Découvrir un pays, c’est aussi l’occasion d’un voyage culinaire, qui surprend les sens. La cuisine bosniaque et bosnienne mêle des spécialités de la Yougoslavie intérieure (Serbie, Macédoine) et des plats, des friandises très inspirées de la gastronomie turque, en raison de l’occupation ottomane pendant plusieurs siècles…
Cet article ne vise pas à présenter la cuisine bosniaque de manière non exhaustive mais plutôt à mettre un coup de projecteur sur les mets que j’ai eu l’occasion de manger lors de mes divers voyages en Bosnie Herzégovine… Certaines de ces spécialités de la cuisine bosniaque et bosnienne se retrouvent dans toute l’Ex-Yougoslavie ou dans les zones qui ont connu l’influence ottomane ; elles connaissent simplement quelques variantes selon les régions. La cuisine bosniaque mêle des spécialités de la Yougoslavie intérieure (Serbie, Macédoine) et des plats, des friandises très inspirées de la gastronomie turque. C’est une véritable creuset d’influences à l’image de la culture bosniaque…
Bosanski Ionac, le plat typique de la cuisine bosniaque
L’un des plats typiques de la cuisine bosniaque et bosnienne comme son nom l’indique est le bosanski lonac, littéralement le pot bosnien. Il s’agit d’une sorte de ragout de viande, servi avec des légumes ; on mélange ainsi de larges tranches de viande avec les légumes que l’on laisse mijoter dans un pot de céramique. Le bosanski lonac ne correspond pas à une recette particulière. Il y a quasiment autant de recettes que d’habitants à travers les Balkans. On retrouve ce plat d’ailleurs en Croatie, en Serbie et au Montenegro, à savoir dans tous les pays où l’on trouve des minorités bosniaques.
Dans la version la plus classique, le bosanski Lonac se compose de boeuf et d’agneau, mais aussi de légumes tels que le chou, les carottes, les pommes de terre, les tomates, le persil, le poivron, l’ail, sans oublier le poivre. Préparé dans une marmite, souvent à l’extérieur en été, le bosanski lonac se sert aussi dans des pots en céramique… Mais en tant que touriste, vous l’apprécierez plutôt dans un agrotourisme (seoski turizam, agriturizam) ou dans un établissement appelé aščinica, où on déguste le bosanski lonac et en guise d’entrée, en général la soupe Begova čorba à base de viande et de légumes.
A noter que la soupe est couramment proposée pour initier le repas en Bosnie Herzégovine qu’il s’agisse de la Begova čorban ou de la Pileća čorba pour les plus fréquentes.
Les viandes, une place centrale en Bosnie Herzégovine
La Bosnie Herzégovine ne fait pas exception dans les Balkans en accordant à la viande une place centrale comme en témoigne la présence sur toutes les cartes de restaurants des cevapi (voir ci-après) mais aussi du mix grill qui associe plusieurs morceaux de viandes différents avec des poivrons cuits ou du ajvar, sorte de sauce à l’aubergine et au poivron.
Dans la cuisine bosniaque, le boeuf est rare pour ne pas dire inexistant et moins encore sous forme de faux-filet ou d’entrecôte. Il s’agit en effet d’un produit de luxe hors de portée de la majorité des gens, ce qui explique que dans les restaurants, vous trouviez surtout du porc, du poulet, mais aussi (surtout en montagne) de l’agneau sous forme de Jagnjetina, du mouton (ovcetina) et du cochon de lait (prasetina) cuits à la broche .
Vous trouverez également de la viande en ragoût ou au feu de bois parmi les mets de la cuisine bosniaque : notamment de la chèvre, de l’agneau, jamais de porc ou presque, sauf dans les zones « serbes »… Vous apprécierez la viande à la broche, la jagnjetina qui est une spécialité des régions de montagne, également très présente en Croatie et en Serbie. L’agneau est le mets le plus courant surtout le week-end, quand la jagnjetina est l’occasion d’un repas convivial, en famille, entre amis ou au restaurant (entre 5 et 10€ la part)…
Dinstana teletina sa umakom
Que faut-il manger absolument en Bosnie Herzégovine?
En Bosnie Herzégovine, traditionnellement, on mange de la soupe aux légumes, à la viande (poulet, boeuf ou porc en république serbe de Bosnie), au poisson (sur la côte à Neum) nommée čorba pour entamer le repas, on accompagne la viande ou le poisson grillé avec de la salade… C’est d’autant plus vrai dans la cuisine bosniaque. A cela peut s’ajouter un dessert : des fruits avec de la crème en particulier ou des gâteaux très sucrés tels que la baklava… On mange pour pas cher du tout dans toute la Bosnie, puisqu’un repas complet peut coûter selon la nature des mets, aux alentours de 5€, au maximum pour les plats les plus onéreux comme les mix grills une dizaine d’euros (hors boisson) mais ces prix tendent à augmenter dans les zones très touristiques telles que le centre ancien de Mostar ou le quartier turc de Sarajevo.
