Guillaume le Conquérant (William the Conqueror) est probablement l’un des plus grands rois d’Angleterre. Comme l’indique son surnom, ce fut un roi de conquête et peut-être le dernier conquérant que connu l’île…. Qui était ce roi? David Bates livre dans son essai historique une biographie de qualité. Synthèse des quelques éléments clés pour mieux découvrir Guillaume le Conquérant et ce qu’il a apporté à l’Angleterre…
Introduction:
Guillaume est d’après l’auteur l’un des plus importants rois anglais, et le dernier conquérant de l’île. Il fut duc de Normandie en 1035 puis roi d’Angleterre en 1066 jusqu’à sa mort en 1087.
L’auteur note un paradoxe au Royaume-Uni. Si l’anniversaire du Domesday Book (1986) a été célébré de façon importante dans le pays, l’anniversaire de la mort de Guillaume (1987) est passée inaperçue. Autant le Domesday Book est accepté comme partie intégrante de l’héritage anglais, autant il y a un rejet de Guillaume toujours considéré comme une invasion étrangère. En Grande-Bretagne, le rejet de l’héritage continental de l’île est important, les anglais privilégient une vision purement insulaire de l’histoire britannique. Or avant 1066, les liens entre l’île et le continent étaient très importants. A l’heure actuelle on ne parle pas des influences normandes dans le Domesday Book, pourtant elles sont non négligeables. L’auteur fait un lien entre cette vision insulaire de l’histoire et la place que l’Angleterre occupe encore aujourd’hui en Europe.
La problématique de ce livre est de montrer que Guillaume a été un roi typique de son époque (XIème siècle). Aussi il faut comprendre l’époque pour comprendre cet homme. Guillaume n’a pas voulu assimiler l’Angleterre au duché de Normandie, il a voulu au contraire instaurer une nouvelle forme de gouvernance des deux côtés de la Manche. Car Guillaume est avant tout un duc normand qui a conquis l’Angleterre.
Alors qui est Guillaume ? Un souverain efficace aux méthodes brutales, un homme peu attractif, un soldat remarquable qui est devenu un guerrier exemplaire, un homme rigide, puritain et intolérant, un homme religieux (selon les standards de l’époque), un stratège mélangeant charisme, intelligence et volonté.
Fragment de la Tapisserie de Bayeux, représentant Guillaume
1. Setting the Scene
Le duché de Normandie au Xème siècle fait déjà preuve d’une volonté expansionniste (Italie, Sicile, Espagne). Aussi la conquête de
l’Angleterre n’est qu’un pas vers une conquête plus large des îles britanniques (une base à partir de laquelle l’expansion peut se faire).
La technique des chevaliers normands est remarquable : ce sont des chevaliers montés (Mounted Knight) organisés en troupe. Souvent les normands sont considérés comme des soldats performants mais il ne faut pas oublier que leurs conquêtes se sont accompagnées de changements économiques et sociaux ainsi qu’architecturaux (cf. Château de Caen, Tour de Londres). On a aussi dit que les normands étaient les leaders d’un mouvement plus vaste d’expansion hors de France (plus que les bretons ou les francs). Ce qui est faux, ils sont en général moins nombreux que les bretons ou les francs dans les conquêtes hors de France. Cette poussée expansionniste est donc plus globale, elle s’explique par les changements sociaux de l’aristocratie française avec notamment un nombre conséquent de soldats ou de chefs militaires aux ambitions certaines. Guillaume apparaît comme le cas typique d’un soldat en France au XIème siècle qui va conquérir d’autres territoires, processus courant en France à l’époque. En cela, il n’est pas unique, et les normands n’ont plus.
Les origines du duché de Normandie : Début Xème siècle, des vikings se sont implantés autour de la ville de Rouen et de la Seine. Chef de ses premiers occupants, Rollo, l’arrière-arrière-arrière-grand-père de Guillaume. A partir de Rouen, Rollo a étendu son territoire jusqu’au XIème siècle pour donner naissance au duché de Normandie. Le traité de St-Clair sur Epte conclu avec Charles le simple lui donne autorité sur ce territoire. Le duché est prospère, et Richard II (996-1026) est le premier à prendre le titre de duc des normands (grand-père de Guillaume). Richard II garde des liens avec ses origines vikings mais les normands parlent français, et gouvernent comme des français. L’exemple de la bataille d’Hasting est frappant : les normands ont combattu comme des cavaliers français et non comme des vikings. Le duché a évolué vers une principauté territoriale autonome, indépendante, gouverné par le seul duc. Les relations de vassalité envers le roi ont perdu de leur signification, ce qui correspond à un mouvement plus vaste d’affirmation des principautés en France. Il y avait sans arrêt des rivalités entre territoires et des tentatives de conquêtes. Voilà dans quel monde est né Guillaume.
Les relations avec l’Angleterre : Il y a un intérêt constant (économique et culturel) au X-XIème siècle. Les deux territoires partagent un
héritage scandinave commun (et sont donc victimes de raids). La sœur de Richard II épousera le roi Anglais Aethelred. Leurs enfants resteront un moment sous la protection des ducs normands (dont l’un d’eux n’est autre qu’Edward le Confesseur) pendant que leurs parents auront maille à partir en Angleterre avec des opposants.
Le contexte social : A l’époque, les territoires sont de plus ou moins grande importance et sont gouvernés par une seule autorité dont la
personnalité impose le respect. Les dirigeants n’ont aucune contrainte judiciaire ou constitutionnelle dans l’exercice de leur fonction. Ils devaient se montrer cependant magnanimes pour éviter toute révolte. Ce sont des dirigeants accessibles (en guerre comme en temps de paix). Il n’y a pas de capitale, le souverain est itinérant) cependant il y a des résidences plus ou moins importantes (pour Guillaume, il s’agit de Fécamp, de Rouen, de Caen, de Bayeux et de Bonneville-sur-touques). Les institutions sont rudimentaires et tournées vers la captation des taxes (vicomtes en Normandie, Sheriff en Angleterre). La société est féodale, mais pas dans le sens du XIIème siècle (pas d’organisation en pyramide). Il y a plutôt une multiplicité de relation de vassal à seigneur. Chacun faisant le choix de ses obligations, les relations évoluaient, se transmettaient ou pas. L’église est importante, même si le souverain a acquis des droits sur son territoire : il nomme les archevêques et les abbés. Il est lui-même considéré comme un dignitaire religieux. Le pape n’a que très peu d’autorité. Guillaume doit cependant respecter les dogmes de l’église (ou s’en accommoder). Les archevêques ont à l’époque un rôle politique déterminant, d’où l’importance de leur désignation.
