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Avatar : nouveau mythe moderne?

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avatarAprès deux semaines d’exploitation en salle, Avatar s’impose triomphalement au sommet du box-office. Cette réussite commerciale ne s’explique pas seulement par l’attente générée par le film, mais plus sûrement parce qu’il est une oeuvre de qualité et qui tient toutes ses promesses. Dans ma critique à chaud d’Avatar, au sortir de la projection de presse, je préférais rester mesuré face à l’enthousiasme déjà flagrant suscité par le film, parce qu’il est toujours inopportun de jurer d’une révolution lorsque l’on a pas encore les clés en mains pour se rendre compte de l’impact réel d’un film sur la production à venir.

Michael nous propose une lecture très intéressante et pertinente, je crois, qui permet d’envisager Avatar selon une autre approche que celle purement technique et graphique que beaucoup ont déjà largement commenté…

Un projet fédérateur :

 

Si certains films à grand spectacle sont conçus dans l’unique but de rapporter un maximum d’argent et une gamme infinie de produits dérivés, d’autres sont aussi de grandes œuvres fédératrices, visant à rassembler les foules pour leur faire partager une vision, la vision d’un grand cinéaste (en l’occurrence ici James Cameron). Avatar est de ceux-là. Si ce « film somme » de James Cameron connaît déjà le succès, ca n’est pas seulement parce qu’il nous fait entrer dans une nouvelle ère cinématographique sur un plan visuel, mais aussi et surtout parce qu’il puise sa source dans les grandes histoires dont sont faits les mythes (mythes qui trouvent eux-mêmes leur fondement dans la réalité), dans ces histoires ancestrales qui traitent d’héroïsme mais surtout du dépassement de soi.

Jake Sully, figure chevaleresque et héros moderne

Dans un sens, Jake Sully n’est rien d’autre qu’un chevalier de légende qui, à l’instar de Saint-Georges ou de Siegfried, s’en va combattre le dragon (le premier étant le monstrueux Toruk, et le second la flotte du colonel Quatrich qui ailleurs porte le surnom de « dragon ») pour libérer son peuple (ou un peuple). Il est l’Elu par lequel tout doit changer, le « Toruk Macto », celui qui dompte la Mort qui vient d’en Haut (donc à la fois la créature ailée et les Marines) et qui doit rassembler les peuples. Ainsi, Jake Sully trouve sa place au panthéon de guerriers mythiques comme Persée (Le Choc des Titans et son futur remake) ou Beowulf, personnage dont le récit a engendré des films comme Le 13ème guerrier ou plus récemment La Légende de Beowulf, (un des premiers films entièrement réalisé en motion capture).

Dans toute grande saga épique survient un héros prophétique dont la fonction est de rétablir l’ordre du monde. Luke Skywalker doit apporter l’équilibre à la Force, se battre contre l’Empire et ramener son père du bon côté, Neo doit libérer tous les humains prisonnier de la Matrice, John Connor doit conduire la Résistance à la victoire dans la guerre contre les machines, etc. Ici, Jake doit aider une tribu Na’vi à repousser l’envahisseur terrien. Jake ressemble aussi à ces leaders de l’histoire contemporaine, porte-paroles des classes moyennes et défenseurs des milieux défavorisés, dont le discours fédérateur a poussé des ethnies à se rebeller contre l’oppresseur : « Il nous nous envoyé un message, disant qu’ils peuvent prendre tout ce qu’ils convoitent. Nous allons leur répondre que ce monde est notre Terre à nous ! ».

Entre mythe, histoire, actualité et futur

Au-delà de son pitch habile, à savoir un ex-marine paraplégique qui contrôle à distance le corps d’un indigène extraterrestre, Avatar nous parle de l’histoire de l’Humanité, et plus particulièrement de la découverte de l’Amérique par les colons et de l’asservissement des indiens du Nouveau Monde. En ce sens, le film nous rappelle le récit émouvant de John Smith et Pocanthas. James Cameron nous avait déjà offert un grand rendez-vous avec l’Histoire à l’aube des années 2000 avec Titanic, qui nous parlait non seulement du naufrage du plus grand paquebot de tous les temps, mais aussi de celui de l’Homme qui, aveuglé et enorgueilli par sa puissance technologique, n’a pas su se montrer respectueux des forces de la Nature et a lamentablement échoué dans sa conquête du Monde.

