Dans Cochon d’Allemand, roman danois, Knud Romer dépeint une certaine vision du Danemark … C’est aussi le Danemark vu par un « cochon d’Allemand ». Ce premier roman de Knud Romer, collaborateur de Lars Van Trier dans « Les Idiots » est un récit autobiographique et un récit d’enfance ; une histoire mêlant l’histoire personnelle, l’Histoire, la politique et l’histoire d’une époque… Retour dans les années 60, quand Knud Romer naît à Nyköping ; « une ville si petite qu’elle se termine avant même d’avoir commencé » et s’entend traiter de « cochon d’allemand » en ignorant ce que cela signifie… Mais que veulent donc dire ces mots?
Cochon d’Allemand – Knud Romer (1960 – ….)
On ne choisit pas sa famille et le petit Knud, habitant de la ville danoise de Nyköping sur l’île de Falser qui disparaît presque à marée montante, a tiré le gros lot à loterie de la vie. Il nous entraîne, à travers un livre patchwork, dans la visite de son arbre généalogique qui comporte un grand père paternel qui exerça trente-six métiers pour trente-six misères, un grand père paternel trop vite décédé, suppléé par un hobereau prussien rigide comme la pointe de son casque en guise de parâtre. Mais le personnage central de ce livre, celui qui devrait en avoir le rôle titre, à mon sens, c’est la mère qui connut une destinée extraordinaire et dont le chemin emprunta tous les méandres de l’histoire germanique pendant la période hitlérienne. Arrivée à Berlin pour faire des études en 1939, elle en fut vite chassée par la répression à l’opposition au Führer et navigua ensuite entre l’Autriche et la Prusse au gré des aléas de la guerre pour terminer celle-ci comme réfugiée de ce qui deviendra l’Allemagne de l’Est après avoir connu les hôpitaux militaires et les camps américains.
Dans une Allemagne vidée de ses hommes, la mère, Hildegard, s’exile pour trouver un emploi au Danemark où elle fonde une famille et donne naissance au petit Knud. Mais cette nouvelle patrie n’acceptera jamais «l’Allemande» qui sera rejetée et humiliée comme son fils qui sera la bête noire de toutes les écoles qu’il fréquenta, le «Cochon d’Allemand» qui subissait toutes les brimades de la part de ses petits camarades sous l’œil innocent du corps enseignant. «Mère avait été une femme du monde, et la fin de ce monde fut aussi la sienne.»
Même si partout en France après la guerre, le sentiment antigermanique prévalut pendant un certain temps, rares sont les endroits où une telle haine perdura si longtemps avec une telle violence. Et cette intolérance se manifeste à l’écart de tous les «différents», ainsi la fille d’un handicapé subit elle aussi des brimades: «… son père souffrait d’une sclérose en plaque et se déplaçait dans un fauteuil roulant. On se moquait d’elle à cause de cela, et … ils se jetaient sur elle et la tabassaient: son père était un débile». Et si le Danemark n’était pas l’Eldorado que l’on croit?
Ce livre traitant du rejet des enfants différents et notamment des enfants nés d’un parent étranger, et qui plus est Allemand, vient peu après Sang impur d’Hugo Hamilton, serait-ce symptomatique d’une plaie mal cicatrisée qui se rouvrirait?