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Exposition archéologique de Mark Dion à Arles : de curieuses fouilles et un artiste au talent fou

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Chapeau l’artiste ! Comme ses pairs bien en cour, il faut l’avouer, l’artiste contemporain Mark Dion a un talent fou : si ce n’est pas dans le savoir-faire, c’est dans le faire-savoir. L’exposition au Musée départemental Arles antique, « César, le Rhône pour mémoire », lui offre ainsi gentiment l’occasion de faire parler de lui. Et puisque c’est pour trois fois rien, ça tient triplement de la création. C’est tout un art de savoir se greffer sur une manifestation courue pour profiter de sa lumière.


Une superbe exposition archéologique
On se presse, en effet, à cette exposition passionnante qui livre un choix d’objets archéologiques remontés du lit du Rhône le long de la ville d’Arles. Des dépotoirs romains ont été explorés depuis vingt ans et nombre de vestiges d’un port fluvial gisant dans une eau trouble depuis des siècles en ont été extraits. Ont pu ainsi être principalement reconstitués des éléments de batellerie romaine avec leurs chargements de métaux en disques ou lingots, plomb, cuivre, étain, ou d’amphores de tout profil pour le transport de liquides, vin, huile, saumure, garum, provenant d’Espagne ou d’Italie. Ont aussi mystérieusement survécu, étonnamment intacts, dans les gravats des récipients culinaires, cruches, chaudrons, casseroles, finement ciselés parfois, et même quelques statues de bronze ou de marbre.
Prise pour emblème de l’exposition, une tête sévère dégarnie en marbre blanc, attribuée à César après mise en série, est magnifiée en fin de parcours dans la dernière salle : elle trône sous un faisceau lumineux tombant des cintres devant une paroi de verre laquée au rouleau d’un entrelacs doré. Cette sculpture n’est pas seule à être ainsi exaltée. Les objets les plus humbles, les plus triviaux, lampes à huile ou vases ébréchés, resplendissent tout autant dans des vitrines soignées comme des écrins.
La mise en scène de cette exposition est un enchantement : une science de la lumière par faisceau descendant dessine des halos sur les objets dans la pénombre environnante propice à la contemplation : un vase en céramique sigillée rouge livre ainsi son relief de rinceaux qui courent autour de sa lèvre ou l’inscription érodée d’une stèle ressort lisible en lettres d’ombre et de lumière rasante. Sur le parcours sinueux de la visite, des toiles, dressées comme des paravents contre les murs, offrent des croquis archéologiques démesurément grossis où se mêlent à des détails floraux de vases des scènes antiques de débarquement d’amphores, parfois traversées d’hommes-grenouilles insolites. Des écrans retiennent ici et là le visiteur, le temps de voir émerger du fleuve le dolium qu’on a devant soi ou d’assister à la reconstitution d’un bateau, élément par élément, près de sa maquette.
Une parodie de création artistique
Aussi, grisé par ces vestiges arrachés au fleuve qui doucement rayonnent dans l’ombre sous leur halo de lumière, se laisse-t-on volontiers guider, en sortant de la dernière salle, par les flèches qui indiquent à l’étage une suite naturelle de la visite : « Mark Dion, artiste invité – Un autre regard sur les fouilles du Rhône », est-il annoncé. L’affiche au pied de l’escalier fait pourtant craindre le pire : c’est une parodie de croquis archéologique présentant une coupe de tronc d’arbre avec ses anneaux de croissance concentriques. La dendrochronologie est, en effet, une des méthodes de datation employée en archéologie. Seulement, si le point central désigne ici l’époque de César, l’artiste n’a rien trouvé de plus important dans l’histoire de l’humanité que de dater en périphérie près de l’écorce la farce de Duchamp avec sa « fontaine » !
En haut de l’escalier, ce n’est guère mieux : un long muret barre la route pour diriger le visiteur vers une salle : il est couvert de croquis au crayon d’objets archéologiques inscrits dans les cadres d’un carroyage. C’est encore une parodie puisqu’on y trouve, mêlés à des tessons ou des os, un téléphone portable, des boutons, une fourchette, un camion. Sans doute est-ce pour rappeler que la civilisation d’aujourd’hui sera celle d’hier pour celle de demain et que ses objets rejoindront la même fosse commune. Les civilisations seraient-elles donc mortelles ? L’idée est novatrice.
Laissant alors à droite le fourbi d’un atelier d’archéologue et à gauche des rayonnages garnis d’amphores enfermés derrière une grille avec pancarte qui en interdit l’accès au public, on entre dans une seconde salle où sur une longue table-vitrine violemment éclairée sont classés des tessons de bouteilles par couleurs, blancs, rouges, bleus, jaunes, verts. Passé l’effet de surprise, on cherche à poursuivre la visite. Mais il n’y a pas d’autre issue que de revenir sur ses pas. C’est alors qu’on comprend que le fourbi d’atelier archéologique et la cage aux amphores sont des pastiches de réserves d’un musée : Duchamp avait introduit un urinoir au musée ; Dion y installe un évier près d’un plan de travail d’archéologue encombré d’instruments divers avec des boîtes superposées et étiquetées, dont l’une contient… des boîtes. Sur un côté, on remarque maintenant une commode de collectionneur à multiples tiroirs : on était passé devant sans la voir.
C’est peu de dire que l’œuvre de l’artiste laisse perplexe. Créer, c’est faire quelque chose de rien. On cherche vainement d’un regard circulaire ce quelque chose au-delà du pastiche, de la parodie, de la farce de potache, de la surprise aussi vite disparue que survenue. On comprend alors pourquoi au beau milieu de la salle sont plantées deux affiches bavardes : elles expliquent les desseins de l’artiste à défaut de ses dessins et un studio attenant passe même en boucle à qui veut l’entendre ses ratiocinations. Son œuvre ne parlant pas d’elle-même, comme c’est l’usage chez nombre de ses collègues, l’artiste éprouve le besoin de parler de lui. Il y est question dans cette « monstration » de « déconstruction ». Tout est dit ! Dans un langage emprunté au BTP, l’euphémisme cache mal « la destruction » à l’œuvre et la désolation qu’elle sème autour d’elle.
On est pris d’un sentiment d’effroi. Comment pareil histrion a-t-il pu s’introduire dans une manifestation aussi prodigieuse qu’est l’exposition « César, le Rhône pour mémoire » ? Comment a-t-il pu susciter l’intérêt de ses créateurs et organisateurs ? À quelle coterie, quelle écurie, quel réseau ne faut-il pas appartenir pour être admis, avec pour tout bagage une valise de farces et attrapes, dans ce Saint des Saints de la culture qui célèbre la résurrection d’une civilisation sauvée des eaux ? Puisque l’artiste a déjà jeté dans la fosse commune du temps archéologique les vestiges de la civilisation d’aujourd’hui, s’est-il jamais demandé ce qui restera de ses « fouilles curieuses » dans seulement quelques mois ? Tout juste une association à une contrepèterie usée. Paul Villach

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