Avatar traite de la même chose, à l’exception que l’intrigue est transposée sur une planète lointaine, et non plus sur l’océan. D’une manière subtile, Avatar nous parle aussi de notre avenir, et plus spécifiquement de la conquête spatiale à laquelle nous serons obligés de nous livrer d’ici quelques siècles, si nous n’arrêtons pas de piller notre planète. Le film a donc également, au-delà de sa portée mythologique, une dimension écologique à côté de laquelle il est difficile de passer, surtout à l’heure actuelle. Mais ça n’est pas la seule résonance avec l’actualité. Dans ses films, James Cameron s’interroge sur le devenir de l’Homme face au progrès, et il a choisi cette fois une histoire qui se déroule dans le futur certes, mais qui prend ses racines les histoires de nos ancêtres et le rapport à la Nature qu’ils avaient à l’aube des temps (que la plupart de nos sociétés ont perdu aujourd’hui mais qu’ont encore certaines tribus aborigènes).

Comme dans bien des quêtes héroïques, Avatar nous invite dans un univers féerique, qui est ici d’une authenticité absolue, avec sa flore aussi belle que foisonnante et sa faune prête à nous « croquer » selon les mots de Quatrich, et en même temps cohérent de bout en bout. Comme le dit le personnage incarné par Sigourney Weaver : « Sur Pandora, tout est relié par un réseau ». Sous certains aspects, Avatar traite aussi de notre rapport intime à l’informatique (qui a progressivement remplacé notre rapport à la Nature). En effet, Pandora est aussi une métaphore d’internet. Ca n’est pas pour rien que l’on se rend sur Pandora via un « avatar » (vignette censée nous représenter sur la toile) que l’on pilote à distance (ce qui n’est pas sans rappeler les jeux en ligne), et que Grace Augustine fait allusion à un « réseau » par le biais duquel les Na’vis peuvent « télécharger des données » qui sont en fait les pensées de leurs descendants, en se connectant à l’Arbre des âmes. Pandora, c’est aussi un cerveau, une planète intelligente abritant une forêt dont les racines sont comme les synapses du cerveau humain, ce qui sert à nous rappeler que notre planète aussi est « vivante » et « pense » peut-être. Que penserait-elle de nous d’ailleurs, si elle pouvait nous parler ?

Pour les Na’vis, la planète est comme une divinité qui n’est pas sans rappeler la déesse Gaïa dans la mythologie grecque, et Pandora en elle-même nous évoque le Jardin d’Eden dont il est question dans la Genèse. Ainsi, encore une fois, tout nous ramène aux mythes ancestraux. Avatar, c’est le récit d’une âpre lutte entre la Nature et la technologie, comme en témoignage le combat entre les Marines enfermés dans leurs machines de la Mort et les Na’vis chevauchant des montures terrestre ou ailées.

Faire du neuf avec de l’ancien

Il se pourrait qu’Avatar ait le même impact aujourd’hui que le premier Star Wars a la fin des années 70, un film qui offrait à la fois une belle histoire universelle, un combat épique entre les forces du Bien et du Mal, et une avancée technologique indéniable qui avait propulsé dans une nouvelle dimension le cinéma de divertissement. Il est amusant de constater que ce sont souvent avec les histoires les plus intemporelles qu’ont lieu les plus grandes avancées en matière de techniques cinématographiques. A l’époque, Star Wars : Un Nouvel Espoir nous plongeait pour la première fois au cœur d’une bataille spatiale entièrement crédible (tout le monde a encore en mémoire l’attaque de l’Etoile de la Mort).

De son côté, Avatar nous offre enfin des personnages virtuels (toutefois interprétés par de vrais acteurs via le procédé de motion capture) dotés de vraies émotions, d’expressions véritablement subtiles qui retranscrivent toute la profondeur de l’âme humaine. Au moment de la sortie du Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours de Peter Jackson (autre grand récit épique), cette technique n’en était qu’à ses balbutiement, et pourtant Gollum nous offrait déjà une impression de réalisme saisissant. Ce sentiment est poussé à son paroxysme avec Avatar, puisqu’on parvient à ressentir de vraies émotions pour les personnages, à vibrer pour eux, notamment pour Jake et la belle Neytiri (première créature extraterrestre à susciter autant d’émoi dans le cœur des spectateurs masculins).

Des archétypes forts et indémodables

Ainsi, en utilisant le meilleur de la technologie actuelle, James Cameron est parvenu à créer avec Jake et Neytiri de nouveaux icones cinématographiques, qui s’inspirent d’archétypes aussi vieux que le Monde mais qui ont le méritent de durer éternellement, de ne jamais tomber en désuétude, quelque soit l’époque ou le contexte. La « princesse guerrière » est un fantasme auquel beaucoup d’hommes se prêtent volontiers. Elle doit par ailleurs son existence aux walkyries des mythes nordiques, aussi présentes dans la tétralogie de Wagner. La walkyrie choisissait qui devait vivre ou mourir sur le champ de bataille (dans Conan le barbare, le Cimerrien a justement pour alliée et amante une walkyrie). L’univers de James Cameron est familier de ce type de personnage (Sarah Connor et Ellen Ripley sont toutes les deux des « protectrices »), et ce dernier nous montre encore une fois que les femmes sont aussi capables d’actes héroïques ; c’est Neytiri qui abat le colonel Quatrich avec ses flèches, sauvant ainsi Jake.

