L’influence du néoréalisme italien sur le cinéma iranien des années 90-2000 est manifeste, au moins pour la plupart des films qui nous sont parvenus durant cette période. A propos d’Elly s’en démarque mais fait inévitablement penser à un autre film italien, L’Avventura d’Antonioni. On y pense car les sujets sont semblables mais le film d’Asghar Farhadi n’est pas non plus un remake.
Berlinale 2009/ Ours d’argent
Un groupe d’amis, étudiants à Téhéran, passe un week-end dans une demeure au bord de la mer Caspienne. Ils ont invité Elly, une jeune institutrice, afin de la présenter à l’un deux. Le séjour se déroule innocemment jusqu’à ce qu’Elly disparaisse mystérieusement en mer…
Le point de départ est semblable à celui de L’Avventura mais les films empruntent des directions contraires. Antonioni évoquait la fragilité du sentiment amoureux, la question du désir quand Farhadi raconte plus frontalement la société iranienne. Dans sa première partie, A propos d’Elly montre une jeunesse iranienne comme on a peu l’habitude de la voir représentée : libre, insouciante, festive, et avec une relative égalité dans les rapports hommes/femmes. Un enfant manque de se noyer peu avant la disparition d’Elly. Cet accident marque le point de bascule. Soudain, les mensonges et les rapports de forces ressurgissent. Une certaine paranoïa s’installe aussi puisqu’il parait inconcevable au groupe de signaler la disparition de leur invitée aux autorités.
Le film se construit autour d’un premier mensonge, un peu mesquin et qui parait d’abord assez innocent. Elly n’est là que pour être présentée à Ahmad, jeune homme étudiant en Allemagne et qui n’a que quelques jours pour se trouver une épouse. Les deux personnes concernées ne savent pas ce qui se trament. Ce mensonge initial va pervertir l’ensemble des interactions entre les personnages après la disparition et prendre des proportions que plus personne ne maîtrise vraiment. Les révélations vont s’enchaîner et les mensonges s’accumuler.
A propos d’Elly nous parvient en France quelques semaines après les manifestions qui ont suivi la réélection troublée et troublante de Mahmoud Ahmadinejad mais illustre à merveille cette posture permanente des autorités iraniennes, toujours prompt à la manipulation, la duperie et le mensonge. Au-delà des seules élections dont on peut largement imaginer qu’elles ont été truquées, on pense aux mensonges d’états concernant les sites d’enrichissement de l’uranium, aux manipulations médiatiques etc. C’est ce climat là d’oppression et de mensonges permanent qu’A propos d’Elly décrit et rend compte, jusque dans la dénonciation par une voisine que finira par subir le groupe.
Réalisé caméra au point et en quasi temps réel, le film nous immerge au coeur de l’action. Nous sommes parmi les personnages. L’effet est proprement saisissant, en particulier quand le film bascule au moment de la disparition d’Elly. Ce caractère authentique inscrit d’autant mieux le film dans la réalité, renforce son impact.
La comparaison avec L’Avventura s’évapore ainsi d’elle même, car le cinéaste ne poursuit absolument pas la même finalité qu’Antonioni. D’ailleurs, contrairement au réalisateur italien, Farhadi finira par nous donner toutes les réponses.
Benoît Thevenin
A propos d’Elly – Note pour ce film :
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