Les Bureks sont immanquables dans la cuisine bosniaque et bosnienne : il peut y en avoir au fromage (sirnica), aux épinards (zeljanica), aux pommes de terre (krompiruša) et à la viande : ils sont faits à la mode turque, un peu plus secs, ou à la mode bosniaque, assez gras parfois, comme en Macédoine. Les Bureks sont vraiment incontournables, il y en a partout, on en mange presque à toute heure, leur prix est aux alentours de 1€, 2 KM. On trouvera notamment des bureks dans les buregdžinica, petits restaurants rapides spécialisés en bureks.
Les Cevapi et les pljeskavica dans la cuisine bosniaque:
Pour les Bosniens, les cevapcici sont une spécialité typique de Bosnie. Or, les cevapcici appelés aussi cevapi sont présents dans toute la Serbie, la Bosnie, une partie de la Macédoine et du Montenegro et en Croatie et ont été importés par les Ottomans à la faveur des invasions du XVème – XVIème siècle … Ce sont des petits rouleaux qui ressemblent à des saucisses, faites de viande hachée et mélangés avec des épices. Ce n’est pas très relevé malgré la présence d’épices, les cevapi peuvent être accompagnés de sauce au kajmak (fromage) ou de fromage frais. La plupart du temps, dans la cuisine bosniaque, ils sont servis en sandwich, dans du pain nommé somun, en forme de pita, avec des oignons, du choux ou / et du fromage. En assiette, ils seront aussi accompagnés d’une purée de poivrons très courante dans toute l’ancienne Yougoslavie.
Comme les cevapi sont un peu l’institution culinaire en Bosnie Herzégovine et finalement considérés comme la spécialité bosniaque la plus célèbre, tout un art de les consommer s’est développé. Les voyageurs qui mangent à pleine bouche leur sandwich aux cevapi l’ignorent, mais il faut pour respecter la tradition, tout d’abord arracher un morceau de somun, le tremper dans la crème blanche ou le fromage frais, puis l’accompagner d’une saucisse de viande et de quelques oignons crus.
Si l’on trouve des cevapi partout dans les restaurants en Bosnie Herzégovine, il est recommandé de se rendre dans une čevabdžinica, l’équivalent de la pizzeria pour la pizza, pour les consommer. La spécialité de ce type d’établissements est donc exclusivement le cevapci et toutes ses variantes. Il faut savoir qu’il y a à peu près autant de cevapcici que de bosniens et chaque ville s’enorgueillit de proposer les meilleurs cevapi. Une petite guerre culinaire existe donc entre les cevapi de Sarajevo et de Travnik ou de Mostar.
Dans le même ordre d’idée, vous trouverez les pljeskavica, une sorte de hamburger local, dont la viande hachée est relevée avec des épices : la pljeskavica est plutôt d’inspiration serbe mais elle reste présente dans la cuisine bosniaque.
Le somun ou Souma est un pain rond souvent utilisé pour les sandwichs notamment avec des cevapcici…
Attention, les plats sont souvent chargés, assez lourds, par conséquent, il y a au moins 10 cevapi par assiette ce qui est beaucoup quand ils sont au couverts de kajmak chaud!!!
Vous trouverez périodiquement des cevapi (loin d’être ressembler aux originaux, mais assez bons) dans les magasins LIDL au rayon congelé.
Autres mets de la cuisine bosniaque:
L’heureux bosniaque : pour ceux qui connaissent, cela ressemble à de l’adana (turc), viande hachée avec des épices… Les Shish kebabs ou kabops sont des brochettes en général au poulet, à l’agneau, au veau, vous trouverez aussi des brochettes au porc similaires en Serbie…
Japrak:
rouleaux de chou farcis à la viande et au riz
Pileci raznjici
brochettes au poulet
Raznjici sa susamom :
brochettes au veau
Klepe
raviolis de viande hachée et à la sauce au fromage frais
Muckalica : porc aux oignons confits et au paprika
Parmi les spécialités partagées entre la Croatie et l’Herzégovine, on poursuit le voyage culinaire, en découvrant la neretljanska jegulja, les anguilles qui sont LA spécialité la plus réputée de la région de la Neretva dont le delta se situe autour de la zone Ploce – Metkovic en Croatie… La préparation de ce plat aurait été attestée depuis l’antiquité sous l’ère de l’empereur Vespasien.
