Ma petite fille de trois ans me demande – comme le font tous les enfants à cet âge : « Pourquoi il fait beau aujourd’hui » ? « Pourquoi le ciel est bleu » ? « Pourquoi les fourmis aiment le sucre » ? « Euh… » Je réponds… « Parce qu’il y a des saisons », « Parce qu’il n’y a pas de nuages », « Parce que le sucre, c’est bon » – « Pourquoi le sucre c’est bon » ? Insiste-t-elle. « Parce que j’aime… » Et têtue : « Et pourquoi tu aimes » ?
Pourquoi j’aime la Thaïlande ? Parce qu’elle est pimentée et sucrée, parce qu’elle est forte et joyeuse, combattive et insouciante, parce qu’elle se fiche de son passé et croit naïvement en son avenir, parce qu’elle ne se sent coupable de rien, infantile et donc joyeuse, parce qu’elle n’aime pas se prendre la tête et réfléchir trop, parce que, assurée de ses renaissances, elle n’a pas vraiment peur de la mort, parce qu’elle sait jouir de l’instant sans complexe, parce qu’elle sait, d’instinct, méditer, et du coup, elle médite sans le savoir…. Et pourquoi j’aime mon ami, pur produit traditionnel thaï, à peine mâtiné de sang chinois – un quart seulement, donc pas assez pour avoir le sens des affaires, mais trois-quarts de thaï, donc carrière couplée ou mêlée militaire/enseignante. Je l’aime parce qu’il chante, et pourquoi il chante ? Parce qu’il a le cœur léger. Et pourquoi il a le cœur léger ? Parce qu’il a la capacité d’oublier ou de gommer tout ce qui est négatif, contraignant, désagréable. La pluie est arrivée ? Alors il est content, les paysans de sa région autour de Phitsanulok attendaient cette pluie anxieusement depuis des semaines. Ils vont enfin pouvoir aller travailler dans la rizière. Et puisque le bonheur peut être simple et communicatif avec lui, je me suis réjouie moi aussi. Pour ces paysans. Parce que la pluie c’est leur vie. Parce que la pluie, c’est la vie.
Lors de mes trajets en tuk-tuk ou en songthaeaw (j’aime monter à l’avant pour pouvoir discuter avec les chauffeurs), ceux-ci, immanquablement, me demandent d’où je viens, combien j’ai d’enfants, quel âge j’ai, puis arrive la question du temps qu’il fait en France. J’explique les saisons : ฤดูใบไม้ผลิ = reudou bai mai pli (saison feuilles d’arbres bourgeonner) – ฤดูร้อน = reudou ron (saison chaude) – ฤดูใบไม้ร่วง = reudou bai mai rouang (saison feuilles d’arbres tomber) = ฤดูหนาว = reudou nao – (saison froide). Et tous s’inquiètent : « Et la saison des pluies alors ? Vous n’avez pas de saisons des pluies » ? « Alors commence pousse le riz chez vous » ? J’explique : « Pas de riz, mais du blé… » Ah… Scepticisme et hochements de tête dubitatifs… pas de riz, mais dans quel pays vivons nous alors !… et pas de saisons des pluies… comment peut ton vivre dans un pays sans saisons de pluies ?
Finalement regards incrédules. Ou admiratifs. Et enfin, éclats de rire…
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