Les sources : Il y a peu de sources, bien évidemment et souvent il s’agit d’écrits faits par des proches qui réinterprètent les faits pour
mieux coller à leur objectif. Souvent les sources sont religieuses, peu concernées par les conditions de vie, mais plus par le rachat des âmes. Les deux sources les plus importantes sont le Gesta Normannorum Ducum (1070-1071) de Guillaume de Jumièges , moine et le Guillelmi Ducis Normannorum et Regis Anglorum (1077) de Guillaume de Poitiers, chapelain. Dans les deux cas, il s’agit de proches de Guillaume qui en donnent donc une image positive. Une source plus tardive, Ecclesiasical History (1141), écrit par Orderic Vitalis, moine anglo-normand de l’abbaye de St-Evroult et dont le point de vue sur Guillaume est plus ambivalent. Autres sources :
– De Gestis Regum Anglorum (1125) de Guillaume de Malmesbury, moine anglo-normand).
– Carmen de Hastinage proelio (écrit trois ans après la bataille)
– La tapisserie de Bayeux
– Chroniques anglo-saxons, dont on a conservé trois versions et qui permettent d’avoir un point de vue anglais
– Les Chartes, point de vue institutionnel
– Domesday Book, pour la description de l’Angleterre après 1066.
Duché de Normandie entre 911 et 1050 (source wikipédia)
2. Boyhood and Youth
Guillaume est né à Falaise, à la fin de l’année 1027 ou au début de l’année 1028. Son père, Robert le diable (ou le Magnifique), est le second fils du duc Richard II ; il mourra en 1035. Sa mère s’appelle Arlette, elle est la fille d’un entrepreneur de Falaise (elle décédera en 1050). Elle se remariera après la mort de Robert le diable avec Herluin de Conteville avec qui elle aura deux enfants. Il est possible que Guillaume ait eu une sœur, prénommée Adélaïde.
A sa naissance, l’avenir de Guillaume est plus qu’hasardeux. Au moment de la conception de Guillaume, Robert n’est pas duc (il prendra la succession de son frère Richard III en 1026-1027). A sa
naissance, Robert n’est pas marié, il a cependant reconnu Guillaume et en janvier 1035 (avant de partir pour Jérusalem) il a fait prêter serment aux chefs normands à son fils (ce faisant ces
derniers le reconnaissaient comme héritier de Robert). Le mariage entre Robert et Arlette a probablement eu lieu avant son départ pour Jérusalem. Robert meurt en pèlerinage à Jérusalem, alors
qu’il n’est qu’il n’a qu’une trentaine d’année. Arlette aura deux enfants d’un second mariage : Odo (Evêque de Bayeux) et Robert (conte de Mortain). Guillaume a huit ans quand son père
meurt en pèlerinage. A l‘âge adulte, il a cherché à rapatrier les cendres de son père en Normandie. En 1063, il fonde une abbaye à la gloire de St Etienne, dont son père aurait acquis à Jérusalem
un doigt.
Le règne de Robert a été chaotique : son frère ainé est mort à peine après un an de règne et dans des circonstances particulières (empoisonnement), il a toujours été en guerre contre
des seigneurs locaux (contre Robert de Rouen, Hughes de Bayeux, le seigneur de Bellême). Il doit aussi faire face à des problèmes internes (des familles normandes ont cherché à le destituer
à leur profit, familles qui deviendront les compagnons de Guillaume dans sa conquête de l’Angleterre). Robert est un allié du roi de France, Henri 1er, ce qui ne l’empêche pas de
donner assistance aux exilés anglais Edouard et Alfred.
A la mort de Robert, le duché plonge encore plus dans le chaos et la guerre civile. La mort de Robert de Rouen en 1037 crée une instabilité politique supplémentaire qui conduit aux affrontements
entre familles aristocratiques. Le jeune Guillaume n’a pas le contrôle de son territoire, il est lui-même en grand danger. Guillaume remporte sa première victoire à Val-es-Dunes en 1047.
Aidé du roi de France, Guillaume combat l’armée de Guy de Brionne, qui réclamait le duché de Normandie. Peu après Guillaume proclame la «Trêve de Dieu » près de Caen, il s’agit de son
premier grand acte en tant que dirigeant. Son but est de contrôler la violence : la guerre est proscrite certains jours et l’armée du duc peut intervenir dans des combats illégaux. Ceci
marque le début du règne de Guillaume, qui agit plus qu’il ne subit pour la première fois. Par la suite Guillaume se lance dans des constructions d’abbayes et renforce son assisse en se ralliant
les familles aristocratiques et en leur donnant un peu plus de pouvoir.
Statue de Robert le Magnifique,
sur le socle de la statue de Guillaume le Conquérant à Falaise
3. Supremacy in Northern France
Guillaume assoit sa domination sur la Normandie (et sur les barons normands) et ses voisins entre 1047 et 1066. Il est aidé par les circonstances et il se crée lui-même un certain nombre
d’opportunités. Son but durant cette période est d’amoindrir la puissance du comte d’Anjou. A cette époque Guillaume est craint, comme le montre l’alliance contre lui entre le roi de France Henri
1er et le conte d’Anjou, Geoffroy Martel.
Après Val-es-Dunes, Guillaume envoie une armée pour aider Henri 1er contre Geoffroy Martel dans le but de réduire sa domination sur l’Ouest et sur le centre de la France. La campagne
est un succès. Il s’agit de la dernière alliance entre Guillaume et Henri 1er avant que ce dernier ne se rallie à Martel.