La pêche à l’anguille est une tradition de plus de deux millénaires pour les habitants de la Neretva. C’est dire qu’on ne mange pas seulement un plat, mais un peu des traditions de cette Dalmatie méridionale… Il y a plusieurs modes de cuisson pour l’anguille, la préparation la plus rapide est l’anguille grillée. En revanche, les habitants préfèrent la déguster en brudet, cette soupe traditionnelle de l’Adriatique qui ici est constituée principalement d’anguilles, mais aussi de cuisses de grenouilles, très présentes sur les bords de Neretva, Cetina et Sava. La version plus gastronomique se trouvera sous le nom de crveni brudet : on y ajoute de la viande pour une association terre – mer. Il doit aussi son nom au fait qu’on l’arrose de vin rouge. Le vin rouge qu’on produit pour sa consommation personnelle est parfait, riche en saveurs fruits.
On trouve donc la spécialité de brodet aux anguilles en Herzégovine dans la frange croate sous le nom de Hercegovački brudet od jegulja (brodet d’anguille d’Herzégovine – région de Mostar) ; les anguilles de la rivière Trebizat sont réputées. On accompagne volontiers ce plat d’un verre de vin issu du cépage Plavac mali, répandu dans la région entre Hvar et la presqu’île de Peljesac.
Les desserts en Bosnie Herzégovine
Les Bosniens, comme leurs voisins d’ancienne Yougoslavie, ne sont pas des grands amateurs de desserts. On pourra acheter des gâteaux dans les pâtisseries, éventuellement certaines boulangeries ou en trouver sur les cartes des restaurants en particulier dans les villes touristiques. Un repas au restaurant ne se conclut pas forcément par un dessert ou une gourmandise sucrée, mais il y a quelques mets qui figurent sur toutes les cartes comme les crêpes et la baklava.
L’inspiration turque est omniprésente dans la cuisine bosniaque avec les baklava, la halva (sésame à l’orange germé dans du miel) et de nombreux gâteaux imbibés dans le sirop ou le miel viennent rappeler les siècles d’occupation ottomane et l’influence orientale dans les régions bosniaques comme serbes de Bosnie. Mais compte tenu du niveau de vie, les friandises sont réservées à des occasions spéciales comme le tufahija – compote de pommes ou pommes farcies aux noix et couvertes de crème fouettée ou de fromage blanc. La pomme se retrouve dans plusieurs mets populaires, elle est donc un peu la star des desserts bosniens. On peut l’apprécier notamment dans les gibanica en version sucrée.
Autre douceur très appréciée en Bosnie Herzégovine y compris dans la cuisine bosniaque, les ruske kape autrement dit les chapeaux russes que l’on trouve sous la forme d’une génoise rondes au chocolat, fourrée à la crème de coco, roulée dans de la noix de coco et surmontée d’un « chapeau » de chocolat noir fondu, ce qui lui vaut son nom. Ce n’est pas le raffinement qui caractérise la pâtisserie en Bosnie Herzégovine comme dans les pays voisins. La grosseur des gâteaux ne compense pas un goût souvent décevant pour ne pas dire insipide et une texture parfois caoutchouteuse et peu élaborée.
L’un des autres gâteaux les plus célèbres, également présent en Croatie, Slovénie et Serbie, s’appelle en Bosnie Herzégovine la Šampita. Il s’agit d’un gâteau à base de pâte feuilletée légère et croustillante et d’un coeur à la meringue ultra moelleux.
Vous pourrez aussi manger des crêpes (palcinci, palacinken) à la confiture, au nutella, à la poudre de noix (recommandé), au fromage blanc, aux fruits, si tant est que le restaurant où vous allez ait les aliments nécessaires pour vous les faire, ce n’est pas évident, surtout que tout est fait au moment dans ces pays! Rien est congelé.
Les boissons en Bosnie
La route des vins en Bosnie Herzégovine
Il y a peu de vins en Bosnie Herzégovine: on trouve quelques rares vins blancs ou rouges dans la frange à majorité croate de la fédération croato-musulmane de Bosnie Herzégovine (entre la frontière croate et les environs de Mostar). Ailleurs, ils sont souvent importés de Croatie, de Macédoine ou de Slovénie. Les meilleurs vins de Bosnie Herzégovine sont peut-être situés dans la république Srpska, dans la région de Trebinje et plus précisément près du monastère serbe de Trvdos (ci-dessous). Les moines orthodoxes du monastère Trvdos travaillent la vigne et produisent des vins de qualité et des liqueurs locales, conservés dans leurs caves où on peut assister à des dégustations par les moines eux-mêmes. Ces vins très bons sont vendus dans la boutique du monastère pour quelques euros.
Une route des vins de Bosnie Herzégovine a même été créée en 2007 ; elle unit exceptionnellement les entités de Bosnie, Herzégovine (Mostar, Caplina, Ljubuski, Stolac, Medjugorje, Citluk) et Srpska (Trebinje). On cultive ici des cépages locaux et rares, produisant un vin blanc, Zilavka, un vin blanc sec, le Kameno, et un vin rouge, Blatina (notamment de Broto, rouge et assez sec). De même, en quantité plus modestes, on rencontrera des vins tels que le Trnjak, Plavac et Vranac, vin le plus populaire du Montenegro. Des cépages internationaux Chardonnay, Cabernet Sauvignon et Merlot sont aussi cultivés.
