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Atoll de Bikini : « Tout est dans les mains de Dieu »

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Bikini et bikinis. 

carte iles bikini

 Un dimanche de 1946, le commandant Ben Wyatt, de la Marine des Etats-Unis, convoqua les Bikiniens après le service religieux pour leur expliquer qu’avec leur accord leur île serait utilisée pour un grand projet, « dont bénéficierait l’humanité tout entière ».

Il semblait sous-entendre qu’une instance supérieure à toute autre sur Terre attendait leur feu vert.

Les Bikiniens, personnes de bonne volonté, firent annoncer leur décision par leur chef, Juda : « Puisque le gouvernement des Etats-Unis et les scientifiques du monde entier tiennent à utiliser notre île pour développer, avec la bénédiction de Dieu, le bien-être de l’humanité, nous serons heureux de nous associer à ce projet en cédant la place pour nous installer ailleurs ».

Mais selon d’autres sources, le dialogue fut le suivant :

Juda dit : « Tout est bien. Tout est dans les mains de Dieu ».

Le gouverneur réplique : « Si tout est dans les mains de Dieu, c’est forcément bien ».

explosion nucléaire dans les attols de bikini

Explosion de la bombe à hydrogène Bravo, 1er mars 1954. Le rayonnement de l’explosion est visible ici à 80 kilomètres. Source: National Geographic, juin 1986 « Bikini: un mode de vie qui disparait ». 

Six mois après le départ de 161 familles qui vivaient sur l’atoll de Bikini, au nord des îles Marshall, les Etats-Unis lâchaient la première bombe atomique sur le lagon, le 1 juillet 1946. Vingt-trois autres suivirent, de 1948 à 1958, dont la première bombe à hydrogène, « Bravo », mille fois plus puissante qu’Hiroshima, ainsi que 43 autres sur l’atoll d’Enewetak.

Les habitants de Bikini furent transférés sur l’atoll de Rongerik, puis à Kwajalein, puis à Kili.

Ils y sont toujours, à Kili.

A moins de 150 kilomètres de l’explosion de « Bravo », des enfants de Rongelap se mirent à jouer avec cette étrange « neige » venue de Bikini. Certains en portèrent à leur bouche. D’autres furent brûlés en la ramassant. Les trois-quarts des enfants âgés de moins de dix ans furent atteints de tumeurs de la thyroïde.  

Vingt-trois pêcheurs japonais furent également contaminés. Leur bateau, le Daigo Fukuryū Maru, eut la malchance de croiser dans les parages et zut, l’explosion de Bravo fut beaucoup plus importante que prévu. Le scandale au Japon fut énorme. D’ailleurs, en 1954, le film Godzilla retrace les tribulations du monstre parasité par la radioactivité, lequel terrorise le Japon et les Japonais, lesquels réussissent in extremis à s’en débarrasser grâce à leur expérience en la matière.

Cinq jours après la première explosion à Bikini, le 5 juillet 1946, la piscine Molitor sur les bords de la Seine à Paris, crépite sous les flashs des photographes. Une plantureuse créature  y exhibe ses formes et ses rondeurs à peine cachées par deux bouts de tissu. Louis Réard, le créateur de ses deux bouts de tissu, déclara avoir choisi le nom de « bikini » en référence à l’atoll du même nom. Il espérait que l’effet de mode de ce nouveau produit serait comparable à celui de l’explosion nucléaire.

femme en bikini

Micheline Bernardini, premier bikini. 

La publicité, toujours de bon goût, immortalisa le produit par un slogan choc : « le Bikini, première bombe an-atomique ».

En fait, le plus petit maillot du monde fut créé en 1932. Il s’appelait « Atome ». Mais il n’y eut pas d’explosion nucléaire pour le rendre populaire.

Réflexion faite, le plus petit maillot du monde apparut en Sicile, au IVème siècle après J.C.  

Les bombes atomiques n’ont pas été interdites par les morales religieuses, mais le maillot bikini, oui. Il fut interdit en Italie, en Espagne, en France et en Belgique. Et même dans les piscines allemandes jusqu’en 1972.

Entre 1946 et 1952, personne n’aime le bikini. Le plus petit vêtement du monde déchaîne les passions. L’Osservatore Romano du Vatican annonce que les chevaliers de l’Apocalypse apparaîtront sans doute en bikini. Les communistes estiment qu’il favorisera la lutte des classes. Les municipalités le bannissent des plages familiales. Le bikini, tout comme la religion ou la politique, devient un sujet à éviter lors des repas du dimanche.

Malgré tout, en dépit de tout, et bien entendu, il devient populaire dès 1952, grâce à l’opprobre, Dalida, Elvis Presley, le bouche à oreille et Brigitte Bardot.

Tout le monde parle du bikini et personne n’a jamais entendu parler de Bikini.

Loin des plages européennes, les habitants de l’atoll de Bikini vivotent toujours à Kili. Il n’y a pas de lagon, ils ne pêchent pas, ils survivent grâce à des subventions généreuses octroyées par le Gouvernement américain (we are so sorry), ils s’ennuient sur leur petite île, les plus jeunes s’en vont à Majuro, la capitale des Marshall, où ils s’empiffrent de diététiquement incorrect et de boissons gazeuses proscrites par le bon sens.

Les anciens, eux, veulent retourner sur leur atoll.  

A la fin des années 60, quelques habitants revinrent s’installer sur leur atoll. Mais ils furent bientôt évacués à cause de la radioactivité présente dans le sol et dans certaines plantes consommables, comme le fruit de l’arbre à pain, les noix de coco et les feuilles de tarot, bases de l’alimentation traditionnelle.

cimetiere a bikini

Une famille de Bikini dit adieu à la tombe d’une personne aimée. En 1946, tous les habitants de l’atoll ont quitté leur terre natale et leurs ancêtres. (Photo: National Geographic, 1946)

En 1998, l’Agence internationale de l’énergie Atomique (AIEA)constate que l’eau des nappes phréatiques et certains produits locaux restent inaptes à la consommation. Elle recommande de ne pas repeupler l’île.

En 2010, l’atoll est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que « symbole de l’entrée dans l’âge nucléaire » de l’Humanité.

Les Bikiniens, toujours exilés sur leur île de Kili, à 1500 kilomètres de leur atoll natal ou post-natal, n’ont toujours pas de médailles. Mais ils possèdent leur drapeau avec cette devise amère : « Chacun est dans les mains de Dieu ».

drapeau bikini

Le tourisme est autorisé. A condition de signer une décharge stipulant que l’on doit renoncer à toutes poursuites en cas de cancer et de ne pas consommer de produits locaux. Sinon, il n’y a pas de risques particuliers, la radioactivité ayant disparu de l’air et de l’océan. Pendant quelques années, un club de plongée a ouvert ses portes dans un environnement un peu surréaliste et bien décrit pas André Courtin* dans un ouvrage intéressant. Il est maintenant fermé.

En 2012, le bikini est dans les mœurs. Il est toujours aussi déprimant à essayer pour la majorité des femmes du monde entier. Et il est toujours aussi cher.

*Bikini, mon amour. André Courtin, Payot, Paris 2002.

Pour les férus de plongée sous-marine, un site (cliquer ici

Pour les férus de détails historiques, un site (cliquer ici)

Damien Personnaz

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