Balade dans les massifs vosgiens et à la découverte des châteaux des Vosges, châteaux forts et /ou médiévaux qui révèlent une histoire passionnante et finalement peu connue impliquant Salm, Wangenbourg, Haut-Koenigsbourg ou encore Saint Ulrich…
Sur la route des châteaux médiévaux vosgiens
Le massif des Vosges, qui s’élève dans l’est de la France, dans les régions de la Lorraine et de l’Alsace, couvre une superficie de quelque 6 000 km2 et révèle, depuis le ciel, une forme lancéolée. La sévère érosion causée par les grandes glaciations du Quaternaire et les forts vents ont arrondi les sommets des Vosges, qui atteignent leur point culminant au Grand Ballon (1424 m). Mais les sentiers de randonnées qui parcourent le massif, et sont entretenus et mis en valeur par la Fédération du Club Vosgien (fondée en 1872), nous permettent de découvrir un relief aux aspects fantastiques, comportant des escarpements et des éperons, ainsi que de titanesques rochers. Ces sentiers nous invitent à explorer le monde enchanté d’une vaste forêt où l’eau abonde, sous la forme de lacs, de rivières, de ruisseaux et de cascades.
Dans cette forêt se dressent, souvent sur d’imposants affleurements rocheux, les ruines de nombreux châteaux forts médiévaux. Depuis leurs tours et leurs murailles –où, à une époque, d’attentives sentinelles montaient la garde- la vue embrasse les vallées voisines et parfois, la grande plaine d’Alsace, longée par le Rhin, qui marque actuellement la frontière entre la France et l’Allemagne. Du haut de certains monuments (tels que le Haut-Koenigsbourg), on peut même apercevoir, par temps clair, les montagnes de la Forêt-Noire (en Allemagne) et des Alpes.
Dans les enceintes des châteaux des Vosges, divers vestiges, comme ceux des chapelles, des habitations, des fours, des cheminées et des puits, recréent dans notre esprit des scènes de la vie d’antan. Dans la demeure principale, on s’imagine, autour d’une grande table à tréteaux, le seigneur et ses compagnons dînant ; pour animer la froide soirée se présentent, devant eux, des acrobates, des jongleurs, des dresseurs d’animaux, des poètes et des conteurs, venus de nulle part et d’ailleurs.
L’imposant château de Saint-Ulrich (XIIIème siècle) domine un passage stratégique entre la plaine d’Alsace et la haute vallée de Lièpvre
La construction de châteaux forts, dans les Vosges, commença au XIème siècle et connut son apogée aux XIIème et XIIIème siècles. Ce territoire de montagnes renvoyait alors les échos d’interminables guerres. Vers l’an mille, la décomposition de l’autorité royale carolingienne favorisa les invasions et le développement du système féodal, dans le cadre duquel des vassaux (chevaliers) juraient fidélité à des seigneurs de rangs supérieurs, en échange de domaines (fiefs) où ils exerçaient un pouvoir presque absolu. Malgré les efforts de l’Église, qui lança les mouvements connus sous les noms de Paix de Dieu et Trêve de Dieu, la société féodale resta très violente. En conséquence des incursions étrangères et des rivalités entre les familles nobles, les Vosges se hérissèrent de châteaux, qui furent à la fois des résidences seigneuriales, des forteresses, des œuvres d’art et des symboles de pouvoir.
L’état de ruine dans lequel se trouvent aujourd’hui beaucoup de ces châteaux n’est pas dû, en réalité, aux conflits du Moyen-Âge, mais à la conflagration européenne de la Guerre de Trente (1618-1648), et à l’annexion postérieure de l’Alsace par la France -afin d’écraser la résistance de l’aristocratie alsacienne, le roi Louis XIV ordonna la destruction de ses places fortes.
De nos jours, les châteaux médiévaux des Vosges appartiennent à l’État, à des départements, à des communes ou à des particuliers (certains demeurant même en possession des familles de la noblesse locale). Ils sont, dans leur grande majorité, d’accès libre, et semblent sommeiller dans la tranquillité des bois. Là, l’aspect changeant des arbres, au gré des quatre saisons, rappelle toujours et encore l’immuable destin des réalisations humaines : la jeunesse (le printemps), la maturité (l’été), la vieillesse (l’automne) et la mort (l’hiver), mort qui bientôt entraînera une nouvelle naissance. Les châteaux constituent des destinations appréciées des promeneurs, guidés par la signalisation placée le long des sentiers par le Club Vosgien. Souvent, les visiteurs trouvent parmi les ruines au moins un panneau fournissant des informations historiques, mais l’absence de personnel sur bien des sites oblige à une prudence extrême, pour éviter les accidents.
Relativement peu de châteaux des Vosges ont fait l’objet de travaux de restauration d’envergure. Il convient de mentionner le cas du Haut-Koenigsbourg, qui fut déclaré Monument Historique par le Gouvernement français en 1862 et restauré au début du XXème siècle, par la volonté de l’empereur allemand Guillaume II (l’Alsace avait été annexée par l’Allemagne à l’issue de la guerre de 1870-71) ; ce site est aujourd’hui l’un des plus visités de France, avec quelque 550 000 visiteurs par an.
L’intrigante silhouette du Haut-Koenigsbourg (XIIème siècle), dans la nuit. Ce château est un des sites historiques les plus visités de France.
Le Hohlandsbourg -la plus grande forteresse d’Alsace, d’une longueur de plus de 100 mètres- a été restauré dans les années 1990, et converti en un important centre d’activités culturelles (une partie de l’année, des ateliers et animations reproduisent des aspects de la vie médiévale). Plusieurs châteaux sont devenus le théâtre de spectacles où l’histoire se mêle au mythe, et à Wangenbourg, durant les longues nuits d’automne et d’hiver, des « fenêtres » montrant des scènes de Noël illuminent la rue qui unit le village à sa vénérable forteresse.
Le lien puissant qui existe toujours entre les populations et ce patrimoine médiéval des châteaux des Vosges se manifeste aussi dans les légendes, transmises de génération en génération. Par exemple, celle des géants du château du Nideck (publiée par les célèbres frères Grimm) ; celles, aussi, des mystérieuses dames blanches du Hohenbourg et du Reichenstein ; de la fleur du Landsberg, témoignage de l’immortel amour d’un chevalier et de sa promise ; et de la fleur rouge du Ringelstein, souvenir d’un vil assassinat. Comme l’écrivit Maurice Barrès (1862-1923), les châteaux des Vosges sont d’authentiques « points de sensibilité ».
Pour aller plus loin à propos des Vosges et de leurs châteaux médiévaux :
- Les plus belles randonnées des Vosges
- Lorraine et Vosges, Petit Futé (à partir de 4,90€)
- Guide du Routard Alsace Vosges
- Clair de brume ; regards sur les Vosges
- Vosges Mystérieuses
Photos (par Sébastien Perrot-Minnot) :
Le Girsberg, perché sur un fantastique éperon rocheux, renforçait les défenses du proche château de Saint-Ulrich.
Cet édifice du château de Salm semble sommeiller sous sa couverture végétale.
Le château du Landsberg est le théâtre d’une romantique légende…
Le donjon du Wangenbourg, sous le ciel gris de l’automne.
Scène de Noël, dans la rue qui unit le village de Wangenbourg à son château.
Sébastien PERROT-MINNOT
Article publié dans La Revista D, supplément dominical du quotidien Prensa Libre (Guatemala), le dimanche 10 janvier 2010.
Lien de l’article original : Servicios Prensa libra
Traduit de l’espagnol par l’auteur.