C’est aussi elle qui sera chargée de son initiation au sein de la tribu. De même que le spectateur s’identifiera facilement au personnage de Jake Sully, un homme ordinaire, réduit à néant par son infirmité, voué à devenir un héros « extraterrestre » extraordinaire, à force d’apprentissage, de sagesse et surtout d’amour et de compassion. Pour cela, Jake aura trois mentor dans le film : d’abord Quatrich, qui le confortera dans des valeurs guerrières propres à sa condition de Marine, lui indiquant de manière non intentionnelle la voie à ne pas suivre, ensuite le docteur Grace Augustine, responsable du projet Avatar, qui en lui donnant son corps de Na’vi, lui apprendra à refreiner ses ardeurs et à penser par lui-même, et enfin Neytiri, qui deviendra sa bien-aimée et qui lui enseignera le rapport à la Nature qui sera à l’origine de son changement définitif. C’est d’ailleurs ce que prônent tous les mythes : le changement, la transformation par la transcendance.

Si la figure du Mal tient une place essentielle dans ce type de récit, les méchants ne sont pas en reste dans Avatar. Le colonel Quatrich se révèle une figure paternaliste rassurante, et en même temps un guerrier impitoyable face à ses ennemis, A l’image du Terminator, Quatrich se battra jusqu’à son dernier souffle (au sens figuré comme au sens propre), pour défendre les valeurs en lesquelles il croit. En ce sens, il est presque aussi héroïque dans ses actions que Jake, sauf qu’il se bat dans un autre camp. Il accuse d’ailleurs Jake d’avoir « trahi son espèce ». Comme tout bon méchant, il a aussi un côté humain (comme Dark Vador quand il sauve son fils des griffes de l’Empereur). On en a la preuve lorsqu’il fait solennellement la promesse à Jake de lui rendre ses jambes, si celui-ci accomplit sa mission qui lui a été confié. La notion de trahir la patrie qui nous a vue naitre est commune à bien des films historiques, qu’il s’agisse du Dernier Samouraï, du Nouveau Monde ou de Danse avec les loups.

Dans tous ces exemples de films, un officier est envoyé dans le camp de l’ennemi pour apprendre à le connaître et à gagner sa confiance, pour mieux le frapper au coeur. Mais si le soldat en question apprendra effectivement à mieux connaître l’adversaire, il apprendra aussi à l’aimer et finira par épouser leur cause, le plus souvent à cause d’une femme de laquelle il tombera amoureux. Avatar, c’est aussi une grande histoire d’amour, de celles qui marquent durablement les esprits – à l’instar de Titanic – qui était lui-même comparé à l’époque de sa sortie à de grandes fresques comme Autant en emporte le vent ou les films de David Lean. L’histoire du Titanic est d’ailleurs un mythe, à sa manière. Il s’agit simplement d’un mythe plus actuel.

Des mythes qui sont éternels

Avatar représente bien davantage qu’une révolution technique. Se limiter à cela serait passer à côté de la portée humaniste, philosophique et surtout émotionnelle du film.  Il s’agit aussi et avant tout d’une histoire poignante, une quête initiatique reposant sur des personnages forts, puisés eux-mêmes dans les grandes figures des récits épiques. Avatar fait partie de ces histoires qui font rêver, peu importe l’entertainment et les moyens mis à disposition, de ces œuvres dans lesquelles chacun trouve une partie de soi-même, parce qu’elles font justement référence à des mythes qui ont pour vocation de nous aider à devenir meilleur, et que si les siècles passent et que les supports narratifs changent (du ménestrel et ses chansons, en passant par les livres jusqu’aux salles de cinéma en Imax 3D), les mythes eux, demeurent éternellement, tant qu’ils s’inspirent de l’Homme. L’histoire nous l’a prouvé maintes fois et continuera sans aucun doute de le faire.

Michaël Frasse-Mathon

Filmographie sélective de James Cameron :

1978 : Xenogenesis (c.m) voir le film
1984 : Terminator
1986 : Aliens le retour
1989 : Abyss
1991 : Terminator 2 : Le Jugement dernier
1994 : True Lies
1997 : Titanic
2009 : Avatar


Avatar

Réalisé par James Cameron
Avec Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Joel Moore, Giovanni Ribisi, Michelle Rodriguez, Wes Studi, …
Année de production : 2008
Sortie française le 16 décembre 2009

http://laternamagika.wordpress.com/

 

Benoît Thevenin

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