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Les pavots rouges – Alai

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Voyage littéraire aux confins du Tibet et de la Chine quand les chefs de clan régnaient sur les vallées et les hommes qui y habitaient, pour découvrir une histoire de Alai, un Chinois du Tibet, qui raconte la saga d’une famille qui devint puissante grâce au pavot mais connut hélas rapidement le déclin. Les derniers soubresauts du Tibet avant la sinisation.

« J’étais juste un passant, venu sur cette terre merveilleuse quand le système des chefs de clan approchait de sa fin.» Il était le second fils du chef du clan des Maichi, là-bas à l’est du Tibet, aux confins de la Chine, où « les chefs de clan avaient toujours préféré l’empire temporel de l’est au pays spirituel de l’ouest. » On le disait idiot… mais l’était-il ? En tout cas, c’est lui qui raconte l’histoire de du clan des Maichi, de son expansion, de sa splendeur et de sa déchéance.

Dans les années trente, dans ces vallées perdues, les chefs de clan disposent d’une pouvoir absolu sur leur territoire et leurs sujets et se livrent des guerres fratricides pour assurer leur hégémonie et accroître leur trésor. Pour vaincre un vassal félon, le chef du clan des Maichi fait appel à la puissance du voisin chinois qui lui fournit des armes modernes pour assurer une victoire aisée et un prestige certain auprès des autres seigneurs.

A cette occasion, le Chinois incite le chef du clan vainqueur à planter des pavots dont il achètera, lui-même, la production,  ce qui apportera une grande richesse à celui qui en assurera la culture. Après plusieurs échauffourées, guerres et autres amabilités entre voisins, tous les clans disposent des graines de pavot et se lancent dans la culture spéculative sans retenue jusqu’au jour où la carence en céréales vivrières crée une dure famine. Seul le clan Maichi qui a semé de l’orge, tire profit de cette calamité pour augmenter encore ses richesses en vendant son orge à des prix mirobolants et en installant une forme d’autorité sur les autres clans. Le pays entre alors dans l’ère de l’économie de marché, l’idiot construit une véritable ville commerciale à la frontière du pays des Han. « C’était la première fois, dans l’histoire des chefs de clan, que l’on transformait une forteresse en marché. »

Mais cette ouverture deviendra rapidement néfaste aux populations car les blancs et les rouges qui s’opposent en Chine, exporteront vite leur conflit sur la terre tibétaine pour le plus grand tord de cette civilisation des chefs de clans qui connaîtra alors un déclin inéluctable.

Ce vaste récit, à la fois roman picaresque et rocambolesque, conte épique mais aussi parabole sur le pouvoir et son exercice, la puissance et la gloire, le déclin et la déchéance, est prétexte à brosser un vaste portrait de ce Tibet particulièrement méconnu, loin de Lhassa et de son pouvoir, bien différent de l’imagerie habituelle, plus proche de la Chine. Mais, l’auteur, même s’il est Tibétain, est aussi un bon Chinois récompensé par le plus grand prix littéraire de son pays, le prix Mao Dun, et, donc, sa version n’est pas forcément la plus objective mais c’est un regard qu’il ne faudrait tout de même pas oublier.

Ce récit a aussi le mérite de démontrer comment une culture hautement spéculative a pu, en s’appuyant sur la cupidité des hommes, conduire une civilisation vers son déclin et lui inculquant la gangrène que véhicule l’économie de marché, à l’image des drogues et maladies vénériennes qui envahissent les villes nouvelles dévolues au commerce. Les bordels s’installent aux côtés des auberges, des banques et autres échoppes et répandent la syphilis dans les populations corrompues. L’enrichissement brutal de ce pays, resté jusque là dans les nimbes médiévales, va inéluctablement attirer le regard du puissant voisin qui, en manipulant les chefs de guerre frontaliers, va trouver, là, une excellente porte pour entrer dans ce territoire qu’il revendique depuis un certain temps déjà.

L’idiot qui narre cette saga familiale, l’aventure de tout un peuple, la déchéance d’une civilisation, la fin d’une époque, n’est peut-être finalement pas si idiot que ça. Car, s’il n’a pas forcément l’intelligence de son frère aîné, il a des intuitions souvent très opportunes, un bon sens bienvenu, et il sait user à bon escient de la ruse et de l’astuce qu’il oppose à la force brutale des autres. « Je savais, à présent, quand je devais surprendre ceux qui me méprisaient en ayant l’air d’être la personne la plus intelligente du monde. Puis, quand je leur avais fait assez peur pour qu’ils me traitent comme un garçon intelligent, j’agissais à nouveau stupidement. » Et, c’est un intéressant discours sur le pouvoir et son exercice, l’intelligence et l’intuition, la stratégie et le hasard, que nous propose Alai à travers ce texte qui pourrait paraître un peu primaire à certains, d’autant plus, qu’en ce qui me concerne, je n’ai lu qu’une version traduite de l’américain. Les risques de déperditions et de transformations ne sont tout de même pas nuls en passant du chinois à l’américain et de celui-ci au français.

J’ai eu l’impression, par moments, d’entendre comme des roulements de tambour venus du côté de chez Gunther Grass, mais ce n’est peut-être qu’une impression, « … même les gens intelligents sont quelquefois stupides. »

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