Plusieurs événements entre 1049 et 1052 expliquent ce rivement de situation entre Henri et Guillaume :
– En octobre 1049, les fiançailles de Guillaume et de Mathilde, fille du comte de Flandres, sont discutées à Reims par le Pape Léon IX. Ce
faisant le Pape retrouve une place dans les affaires de la France alors qu’il en avait été tenu à l’écart depuis longtemps. Henri 1er est « vexé » de l’intervention du
Pape et par l’attitude indépendante de Guillaume. Le concile de Reims condamne le projet de mariage (consanguinité). Il sera finalement autorisé plus tard après la promesse de construction de
deux abbayes (en 1050-1051, peut-être plus tôt d’après l’auteur). Ce mariage est une grande opportunité pour Guillaume. Il lui ouvre le nord de la France et lui permet des relations avec
l’Allemagne. La Normandie redevient puissante.
– En 1051-1052 : Guillaume mène des campagnes seul contre le comte d’Anjou. Il prend possession des châteaux d’Alençon et de Domfront,
propriétés du comte de Bellême, alliée d’Anjou. Moqué par les habitants d’Alençon sur l’origine sociale de sa mère, Guillaume leur aurait fait couper les mains et les pieds.
– Printemps 1051 : Edouard le Confesseur (roi d’Angleterre depuis 1042) choisit Guillaume comme son successeur.
L’alliance entre Geoffroy Martel et Henri 1er est effective dès 1052, elle est confirmée par la présence des deux hommes à Orléans en août 1052 (le 15).
Parallèlement, Guillaume doit faire face à la révolte de son oncle, Guillaume d’Arques. Révolte suivie par l’invasion des terres normandes par le roi Henri 1er et le comte d’Anjou.
Mais Guillaume réagit vite et avec la capitulation de Guillaume d’Arques obtient le retrait des troupes du roi de France et de son allié d’Anjou. Cependant les invasions continuent en 1053
et 1054. Henri et Anjou envoient à nouveau des troupes en Normandie mais à nouveau leurs troupes sont défaites. Alors qu’Henri semble se calmer, Anjou continue à menacer Guillaume qui construit à
Ambrières un château pour garder sa frontière.
En 1057, Anjou et Henri s’associent une nouvelle fois pour envahir la Normandie, avec l’aide du comte de Bellême. Ils sont battus à l’estuaire de Dives. Après cette bataille, la Normandie n’est plus jamais envahie. En 1060, Henri meurt ainsi qu’Anjou (à quelques mois de distance). Philippe qui a succédé à son père Henri, fait un traité de paix avec Guillaume. Quant à l’Anjou, une succession difficile écarte provisoirement sa menace sur la Normandie.
Guillaume se lance alors dans les conquêtes :
– 1060 : il conquiert le Maine, après la mort d’Hubert II du Maine. Ce dernier lui aurait rétrocédé le Maine s’il n’avait pas d’héritier
(ce qui fut le cas). Il y aurait eu un projet de mariage entre Hubert et l’une des filles de Guillaume. Enfin d’après Guillaume de Poitiers, ce qui paraît douteux. Il est plus probable que
Guillaume est profité de la vacance du pouvoir en Maine après la mort d’Hubert pour envahir. Guillaume envahit donc le Maine en mars 1062. Il met en place un politique de terre brûlée et il isole
la ville du Mans, en attendant sa capitulation. Après sa victoire, Guillaume installe ses garnisons au Mans et place ses proches à des postes clés (y compris aux postes ecclésiastiques).
– 1064-1065 : Guillaume s’attaque à la Bretagne. Harold d’Angleterre (le fameux) participe d’ailleurs à l’expédition. Guillaume utilise
une révolte pour avancer sur Dol-de-Bretagne puis Rennes et Dinan. Il combat le comte Conan II de Bretagne qui finit par se rendre à Dinan. De retour en Normandie, Guillaume s’arrête à Bayeux où
Harold fait le serment de reconnaître la proéminence de Guillaume sur l’Angleterre (on y reviendra plus tard).
Au final, le duché de Normandie est entouré de territoires qui acceptent sa domination ou qui cherchent à s’y allier. D’une politique de protection en début de règne, on passe en quelques années
à une politique d’expansion. De ses campagnes militaires se dessinent un homme stratégique (bataille de Varaville), prêt à utiliser des méthodes brutales (Maine). Guillaume est devenu un
commandant qui connaît les affaires militaires. Il est craint et il a la confiance de ses hommes (et il les attire à lui). Mais il a profité pendant ces années de la faiblesse du roi de France,
Philippe 1er, et des comtes d’Anjou, ce qui signifie que sa situation n’est pas pour autant complètement stabilisée.
4. Normandy before 1066
Ordéric comme Guillaume de Poitiers considère que Guillaume a apporté la paix et la prospérité en Normandie. Ordéric présente Guillaume comme quelqu’un d’autoritaire, de partial et de
brutal, comme l’y autorisait sa position.
Du temps de Guillaume, la Normandie va connaître un nombre record de construction d’abbayes (cf. l’Abbaye de Le Bec) et de bourgs. Les villes vont se développer économiquement et
socialement.
Sa succession est assurée. Guillaume a en 1066 sept enfants dont trois garçons. Dès 1063, il désigne Robert comme son héritier.
L’aristocratie normande avant 1066 est incluse dans les projets de Guillaume ce qui lui permet d’obtenir leur soutien. Ce groupe, aux visées expansionniste indéniables, va être convaincu qu’il
est de son intérêt de soutenir Guillaume. Ce dernier y gagne une stabilité certaine et un afflux important d’hommes armés. A cette époque, Guillaume peut interdire la construction de
fortification sur son territoire ou utiliser le château d’un noble à son propre avantage. Autour de Guillaume se forme donc un cercle d’aristocrates qui vont renforcer son pouvoir sur le
duché (on passe des fidelis à des dominus). La création de ce cercle commence après la victoire de Val-es-Dunes. Ce sont des seigneurs du même âge que Guillaume, qui peuvent mettre de côté leurs
rancunes personnelles uniquement pour être dans le cercle proche de Guillaume. Ces seigneurs appartiennent aux vieilles familles (qui ont auparavant lutté parfois contre le père de
Guillaume). Il n’y a donc pas de révolution sociale, Guillaume promeut les élites.
