimanche, des étudiants ont élu l’endroit pour travailler en groupes, quelques farangs sont assis, muets a cote de leur “girlfriend” thaïlandaise. Enfin, sur quelques tables, je remarque des cartons de “dunkin donats”, la nouvelle folie des Bangkokiens depuis que la boutique de cette crémeuse et collante pâtisserie a ouvert ses portes dans la capitale. C’est vraiment le dernier truc a la mode. Nouveau ici, mais dans ma folle jeunesse calaisiene, j’ai tenu, le temps d’un été, un petit stand de “donats” sur un bateau suédois – “Le Londoner”- qui naviguait entre Calais et le port de Londres. Cinq heures de croisière avec “Smorgesbord”, casino et bar a donats. Dégoutée pour le restant de mes jours ! On y a ajoute de la crème aujourd’hui, pour rendre ce produit plus “addictif” !
Ajouter a cela KFC, Hamburgers,Pizza Hut et cie et vous obtenez 15 % de la population en surpoids. Problème qui touche principalement les “riches” car la junk food, c’est chic et c’est tellement plus smart qu’un bol de nouilles (“pho” en vietnamien) ou un « kwai thiaw ». Lors de mes premiers voyages en Thaïlande, tous les thaïlandais, riches ou pauvres, citadins ou villageois, étaient petits et minces (les laitages et la viande ont fait grandir la jeune génération)
Au Vietnam, je n’ai pas croise un seul obèse et je n’ai aperçu que quelques KFC limites a Hanoï. Les vietnamiens que j’ai croise étaient, comme les thaïlandais il y a trente ans : petits et très minces.
Connaissez-vous les composes chimiques de cette “bouffe de poubelle” (traduction de “junk food”) Ici en Asie, elle est bien plus chère que la meilleure nourriture locale, mais c’est tellement plus chic de manger hamburger, frites, coca, glace et d’y ajouter au gouter, quelques donats crémeux ! Alors tant pis pour les “nai”et les “ammart” (aristo), qu’ils continuent de “se nourrir ” avec cette sous nourriture américaine. Ils sont riches et risquent l’obésité. On ne peut vraiment pas tout avoir !
L’excellence des Hmongs
Il semble bien que le communisme soit mort au Vietnam, enfin une certaine forme de communisme. Et vive la dictature du parti unique !!! L’ironie de cette révolution communiste qui a coute la vie a tant de personnes, au peuple vietnamien et a de malheureux Gi’s qui ne savaient même pas situer le Vietnam sur une carte, c’est qu’elle a impose ses règles a une société dont l’instinct et l’esprit de compétition pour le business sont la nature profonde. Pour les vietnamiens, le commerce, c’est la vie. Je pourrais en donner au moins un exemple dans une autre note.
La culture vietnamienne a certainement été influencée par ses nombreuses minorités – 50 groupes environ – venues du Yunnan et du Tibet il y a quelques centaines d’années.Une mosaïque surprenante de couleurs, de langues, de cultures.
Les Hmongs, appelés aussi Meos ou Miao (au Guizhou en Chine) m’ont paru les plus nombreux. Leur nom signifie “chat” en vietnamien mais également en thaï. D’ailleurs mon chauffeur les appelait “cats people”. Ce que les Hmong n’apprécient pas je crois.
De ce que j’ai pu constater de cette très intelligente et “industrieuse” “minorité”, c’est leur gout de l’excellence pour le travail bien fait. J’ai observe des femmes passant d’interminables minutes a examiner une broderie, avant de se décider a l’achat. Et partout, les femmes de tous ages sont penchées sur leurs broderies aux couleurs sublimissimes.
Démonstrations
“Les vietnamiens peuvent donner l’impression de ne pas vous prêter attention, ils peuvent même paraitre distants, en fait ce sont des sentimentaux. Les vietnamiens s’expriment davantage a l’aide de mots, de poésies et de métaphores que par des gestes physiques” R.Huynh, (femme d’affaires vietnamienne)
C’est bien ce que j’ai ressenti durant mon court séjour au Vietnam. Une apparente indifférence et ensuite une réelle attention a ce que vous dites. (l’inverse absolu des thaïlandais).
J’ai été frappée par le nombre de fleuristes, dans la capitale et dans les petites villes ; par les cyclos transportant des gerbes sophistiquées ; par les cyclistes charges d’énormes bouquets. Fleurs pour les mariages, pour les enterrements, pour les cérémonies familiales et pour la maison. Et non fleurs destinées aux temples comme en Thaïlande (et voila mon petit baromètre comparatif et virtuel qui se remet en marche).
A Lao Cai, une vraie ville tranquille sur les bords de la Red River, il y avait de fleuristes tous les cent mètres. Résultat de cette profusion de bouquets : des poubelles débordant de fleurs fanées tôt le matin.
Un peuple qui aime autant les fleurs ne peut être que “sentimental” comme le dit cette vietnamienne Huynh.
Mais il n’y a pas que les fleurs. Il y a aussi les oiseaux. On les vend dans les marches. Il sifflent devant les portes d’entrée des maisons. Ils sont en cage, mais toujours siffleurs et colores.
Habituée et charmée par le “wai” des thaïlandais – cette salutation gracieuse mains jointes – qui évite tout contact physique avec la personne que vous saluez, j’ai pourtant éprouve un réel plaisir au contact chaleureux des mains tendues des femmes au Vietnam ; ce contact communiquait des messages muets. De longs serrements de mains avec mon guide, avec le directeur de la guet-house… se passaient de mots, mais exprimaient un vrai désir de se revoir ou de sincères remerciements.
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Jolie découverte que votre blog et je veux bien vous relire souvent.
Excellente journée!
Merci pour votre article très intéressante ! Ce sont des très belles photos. J’adore la photo où la femme ethnique bois du thé vert. Elle porte le vêtement très joli et coloré. ça me donne beaucoup d’envie d’y aller dans la future très proche. merci !
Chapeau ! Un article super sur le Vietnam et ce qui se passe dans ce pays. Merci de ce partage
Pensez vous un jour transformer vos récits de voyage en livre. Vos photos sont trop belles pour ne rester que sur Internet.
Bonjour,
Je vous félicite pour la qualité de vos photos et pour ces instants pris sur le vif !!
C’est par hasard que je découvre votre site. Je pars accompagner un groupe de touristes au Vietnam et je recherche des anecdotes, des tranches de vie sur le peuple vietnamien. J’ai lu et relu son histoire pour tenter de comprendre … Je résumerai en trois phrases : 1000 ans d’occupation chinoise, 100 ans d’occupation française et quelques années de guerre avec les américains. Difficile donc de résumer.
Très cordialement
A quand vos carnets de voyages ??
Bonjour
Superbes photos et beau témoignage, incitations au voyage
A bientôt
Rachid