Depuis l’antiquité, la Bosnie est une terre de vignobles en dépit du relief karstique aride et du soleil brûlant qui peut s’abattre sur la région pendant la période estivale. La culture du vin fut permanente pendant tout le Moyen-Age d’autant que cela constituait une activité incontournable des familles aristocrates. L’arrivée des ottomans au XVIème siècle a mis un coup d’arrêt à la viticulture bosnienne, puisque entre les débuts de l’invasion et le XVIIIème siècle, la production de vin n’a cessé de décliner au point de quasiment disparaître. La viticulture est donc concentrée sur trois territoires principalement dans la vallée de la Neretva, la région de Trebinje (sud ouest, à la frontière avec la Croatie et le Montenegro), baignée par la Trebisnjica, une rivière partiellement souterraine et les environs de Mostar entre Stolac et Caplina Ljubuski et Medjugorje.
Tandis que le Zilavka affiche une robe à la couleur dorée, grâce à la nature calcaire des sols où sont produits les vignobles, le Blatina partage avec le Vranak une couleur rouge foncé presque noire, mais il s’en distingue par ses notes de prune sombre, de cerise (merisier), d’anis, de poivre noir, de pétale de rose, de piment anco et même de chocolat que lui attribuent les oenologues.
Avec ses accents acides, le vin de caractère de Čitluk, qui abrite la plus grande cave de Bosnie Herzégovine avec une production de plus de 110 000 hl pour 300 ha de vignobles révèle parfaitement les conditions difficiles et particulières de la viticulture en Bosnie Herzégovine. C’est d’autant plus vrai pour le vin rouge Blatina dans la région de Citluk en Herzégovine, où les cépages sont cultivés dans un paysage parfois désertique, constitué essentiellement de pierres (stone) frappées par le soleil, ce qui explique la forte teneur en sucre du breuvage. Bien que la route des vins de Bosnie Herzégovine soit peu connue, elle est très agréable à parcourir car autour des cépages autochtones, elle allie découvertes culturelles et naturelles…
» En savoir plus sur la route des vins en Bosnie Herzégovine… (en anglais)
Le café turc, une institution en Bosnie Herzégovine
En Bosnie Herzégovine, il faut impérativement boire un café turc. Bien que l’on trouve aisément du café expresso (à préciser espreso kava) dans les cafés de toute la Bosnie Herzégovine, le véritable café comme partout ou presque dans les Balkans hormis près du littoral, est à la turque. Si en Serbie, le café turc n’est pas spécialement bon, en Bosnie, il est beaucoup plus proche du vrai et respectueux de la tradition qui veut que l’on laisse le marc infuser une à deux minutes pour qu’il repose ensuite au fond de la tasse. Après avoir laissé décanter le café bouilli et non filtré, il convient donc d’éviter de trop l’agiter avec la cuillère pour sucrer votre café au risque de faire remonter le marc… Accompagné d’un petit loukoum, le café turc est plus qu’une boisson!
C’est un rituel de convivialité accessible entre 1 et 1,50 KM soit environ 50 – 70 cts, automatiquement servi avec un verre d’eau et parfois même de l’eau de vie ; le fameux rakija dans les régions à dominante serbes… Les amateurs de thé auront plutôt droit à une infusion à l’hibiscus (sipak caj) qui est accompagnée d’un quart de citron. Si dans un café, on vous sert du thé plus classique, il sera presque toujours proposé avec du miel.
- Découvrir aussi Le goût de la Bosnie
- Dzana, la Bosnie sur le Net
- Office de tourisme de Bosnie (anglais)
Retour de ping : Belgrade Sarajevo en train : voyage et rencontres dans les Balkans
Preparation « Pita od kopriva (Zeljanica) » / Burek Bosniaque aux orties video sous-titre en francaise
Mes salutations de Strasbourg <3
Un grand bonheur de trouver toutes ces recettes que faisaient ma Maman et où il me manquait toujours un ingrédient pour retrouver le goût exact.
Merci
Je viens de lire l’article sur la cuisine Bosniaque. Veritable souvenir gastronomique des voyages dans les Balkans: Croatia, Bosnie, Servie, Macedonie et Montenegro. Encore je sent dans ma bouche fondre les boureks, salés ou doux à la pomme, les pljeskavica, la jagnjetina avec le soume presque chaud, ainsi que les palacinken que nous ont acompagné pendant tout le voyage, sans oublier les incomparables cafés tucs, principalement sur la route pietonne de Mostar…et la tuika pour en finir…j’espere y revenir à nouveau.