Guillaume se réserve certains droits, instaure une relation de patronage avec les grandes familles aristocratiques (dont elles tirent un bénéfice certain) et leur donne des droits également
(quand ceux-ci servent son pouvoir et son intérêt). Par exemple, Guillaume peut donner à un seigneur le droit d’attaquer le territoire d’un autre, si cette conquête lui est bénéfique. Un
système de faveurs ou de défaveurs est mis en place (qui va de l’octroi de territoires à l’exil pur et simple du duché en cas de désaccord), système qui s’applique aussi bien aux familles
aristocratiques qu’aux religieux. Deux cas sont éclairants à ce sujet : un abbé a été chassé de son office pour avoir médit sur Guillaume, et l’abbaye du Mont-St-Michel s’est vue retirée des
territoires parce que Guillaume soupçonnait les abbés d’avoir fait alliance contre lui lors de la bataille de Val-es-Dunes.
Concernant les institutions et les finances du duché, Guillaume a maintenu les systèmes existants. Il n’y a pas encore à proprement parlé d’administration en Normandie avant 1066. Tout se passe
par les chartes, qui sont confirmées ou pas par Guillaume et quelque fois pas son fils, Robert. Les revenus viennent des taxes (gravarium et bernagium), taxes payées à la Chambre.
L’organisation financière du duché est basique, il n’y a pas de changement sous Guillaume, si ce n’est que les revenus sont en progression.
Quant à l’église, Guillaume entretient des relations étroites avec elle. Après Val-es-Dunes, il proclame la « trêve de Dieu », qui préfigure l’alliance de Guillaume avec l’église.
Au fil des années, Guillaume est devenu le protecteur et le gouverneur de l’église normande. Il préside certains conciles, nomme ses propres hommes à la tête des abbayes ou des évêchés (tous les
postes importants) et comme pour les laïcs il punit les ecclésiastiques qui ne sont pas avec lui (soit en les exilant soit en confisquant les terres de l’abbaye). A la fin de son règne son
pouvoir sur l’église sera tel que pas une abbaye ne sera construite sans son accord. Guillaume a été proche de Lanfranc, un moine italien qui fut son plus proche conseil ecclésiastique de 1050 à
1060. Par son intermédiaire, Guillaume va avoir des relations plus que cordiales avec le pape, ce qui l’aidera considérablement dans sa conquête de l’Angleterre.
Sous le règne de Guillaume, Caen devient la seconde ville du duché. Guillaume et Mathilde y construisent deux abbayes entre 1059 et 1063 où ils choisissent d’être enterrés. Caen devient leur
ville, leur étendard, la démonstration de l’autorité autant politique, économique et religieuse, dans la ville où ses prédécesseurs avaient connu des difficultés. Caen devient la marque de la
stabilité du duché acquise par Guillaume.
5. La conquête de l’Angleterre.
L’Angleterre avant 1066 : le processus d’unification commence avec les conquêtes vikings de la fin du IXème siècle. Leur victoire a mis fin aux royaumes de Mercia et de Northumbrie, ainsi
que les plus petits royaumes d’East Anglia. Seul royaume anglais survivant à la conquête viking, le royaume de Wessex qui reste sous la domination d’Alfred le grand. Ses descendants ont
progressivement soustrait au contrôle des scandinaves les autres royaumes pendant la moitié du Xème siècle ; Processus connu sous le nom de « reconquête du Wessex » et qui s’est
conclu en 954 par l’éviction du dernier roi viking d’Angleterre, Eric Bloodaxe.
Les invasions germaniques et scandinaves dans les îles britanniques
L’Angleterre est donc au Xème siècle une monarchie puissante, qui connaît cependant quelques difficultés dans le Nord, là où les scandinaves se sont installés (les invasions sont récurrentes dans
cette partie de l’île).
L’église suit la même évolution que le pays : elle s’unifie autour du Xème siècle, lors de ce qu’on a appelé la « réforme du Xème siècle ». De nombreux monastères ont été
construits et le clergé a été réformé sous la surveillance des rois.
Le royaume est prospère et bien organisé. On voit même les débuts d’une organisation administrative.
En 1016, Cnut, roi du Danemark conquiert l’Angleterre et prend la place du roi du Wessex à la tête du pays. Aethelred II, le malavisé, héritier des rois de Wessex fuit avec sa famille en
Normandie (et notamment avec son fils Edouard). A la mort du fils de Cnut, Edouard reprend le trône d’Angleterre (en 1042). Entre temps il a été l’hôte des ducs de Normandie (et notamment
de Guillaume). En 1051 Edouard aurait promis à Guillaume le trône d’Angleterre et à la même époque, il met en déroute la famille Godwin (famille puissante, descendant des rois de Wessex et dont
est issu Harold). Mais en 1052, la famille Godwin revient sur le devant de la scène et dès 1053, Harold devient le roi de Wessex. Ses frères occupent peu à peu des postes importants en Angleterre
et il est plus que possible qu’Edouard comprenne rapidement voyant sa fin de règne approchée (il meurt le 6 janvier 1066) que face à la famille Godwin, sa promesse n’est plus valide. Guillaume
doit le comprendre aussi. En 1064-1065, Harold vient en France. Selon les sources anglaises pour libérer deux otages de sa famille retenus par Guillaume depuis 1051 lorsqu’Edouard le
Confesseur avait mis en déroute la famille Godwin. Selon les sources normandes pour confirmer la promesse d’Edouard. A peine arrivé, Harold est capturé par le comte Guy de Ponthieu, puis libéré
par Guillaume qui l’emmène à Rouen, puis à Bonneville-sur-Touques. Il devient le vassal de Guillaume et lui promet assistance pour son accession au trône d’Angleterre. C’est à cette époque
qu’Harold aide/accompagne Guillaume dans ses campagnes contre la Bretagne. Harold est donc forcé de prêter serment. Par peur pour sa vie ? Par calcul ? Peut-être les deux. En 1066, à la
mort d’Edouard, Harold est désigné comme son successeur, Guillaume n’a plus que le choix d’envahir, d’autant que Guillaume n’est qu’un prétendant parmi d’autre (sa légitimité n’est pas acquise).
A Lillebonne, Guillaume organise une réunion préparatoire où il tente de convaincre ses compagnons que l’invasion est possible (et surtout opportune). Les chartes montrent que Guillaume est à
Rouen, Fécamp, Bayeux et Caen dans les mois qui ont précédés la bataille pour rallier ses troupes. Mathilde est nommée régente pour le duché de Normandie. Une ambassade est envoyée à Rome pour
demander la bénédiction du Pape Alexandre II ce qui permet à Guillaume de transformer cette entreprise hasardeuse en une juste cause. Le 18 juin 1066, l’Abbaye aux Dames est dédiée à la Trinité.
En juillet de la même année, la flotte de Guillaume est dans l’estuaire de Dives, attendant un vent favorable. Autour du 27 septembre, Guillaume traverse la Manche.
L’invasion de Guillaume a été facilitée et complexifiée par un certain nombre d’événements :
– 1065 : le peuple de Northumbrie s’est révolté contre Tostig, le frère d’Harold. Tostig fut remplacé par Morcar et mit en fuite.
Mécontent du peu de soutien de son frère, Tostig aurait cherché à s’allier à Guillaume puis aurait finalement fait alliance avec le roi de Norvège avec qui il envahit le nord de l’ile à l’été
1066.
– Harold doit envoyer en septembre une armée contre Tostig. Il tue Tostig et le roi de Norvège mais son armée est affaiblie.
Guillaume débarque sur les côtés anglais et y reste, pillant sans vergogne pour forcer Harold à attaquer (on voit d’ailleurs des maisons brûlées sur la tapisserie de Bayeux). Harold se
déplace de Londres à Hasting dans le courant du mois d’octobre. Il veut prendre Guillaume par surprise mais arrivé sur place le 13, il est attaqué dès le lendemain par Guillaume sans que son
armée n’ait eu le temps de se reposer ou de s’installer. Guillaume a pu compter sur sa cavalerie lors de cette bataille, plus mobile que les troupes de Harold. La bataille a duré une journée et
s’achève par la mort d’Harold.
Après la bataille, Guillaume enterre ses morts, mais aurait refusé d’enterrer les morts anglais. Il aurait également refusé un enterrement chrétien à Harold (contre la volonté de sa mère).
Guillaume se déplace progressivement vers Londres en attendant la capitulation d’Edith, veuve d’Edouard et sœur d’Harold (ils se sont mariés en 1045). En décembre, il atteint Londres et ne fait
face qu’à très peu de résistance. Il pratique toujours le pillage systématique dans sa marche vers Londres. Un nouveau roi est élu, Edgar fils d’Edouard l’exilé. Mais l’encerclement rapide de
Londres met fin à tout rébellion. Guillaume est couronné le 25 décembre 1066 à l’abbaye de Westminster. Son couronnement parachève la légitimité de son acte de violence par la présence
d’ecclésiastiques anglais et normands. L’armée de Guillaume doit maintenant devenir une armée d’occupation.
Conquête de l’Angleterre par les Normands
6. The Triumphant King
Guillaume est resté en Angleterre de Noël 1066 à mars 1067. Dans les semaines qui suivent l’invasion :
– Guillaume confirme les libertés de la ville de Londres.
– Il pratique la spoliation et envoie en Normandie et à des bénéficiaires papaux d’importantes sommes d’argent.
– En mars 1067, Guillaume retourne en France avec des nobles normands et anglais. Lors de pâques 1067, Guillaume fête sa victoire à Fécamp.
Le 1er juillet il dédicace l’abbaye de Jumièges.
– Pendant son séjour en France, deux régents sont nommés en Angleterre : Odo et William Fitz Osbern. Au courant de cette période, les
normands continuent à asseoir leur pourvoir, et doivent faire face à quelques tentatives de rébellion (comte eustache de Boulogne), mais elles sont à chaque fois contenues. La ville d’Exeter se
révolte alors que Guillaume vient à peine de rentrer en Angleterre, cette révolte est mâtée et donne lieu à la construction du château de Rougemont.
– Mathilde est couronnée reine en mai 1068. Les chartes décrivent une assemblée composée de normands et d’anglais (nobles et
ecclésiastiques). Ce moment restera comme l’apogée de cette tentative de constituer une cour anglo-normande. Peu de temps après, les dissensions recommencent (Lord Erwin et Marcar par exemple).
Des alliances avec les gallois apparaissant, le Pays de Galles étant un territoire difficilement soumis aux normands. Cette alliance échoue et Guillaume s’empresse de construire des
châteaux à Warwick et à Clifford notamment.
– Guillaume installe ses proches à des postes clés. Il a voulu à un moment maintenir son pouvoir en s’appuyant sur des seigneurs locaux
anglais. Mais les dissensions, la peur de trahison ont mis fin à cette tentative, et rapidement Guillaume ne fait plus confiance qu’aux siens.
Fin 1068, Guillaume et Mathilde retournent en France. Les excursions de Guillaume au nord et à l’ouest de l’Angleterre ont assis son pouvoir comme en témoigne la construction de château. Pourtant
Guillaume n’a pas pu établir une noblesse anglo-normande. Peu d’anglais lui faisaient confiance (et inversement). Les pillages, les spoliations aux profits de guerriers normands, les faiblesses
de Guillaume dans certaines régions du nord et l’espoir d’une invasion venant du Danemark ont contribués à maintenir les anglais dans la méfiance/haine envers lui.
Cette période est marquée par une profonde instabilité, instabilité qui se radicalise avec l’arrivée des danois en 1069.
Les grandes campagnes de 1068 à 1070
A l’automne 1068, la population du nord de l’île se rebellent (Northumbrie, Yorkshire). Guillaume doit rentrer en Angleterre pour mâter cette rébellion (et construire un nouveau château).
A l’été 1069, l’île est envahie par les danois, qui vont s’installer dans la ville de York. Cette tentative danoise échoue mais montre une nouvelle fois les difficultés de Guillaume à asseoir son
autorité au nord. Guillaume reste donc en Angleterre et conduit ses troupes au nord dans le but de ravager la région (afin de prévenir toute nouvelle invasion).
En janvier –février 1070, Guillaume doit faire face à une rébellion plus sérieuse en Pays de Galles. Il doit donc retourner au sud pour y pratiquer la même stratégie de pillage et de construction
de château.
Pâques 1070, Guillaume retourne à Winchester pour rencontrer les légats du Pape. Cette rencontre peut être vue comme une reconnaissance officielle de la papauté de la victoire de Guillaume.
Guillaume durant cette rencontre va être couronné par les cardinaux (fait remarquable à l’époque) ce qui est sans précédent dans l’histoire de l’Angleterre. Lanfranc devient archevêque de
Canterbury. Seuls deux ecclésiastiques anglais conservent leurs postes, tous les autres sont évincés au profit de proches de Guillaume (et appartenant à l’église normande).
Entre 1070-1072, Guillaume doit à nouveau faire face à des révoltes et à des tentatives d’invasion qui échouent à chaque fois (exemple de l’invasion de l’île d’Ely).
1072 : Guillaume conduit son armée vers l’Ecosse. Sa tentative d’invasion conduit à la paix de Abernethy entre lui et le roi d’Ecosse, qui devient son vassal.
En quelques années, Guillaume a finalement réussi à asseoir son pouvoir en Angleterre, au prix d’une brutalité sans nom. Cette brutalité marque un point de non-retour, à partir de cette période,
Guillaume devra toujours s’imposer par l’intermédiaire de ses proches normands et avec brutalité. Il s’est mis à dos la population anglaise et ne peut plus faire confiance aux nobles anglais. Lui
qui pensait apprendre l’anglais, y renonce. Il ne restera plus beaucoup en Angleterre.
La stabilisation de la Normandie et de l’Angleterre
Après la campagne écossaise, Guillaume rentre en France vers 1073 pour restaurer son autorité dans le Maine (campagne à Fresnay-sur-Sarthe, puis à Sillé et au Mans). La campagne prend fin
le 30 mars 1073.
De 1073 à 1074, Guillaume reste en Normandie pour traiter des affaires courantes, ce qui signifie qu’il n’y a plus de problèmes en Angleterre pendant cette période.
Le 30 juin 1073, un nouveau Pape est élu, le Pape Grégoire VII que Guillaume s’empresse de féliciter.
Il reçoit en 1074 la confraternité de l’abbaye de Cluny
Seules ombres au tableau : la mort de son second fils, Richard lors d’une partie de chasse ; ses querelles avec son fils ainé, Robert ; et le retour en puissance du roi de France
et du comte d’Anjou.
Statue équestre de Guillaume le Conquérant à Falaise
7. The man and his Family
L’homme : Guillaume aimait la chasse. Il pouvait faire preuve de cruauté mais être aussi magnanime. Il pouvait faire preuve d’humour. Guillaume était avide d’argent et se montrait parfois
très prétentieux. Par rapport à sa femme, il a eu une conduite exemplaire (probablement parce qu’il était lui-même sujet à des moqueries sur ses origines). Il était puritain sur certains
aspects. Il était respectueux et protecteur de la religion. Il était capable à la fois de discernement et d’emportement colérique. Bref, le type même du chef de l’époque.
Sa famille : comme toutes les familles médiévales, elle est faite d’unité et de division. Les positions importantes sont confiées aux membres proches de Guillaume, constituant un noyau
d’intérêts communs autour de lui.
– Mathilde : fille de Robert le Pieux, elle appartient à la famille des comtes de Flandres. Elle a eu sept enfants avec Guillaume et
s’est éteinte le 2 novembre 1083.
– Odo : demi-frère de Guillaume. Archevêque de Bayeux. Il est le représentant de Guillaume en Angleterre en 1067. Il devient Lord du
Kent en 1077. Il est le commanditaire de la tapisserie de Bayeux. Sa querelle avec Guillaume date de 1082, probablement lorsqu’Odo envisage de devenir Pape.
– Robert : demi-frère de Guillaume et comte du Maine en 1066
Les enfants mâles de Guillaume :
– Robert, né en 1053 et mort en 1134. Présenté comme l’héritier de Guillaume pour la Normandie. Après 1072, il se fâche avec son père.
– Richard, né en 1055 et mort en 1069/1074 dans un accident de chasse.
– Guillaume, né en 1060, présenté comme le successeur de son père en Angleterre. Homosexuel.
– Henri, né en 1069.
Souvent témoins des chartes, ils suivent donc leur père (notamment Robert).
Les filles de Guillaume : Guillaume a eu trois filles, peut-être six. On ne connaît en fait que trois d’entre elles :
– Cécile, nonne puis abbesse à l’abbaye aux dames. Elle est morte en 1127
– Adéla : mariée à Etienne, comte de Blois, morte en 1137
– Constance, mariée à Alan IV Fergant, comte de Bretagne, morte en 1090.
La politique de mariage de Guillaume envers ses filles, montre qu’il est encore préoccupé par la stabilité du duché de Normandie.
La famille stabilise le royaume, les dissensions le fragilisent. Même si les querelles au sein de la famille de Guillaume n’ont pas atteint le niveau de la famille Plantagenêt, elles ont
néanmoins fragilisées la succession de Guillaume.
Henri Ier beauclerc, dernier fils légitime de Guillaume (enluminure)
8. William and his Anglo-Normand Dominion
Guillaume voyage beaucoup entre l’Angleterre et la Normandie (19 fois entre 1067 et 1087, année de sa mort).
Sur les 239 mois qui séparent la bataille d’Hasting de sa mort, il passe 145 mois en Normandie et 94 en Angleterre. Il passe beaucoup de temps en Angleterre entre 1066 et 1072 (période de
stabilisation du pouvoir) qu’après 1072. Il est presque absent d’Angleterre entre 1072 et 1080 (problèmes importants en Normandie et dans le Maine). Après 1080, il divise équitablement son temps
entre les deux territoires.
Il a très certainement une préférence pour ses résidences en Normandie. Quand il vient en Angleterre, c’est pour mâter des révoltes (1075-1076), pour restaurer son pouvoir (1080-1081), pour
préparer une nouvelle invasion vers le Danemark (1085-1086) ou pour le domesday Book (1086). Quand il est en Angleterre, il reste surtout dans le royaume de Wessex. Il ne va pas ou peu dans le
nord. Guillaume ne voyage pas de toute façon dans l’ensemble de son territoire, il reste beaucoup en Normandie et dans le sud de l’Angleterre. Les autres territoires sont gérés par des proches,
des gens de sa maison.
Un système de messager a été mis en place entre les deux territoires pour permettre à guillaume de faire connaître ses intentions des deux côtés et être informé des problèmes éventuels.
En cas d’absences prolongées de Guillaume, ce dernier nomme des « deputies ». Plus l’absence est longue, plus Guillaume va nommer des proches (cf. Mathilde en Normandie en 1066).
Relation entre l’Angleterre, la Normandie et le Maine
Les sceaux royaux et les Laudae montrent que Guillaume se voyait comme le chef de deux territoires distincts et non d’un même territoire. Sur son sceau, une face représente le duc de Normandie,
l’autre le roi d’Angleterre. Les laudae en Normandie célèbre le duc de Normandie et prie pour le roi de France (son seigneur), En Angleterre, ils célèbrent le roi d’Angleterre.
Les administrations sont distinctes sur les deux territoires. Chaque territoire est administré comme précédemment (il n’y a pas d’assimilation de l’Angleterre à l’administration normande,
Guillaume maintient sur place l’organisation existante). D’ailleurs deux monnaies vont exister et circuler parallèlement. On retrouve la même chose concernant l’exercice de la justice.
Quant à la succession, la Normandie et le Maine revenaient de plein droit à Robert, et ceci est attesté dans les chartes. Par contre rien n’est dit concernant l’Angleterre. Certains textes
mentionnent l’hypothèse d’une succession de l’Angleterre à Guillaume, troisième fils de Guillaume le conquérant.
Sceau de Guillaume le Conquérant
9. The Structure of Conquest
Comment Guillaume organise ses conquêtes et stabilise son territoire :
– Il érige un château sur chaque territoire conquis et y place une garnison.
– Il taxe les populations pour rétribuer ses proches et financer la construction de nouveaux châteaux, abbayes ou financer d’autres guerres.
Guillaume met en place une nouvelle taxe, le murdrum, que la population devaient payer si l’un de ses seigneurs venait à se faire tuer et si la population ne capturait pas l’assassin.
– Il redistribue les terres conquises à ses proches normands ou français qui l’ont aidé en prétendant maintenir une continuité (il n’y aurait
pas spoliation de terres, mais retour des terres à leur « véritable » possesseur).
– En échange des terres, ses nobles devaient un service militaire.
Guillaume met donc en place un système d’occupation de l’Angleterre et non pas un système d’intégration. Il est directement impliqué dans ce système qui est plus sévère envers l’Angleterre
qu’envers les territoires continentaux. Dans la Maine, par exemple, Guillaume n’a pas été aussi brutal avec les populations (ce qui montre bien qu’il veut occuper et contraindre par la violence
l’île).
10. William and the Church
Les relations entre Guillaume et l’Eglise sont double : il y a dans un premier temps la relation de l’homme souverain avec le pouvoir religieux, puis la relation entre l’homme individuel et
Dieu.
En tant que chef, Guillaume doit protéger et organiser l’église comme tout souverain du XIème siècle. L’autorité papale est prise en compte à cette époque mais il est reconnu que le souverain a
la main mise sur les affaires religieuses dans les limites de son territoire. Les relations avec le Pape sont donc placées sous le signe de la collaboration et non sous le signe de la vassalité
(comme le voudra Grégoire VII).
L’influence de l’église dans la conquête de l’Angleterre a été primordiale et elle s’apprécie à quelques signes évidents avant la conquête : l’obtention de la bannière papale par Guillaume
avant la conquête ; la consécration de l’Abbaye de la Trinité en juin 1066 (juste avant le départ) ; la procession des reliques de St Valérie quand Guillaume et ses hommes attendent un
vent favorable pour partir en Angleterre et la présence d’ecclésiastiques à Hasting. Après la conquête également : une pénitence est imposée aux soldats ; Guillaume fait des dons
importants à des abbayes en France et en Normandie ; les légats du pape viennent le visiter en 1070 et le couronne à nouveau. A chaque fois le but est de donner une légitimité religieuse à
la conquête de l’Angleterre.
Quant à la gouvernance de l’église anglo-normande, même si Guillaume reconnaît la supériorité morale et spirituelle de l’église sur ses sujets (lui y compris), Guillaume entend bien diriger à sa
manière l’aspect administratif de l’église : c’est lui qui nomme les abbés, ou les évêques, lui qui permet ou pas la création d’abbayes. Et on retrouve cette conception en Angleterre,
Guillaume faisant là-bas ce qu’il a fait en Normandie (promouvoir ou déchoir les ecclésiastiques suivant s’ils adhéraient ou s’opposaient à lui). Guillaume est d’ailleurs présent à tous les
conciles en Normandie et en Angleterre. Dans sa conception il y a une différence importante entre l’ordre séculier et l’ordre régulier, ordre séculier qu’il considére comme un organe
administratif et qu’il traite comme tel, par rapport à l’ordre régulier qu’il considére comme de « vrais » croyants.
Il y a clairement une confusion (collusion) entre l’ordre politique et l’ordre religieux : quiconque profère des menaces contre Guillaume en Angleterre sera excommunié. Quiconque en
Angleterre refuse la juridiction de l’abbé sera arrêté par les sheriffs.
En tant qu’homme, Guillaume se préoccupait du salut de son âme. Il allait à la messe tous les jours selon les chroniqueurs. Il a même reçu la confraternité de Cluny en 1074 et 1075. Il est
personnellement responsable de la construction de deux abbayes (St Etienne et La Trinité). Il avait souhaité la construction d’une abbaye à Hastings (elle sera construite plus tard, selon ses
vœux). Il n’était pas superstitieux mais devait craindre comme tout homme du Moyen Age le jugement dernier. Même si le chef dominait dans les affaires religieuses, l’homme faisait des dons pour
compenser sa brutalité.
Abbaye aux hommes, St- Etienne à Caen
11. Difficult Times
La fin de règne de Guillaume fut difficile et ceci pour trois raisons :
– Le retour en puissance du roi de France et du comte d’Anjou. Guillaume est battu par Philippe 1er à Dol en septembre 1076, là où
Ralph avait trouvé refuge. Une paix est signée en 1077 avec Philippe 1er et en 1078 avec le Comte d’Anjou.
– Des querelles familiales avec Robert notamment. Le début du conflit date de la fin de 1077 ou du début 1078 lors d’une querelle entre le
père et le fils à l’Aigle. A l’été 1078-1079, Robert avec l’appui de Philippe 1er lance des raids contre le duché de Normandie. Ils vont combatte l’un contre l’autre jusqu’à leur
réconciliation en avril 1080.
– Le retour des émeutes en Angleterre en 1074 et 1075. La première révolte est conduite par Ralph, le duc de Norfolk et de Suffolk,
accompagné de Roger, comte de Hereford. Il y a aussi des révoltes en Ecosse en 1080 et dans le Pays de Galles en 1081.
Face à ses problèmes internes et externes, Guillaume continue son cheminement religieux : il dédicace l’abbaye de Bayeux, puis celle d’Evreux, de Le Bec et de St Etienne de Caen.
Durant cette période, (de 1076 à 1081), Guillaume a réussi à maintenir l’unité de son royaume contre Philippe 1er et les barons anglais. Cependant il doit admettre que le temps des
conquêtes est révolu, qu’il n’est plus imbattable (cf. Dol) et que son fils est devenu son talon d’Achille. Guillaume se bat mais gagne ou conserve ses territoires en négociant. Tactique qui va
plutôt bien marcher jusqu’à la fin de son règne.
12. The Last Year
Les dernières années de son règne sont marquées par un relatif calme en Normandie et en Angleterre. Parmi les événements importants :
– La disgrâce d’Odo, le demi-frère de Guillaume alors qu’il cherchait probablement à devenir Pape.
– La mort de Mathilde le 2 novembre 1083
– De nouvelles querelles entre Guillaume et son fils Robert après la mort de Mathilde, ce qui conduit au bannissement de Robert de Normandie.
Robert s’exile donc en Europe.
Après la disgrâce d’Odo, la mort de Mathilde et l’exil de Robert, l’instabilité est grande. Il y a de nouvelles révoltes dans le Maine (1084) et de nouvelles invasions de l’Angleterre par le
Danemark (1085-1086) jusqu’à la mort du roi Cnut.
Le Domesday Book
Ce manuscrit comprend deux volumes : le Great Domesday (compte rendu général des territoires anglais à l’exception du Suffolk, du Norfolk et de l’Essex) et le Little Domesday (compte rendu
général des territoires du Norfolk, Suffolk et Essex).
Dans les deux cas, il s’agit d’un vaste inventaire des territoires et des possessions de chaque seigneur (taxe, valeur, généalogie).
La création de cet inventaire aurait été décidée à Gloucester à Noël 1085 lors d’une cérémonie de présentation de la couronne. L’objectif est de recenser pour les taxes futures (toujours dans
l’optique de se prémunir des invasions futures), il s’agit aussi d’enregistrer les tenures (et leurs changements) après 19 ans de domination normande. Enfin l’inventaire permet de résoudre des
conflits de propriété pour mettre un point final à la conquête normande par la reconnaissance des terres acquises.
En juillet 1087, Guillaume attaque le territoire du Vexin (en réponse à des raids du roi Philippe 1er). Il est blessé lors d’une bataille et est ramené mourant à Rouen.
Il fait des dons à des églises, nomme Robert son fils ainé, pour lui succéder à la tête du duché de Normandie et donne à Guillaume, son deuxième fils, la garde de l’Angleterre sans le nommer
directement roi. Il donne enfin à Henri son troisième fils de l’argent.
Guillaume meurt le 3 décembre 1087.
Tombe de Guillaume le Conquérant, Abbaye des hommes, Caen
William’s funeral in the abbey church of St-Etienne was attended by all the bishops and abbots of Normandy, included his brother Odo, already released from prison. Of
his sons, only Henry was present; Robert had not yet returned to Normandy, while William was in England securing his new kingdom, having heard the new of his father’s death as he prepared to
cross the Channel. The Bishop of Evreux preached the sermon, with William’s body still resting on the bier, on view to all. Then, before the body could be placed into the tomb, a citizen of Caen
named Ascelin, son of Arthur, stood up and announced that the ground on which they were all standing had been taken illegally from his father by William before 1066. Hurried and embarrassed
consultations took place. It was discovered that the man was speaking the truth and he was quickly recompensed with money. William’s corpse was then lowered into the tomb, but it burst open
because the space which had been prepared was too small. A terrible smell spread through the chruch – presumably from the putrefying innards – which could not be dissipated by the frankincense
and other spices. The priests concluded the rites very quickly and fled. This gruesome and humiliating end provoked Orderic, who is the main source for these events, to some of that moralizing
which came easily to a medieval cleric, on the insignificance of all human endeavour. A great king, once all-powerful, was reduced to nothing by these indignities.
Epilogue
Sa mort est suivie d’une panique générale et d’une période de tumulte en Angleterre et en Normandie. Une bataille féroce s’ouvre entre les trois fils. Guillaume fils, devient Guillaume II
d’Angleterre, ce qu’il restera jusqu’en 1100. Henri défait son frère Robert à la bataille de Tinchebray, il prend le contrôle de la Normandie en 1106 après avoir acquis l’Angleterre à la mort de
son frère Guillaume II en 1100.
Henri deviendra Henri 1er Beauclerc, grand-père maternel d’Henri Plantagenet.
Plan
Intro
Setting the Scene
Boyhood and Youth
Supremacy in Northern France
Normandy before 1066
The Conquest of England
The Triumphant King
The Man and his Family
William and his Anglo-Norman Dominions
The Structure of Conquest
William and the Church
Difficult Times
The Last Years
Epilogue
- Les Onze de Pierre Michon (Editions Verdier) - Août 20, 2014
- Chroniques de Jerusalem de Guy Delisle ; une naïveté construite - Juil 5, 2014
- La mort de Staline: l’agonie de Staline en BD selon Fabien Nury et Thierry Robin - Juil 5, 2014